La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2023 | FRANCE | N°22LY00126

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 20 décembre 2023, 22LY00126


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de décisions du 28 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a désigné son pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de six mois.



Par un jugement n° 2106253 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a

rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 14 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de décisions du 28 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a désigné son pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 2106253 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, Mme C... B..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales du 28 juillet 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sous quatre-vingt-dix jours, désignant un pays de renvoi et portant interdiction de retour pendant six mois ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de procéder au réexamen de sa situation, l'ensemble dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- en s'abstenant, dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, de procéder, préalablement à la décision de refus de séjour, à un examen sérieux et complet de sa situation, au regard des éléments contenus dans son recours gracieux, le préfet a commis une erreur de droit, et le tribunal également quand il juge que cette autorité n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments portés à sa connaissance ;

- le préfet a commis une autre erreur de droit, pour n'avoir pas examiné la qualité de l'emploi qu'elle occupe, ni, avant d'opposer le refus en litige, préalablement statué sur une demande d'autorisation de travail ;

- le préfet a également porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui impartissant un délai de quatre-vingt-dix jours pour quitter volontairement le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision désignant son pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est en outre entachée d'erreurs de fait et d'appréciation.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 1er juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2023, le rapport de M. Gros, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante algérienne née le 9 octobre 1974, est entrée en France le 10 août 2014, accompagnée d'un fils mineur, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Après que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le préfet du Rhône a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement, qui assortissait un refus de séjour, par des décisions du 10 juillet 2017 dont Mme B... n'a pas obtenu l'annulation. En novembre 2020, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Un refus lui a encore été opposé, le 28 juillet 2021, par le préfet du Rhône qui lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour avant l'écoulement d'une période de six mois. Mme B... relève appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 28 juillet 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Le moyen soulevé par la requérante, selon lequel le tribunal aurait entaché son jugement d'une erreur de droit pour énoncer que le préfet n'avait pas à mentionner, dans l'arrêté en litige, avant d'opposer le refus de séjour, l'ensemble des éléments portés à sa connaissance, relève du bien-fondé du jugement et se trouve dépourvu d'incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige qu'après avoir fait état, notamment, de la situation personnelle et familiale de la requérante, détaillé son activité professionnelle, mentionné la scolarisation de son fils A..., le préfet du Rhône a estimé que cet ensemble " ne répond pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour ". Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet s'est ainsi prononcé, au titre de son pouvoir général de régularisation, sur la demande de titre de séjour formulée par Mme B... le 23 novembre 2020 et renouvelée dans le cadre d'un " recours gracieux " notifié le 20 mai 2021, à l'appui de laquelle elle se prévalait de la scolarisation de son fils, de " circonstances humanitaires particulières " et de son activité professionnelle. Il ne ressort pas de cette motivation ni des pièces du dossier que le préfet aurait omis de procéder à un examen complet de la situation de Mme B.... Enfin, le préfet n'était pas tenu de se prononcer sur une demande d'autorisation de travail, inexistante. Par suite doivent être écartés les moyens d'erreur de droit ou de défaut d'examen préalable, réel et sérieux de la demande de titre de séjour.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

5. Mme B... est employée par quelques personnes pour effectuer principalement des tâches de ménage et repassage, selon des durées variables, un premier contrat, à durée indéterminée, ayant été conclu à cet effet en octobre 2018. Cet exercice professionnel lui a procuré en 2020 des revenus d'un montant de 5 760 euros, accrus en 2021. Maîtrisant la langue française, elle est par ailleurs investie bénévolement dans diverses activités de nature associative et bénéficie de nombreux soutiens. Son fils, A... D..., né en 2009, a été scolarisé en classe de sixième de collège où, selon son professeur principal, il suit les cours avec assiduité et se montre motivé et très soucieux de progression. L'enfant participe également à diverses activités extrascolaires. Toutefois, cet ensemble, constitué, durant un séjour de presque sept années, mais à la faveur d'une mesure d'éloignement non exécutée, ne suffit pas à démontrer que se trouve désormais en France le centre des intérêts de la requérante, dont les frères et sœurs, comme son autre fils, né en 1994, ainsi que le père de ses enfants, résident en Algérie, pays qu'elle a quitté âgée de presque 40 ans. Le préfet du Rhône ne peut ainsi pas être regardé, quand il oppose le refus de séjour en litige, comme portant une atteinte excessive au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de son fils A..., qui n'apparaît pas empêché de poursuivre une scolarité en Algérie, ni exposé à des risques pour sa sécurité dans ce pays. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations ci-dessus visées. Pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de la situation de la requérante.

En ce qui concerne les autres décisions :

6. La décision de refus de séjour n'ayant pas, eu égard à ce qui a été précédemment exposé, été démontrée illégale, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de son illégalité articulé à l'encontre de la mesure d'éloignement. Pour les mêmes motifs figurant au point 5, cette mesure ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que doivent être écartées les exceptions d'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement, articulées, l'une ou l'autre, à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire de quatre-vingt-dix jours, de celle désignant un pays de renvoi et de celle portant interdiction de retour.

8. Pour les mêmes motifs figurant au point 5, l'interdiction de retour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'une erreur de fait qui résiderait dans l'appréciation du préfet selon laquelle la requérante " ne justifie pas d'une vie privée et familiale stable et intense en France ". Cette interdiction ne repose pas, contrairement à que soutient la requérante, sur le seul motif de sa soustraction à la mesure d'éloignement prononcée le 10 juillet 2017, et si elle argue de ce que son comportement n'est pas menaçant pour l'ordre public, le préfet n'a pas entendu se fonder sur une semblable menace, de telle sorte que doit être écarté le moyen d'erreur d'appréciation articulé à l'encontre de cette interdiction de retour.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 juillet 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00126
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-20;22ly00126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award