Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Club ULM de Fayence-Tourrettes (CLUFT) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite née le 26 septembre 2018 du silence du président du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes sur sa demande tendant à faire cesser le traitement inégalitaire entre usagers planeurs et usagers ULM et à faire engager des travaux d'abri pour ULM et d'enjoindre au Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes de mettre fin à la discrimination tarifaire organisée par son délégataire entre les usagers en planeurs et ULM de l'aérodrome de Fayence-Tourrettes ainsi que de faire assurer par son délégataire un fonctionnement normal du service public aéroportuaire au plan de la sécurité du stationnement des usagers ULM.
Par un jugement n° 1803684 du 13 août 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 octobre 2020, 18 février et 19 mai 2021, l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes, représentée par Me Orlandini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 26 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes de mettre fin à la discrimination tarifaire organisée par son délégataire entre les usagers en planeurs et ULM de l'aérodrome de Fayence-Tourrettes quant à la perception des redevances aéroportuaires et quant à la qualité du service rendu ainsi que de faire assurer par son délégataire un fonctionnement normal du service public aéroportuaire au plan de la sécurité du stationnement des usagers ULM ;
4°) de mettre à la charge du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses membres sont redevables d'un tarif plus élevé que celui applicable aux planeurs, bien qu'ils bénéficient d'un traitement moins favorable, ce qui contrevient au principe d'égalité ;
- la tarification mise en place par l'association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'AAPACA) est irrégulière dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait été approuvée par le syndicat mixte ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré que ne résultait d'aucun texte l'obligation pour l'exploitant ou le propriétaire de l'aérodrome de mettre à la disposition des usagers de celui-ci des aires de stationnement propres à leur destination et aménagées en conséquence, alors qu'en outre, il est de principe constant que les usagers ont le droit de bénéficier d'un fonctionnement normal du service public.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 janvier et 28 avril 2021, le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes, représenté par Me Gouard-Robert, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'association requérante ne justifie d'aucun intérêt pour agir dès lors qu'elle ne possède aucun aéronef susceptible de lui donner qualité pour agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La procédure a été communiquée à l'Association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur le 17 octobre 2022.
Par ordonnance du 19 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Orlandini, pour l'association Club ULM Fayence-Tourrettes, et de Me Gouard-Robert, pour le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes.
Connaissance prise de la note en délibéré, présentée pour le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes et enregistrée au greffe le 13 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par convention signée le 26 décembre 2006 entre le ministre chargé de l'aviation civile et le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes, ont été fixées les conditions d'aménagement d'entretien et de gestion de l'aérodrome de Fayence-Tourrettes et a été reconnue au syndicat la possibilité de déléguer à un tiers exploitant l'exploitation de l'aérodrome. Par une convention dénommée " sous-traité de gestion " signée le 14 octobre 2009, le syndicat mixte a confié l'exploitation du centre à l'Association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le 25 juillet 2018, l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes a demandé au syndicat mixte, d'une part, de mettre en demeure son délégataire de faire cesser le traitement inégalitaire qu'elle estime exister entre usagers planeurs et usagers ULM s'agissant de la redevance de stationnement et de la qualité du service rendu et, d'autre part, de prendre l'initiative d'engager des travaux d'abri pour ULM, ou de s'accorder avec son délégataire pour les lui faire exécuter. Du silence gardé par le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes, une décision implicite de rejet est réputée être née le 26 septembre 2018. L'association Club ULM de Fayence-Tourrettes a alors saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. L'association Club ULM de Fayence-Tourrettes relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. L'article 2 des statuts de l'association Club ULM Fayence-Tourrettes précise qu'elle a pour but de regrouper les personnes physiques ou morales pour mettre en commun les activités aéronautiques et de faciliter la pratique, faciliter l'accès aux jeunes de l'activité, et négocier avec le syndicat mixte et le gestionnaire du centre de voile. L'association retirait de cet objet social un intérêt pour agir à l'encontre de la décision attaquée, qui a trait aux conditions tarifaires et matérielles applicables aux usagers du centre membre de l'association. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut être accueillie.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'approbation des tarifs par le syndicat mixte :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile, en vigueur à la date de la signature de la convention entre le ministre chargé de l'aviation civile et le syndicat mixte : " La création d'un aérodrome destiné à la circulation aérienne publique, lorsqu'il n'appartient pas à l'État, est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le ministre chargé de l'aviation civile et la personne physique ou la personne morale de droit public ou de droit privé qui crée l'aérodrome. ". Aux termes de l'article R. 224-1 du même code : " Sur les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique (...), les services publics aéroportuaires donnant lieu à la perception de redevances en application de l'article L. 6325-1 du code des transports sont les services rendus aux exploitants d'aéronefs et à leurs prestataires de service à l'occasion de l'usage de terrains, d'infrastructures, d'installations, de locaux et d'équipements aéroportuaires fournis par l'exploitant d'aérodrome, dans la mesure où cet usage est directement nécessaire, sur l'aérodrome, à l'exploitation des aéronefs ou à celle d'un service de transport aérien. / Ces services ne peuvent donner lieu à la perception d'autres sommes, sous quelque forme que ce soit. / Le ministre chargé de l'aviation civile est l'autorité administrative mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 6325-1 du code des transports. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 21 de la convention signée le 26 décembre 2006 entre le ministre chargé de l'aviation civile et le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes : " Le bénéficiaire ou, le cas échéant, le tiers exploitant perçoit les redevances aéroportuaires prévues au code de l'Aviation civile, dont il fixe les tarifs conformément au dit code. Il reçoit le produit des taxes de toute nature qui lui sont le cas échéant affectées. ". Aux termes de l'article 13 de la convention, intitulée " sous-traité de gestion ", signée le 14 octobre 2009 entre le syndicat mixte et l'association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur (AAPACA) : " L'exploitant encaissera directement l'ensemble des redevances aéroportuaires prévues au code de l'aviation civile, dont il fixera les tarifs conformément au dit code, en accord avec le Créateur ".
5. L'appelante soutient que la tarification mise en place par l'exploitant serait irrégulière dès lors qu'il ne serait pas démontré qu'elle aurait été approuvée par le syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes, le bénéficiaire de la convention d'aménagement d'entretien et de gestion de l'aérodrome. Toutefois, la redevance annuelle due par chaque propriétaire d'aéronef en contrepartie du stationnement et de l'usage des installations a été approuvée par délibération du 12 mars 2013 du conseil syndical du syndicat mixte.
En ce qui concerne le respect du principe d'égalité :
S'agissant des tarifs :
6. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service ou d'un ouvrage public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure. A l'inverse, des différences de situation appréciables au regard de la nature du service rendu font obstacle, sauf si un tel motif d'intérêt général le justifie, à ce qu'un tarif uniforme soit exigé des usagers.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du conseil syndical du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes du 12 mars 2013, a été approuvée une grille tarifaire qui prévoit une redevance annuelle " stationnement et usage de l'aérodrome " de 850 euros, montant qui a été ramené à 600 euros à compter du 1er mai 2016.
8. Il résulte de cette délibération à caractère réglementaire que l'ensemble des propriétaires d'aéronef sont redevables de la redevance de stationnement et d'usage, fixée au montant uniforme de 850 euros jusqu'au 1er mai 2016, montant ensuite ramené à 600 euros, que l'aéronef soit abrité au sein d'un hangar ou qu'il bénéficie seulement d'un emplacement sur l'herbe. Compte tenu de la différence substantielle de situation entre ces deux catégories d'usagers, et en l'absence de motif d'intérêt général le justifiant, la redevance attendue ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement des usagers du service public, être fixée à un taux uniforme.
9. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, dans la pratique, l'association gestionnaire de l'aérodrome a dispensé les propriétaires d'aéronefs qui, par ailleurs, sont membres de l'association, du paiement de cette redevance de stationnement et d'usage, alors même que le règlement tarifaire ne prévoit pas une telle exemption. Si l'association exige de ces propriétaires, en supplément de la cotisation versée à l'association en leur qualité d'adhérents, une " sur-cotisation " de 405 à 465 euros, cette somme, qui n'a d'ailleurs pas le caractère d'une redevance, est en tout état de cause inférieure au montant de la redevance exigée des propriétaires d'ULM. Cette pratique, qui méconnaît le règlement tarifaire, induit une seconde discrimination entre les usagers de l'aérodrome.
S'agissant de l'accès aux hangars :
10. Si l'association exploitant l'aérodrome peut, sans induire de différence de traitement illégale entre les usagers de l'aérodrome, réserver des places en hangar aux planeurs dont elle est propriétaire et qu'elle met à la disposition de ses membres dans un but de promotion de la pratique du vol à voile, elle ne peut en revanche, s'agissant des aéronefs appartenant à des usagers, décider que les nouvelles places abritées seraient attribuées exclusivement ou même prioritairement à ses propres adhérents, la qualité d'adhérent de l'association n'étant pas constitutive d'une différence objective de situation au regard du service public qui justifierait une différence de traitement, et aucun motif d'intérêt général ne justifiant un tel traitement de faveur.
11. Il résulte de ce qui précède que l'association appelante est fondée à se prévaloir de ce que le principe d'égalité entre les usagers de l'aérodrome a été méconnu en ce qui concerne tant les conditions tarifaires que les conditions d'accès aux abris fermés.
En ce qui concerne le fonctionnement normal du service public :
12. Tout usager d'un service public a droit au fonctionnement normal de ce service. Ce fonctionnement normal suppose, notamment, que soient prises les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des biens et des personnes.
13. Si l'association appelante fait valoir que les emplacements de stationnement en extérieur ne permettent pas de sécuriser les aéronefs, elle n'établit cependant pas que ces derniers subiraient des dommages liés notamment aux vents violents, ni que la construction d'abris pour ULM serait la seule alternative pour assurer le fonctionnement normal du service. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir et que c'est à tort que le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que le syndicat modifie les conditions de stationnement des aéronefs sur les emplacements existants ou accepte que ses membres construisent des installations même légères sur le domaine public de l'aérodrome afin d'abriter leurs ULM.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes est seulement fondée à soutenir que le refus opposé par le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes de faire droit à sa demande tendant à faire cesser le traitement inégalitaire entre usagers est illégal. Dans ces conditions, elle est fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus opposé par le syndicat à ses demandes dans cette mesure.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. L'exécution de cet arrêt implique qu'il soit enjoint au Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes d'intervenir auprès de l'association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur afin que soit assurée, dans les conditions rappelées par le présent arrêt, l'égalité de traitement entre les usagers de l'aérodrome tant au niveau tarifaire qu'au niveau de l'accès aux hangars. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au syndicat mixte d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes dirigées contre l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes la somme de 2 000 euros, à verser à l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 13 août 2020 rendu par le tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La décision implicite du 26 septembre 2018 du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes est annulée en tant qu'elle a refusé de faire droit à la demande de l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes tendant à ce qu'il soit mis un terme au traitement inégalitaire entre usagers de l'aérodrome.
Article 3 : Il est enjoint au Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes de mettre en demeure l'association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur de prendre toute mesure afin que soit assuré un égal traitement entre les usagers de l'aérodrome, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes versera à l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Club ULM de Fayence-Tourrettes, au Syndicat mixte pour l'aménagement et l'exploitation du centre de vol à voile de Fayence-Tourrettes et à l'association aéronautique Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2023.
2
No 20MA03852