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19/12/2023 | FRANCE | N°23NT00717

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 19 décembre 2023, 23NT00717


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.



Par un jugement n° 2002663 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 16 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 2002663 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui verser l'allocation pour demandeur d'asile à compter du 1er mars 2016 dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision de suspension d'allocation est écrite ; les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ne s'appliquent pas aux décisions portant retrait d'un droit ;

- cette décision, révèle un défaut d'examen de sa situation et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle, son mari et leur fille mineure ont été " mis à la porte " du logement mis à leur disposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ainsi que son mari, nés tous deux en Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), sont entrés en France, le 27 février 2012. Le 8 mars 2012, l'intéressée a donné naissance à leur fille. Leurs demandes d'asile ont été enregistrées le 6 avril 2012. Ils ont alors été hébergés par l'association La Croisée à Fontenay le Comte au titre des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 janvier 2013 confirmées par un arrêt de la cour nationale du droit d'asile le 3 octobre 2017. Les 30 mai et 6 juin 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé Mme C... qu'elle n'était plus éligible à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) à compter du 1er avril 2016. Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mars 2019, au motif que l'intéressée n'avait pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à ces décisions. Le 6 août 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé Mme C... de son intention de suspendre les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait en qualité de demandeur d'asile au motif " qu'elle avait quitté l'hébergement mis à sa disposition ". L'intéressée était invitée à présenter ses observations dans un délai de 15 jours. Il était précisé qu'à défaut de réponse de sa part, une décision suspendant ses conditions matérielles d'accueil interviendrait. Mme C... relève appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision suspendant ses conditions d'accueil intervenue à la suite de ce courrier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, applicable en l'espèce dès lors que les conditions matérielles d'accueil [0] ont été accordées avant le 1er janvier 2019 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) / La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. ". Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. Il ressort des pièces versées au dossier que Mme C... a été invitée le 6 août 2019 à justifier des raisons pour lesquelles elle avait quitté son lieu d'hébergement. Il lui était indiqué " qu'à défaut d'observations de sa part, une décision de suspension deviendrait définitive ". L'intéressée s'est abstenue de répondre à ce courrier. Si Mme C... n'a pas davantage sollicité les motifs de la décision implicite intervenue, ainsi qu'elle pouvait le faire en application des dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne pouvait toutefois légalement procéder à la suspension des conditions matérielles d'accueil qui lui avaient été accordées sans prendre une décision explicite écrite ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'illégalité à raison de ce motif.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu du motif d'annulation retenu de la décision prise à l'initiative de l'administration, laquelle est du fait de cette annulation réputée n'être jamais intervenue, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de verser à Mme C..., ainsi qu'elle le demande, l'allocation pour demandeur d'asile qui lui était due à compter du 1er avril 2016 dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à Me Bourgeois, avocat de la requérante, d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002663 du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ainsi que la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu les conditions matérielles d'accueil accordées à Mme C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de verser à Mme C... l'allocation pour demandeur d'asile qui lui est due, à compter du 1er avril 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Bourgeois, conseil de Mme C..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00717
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23nt00717 ?
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