Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n°299/2020 du 8 avril 2020 par lequel le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a refusé de lui restituer le chien dénommé " César ", a confié cet animal à un organisme de protection des animaux et a mis à la charge de sa propriétaire ou de son détenteur les frais se rapportant aux actes vétérinaires, ainsi qu'aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie de l'animal.
Par un jugement n°2005124 du 20 janvier 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n°22VE00639 du 22 mars 2022, le Président de la 4ème chambre de la Cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la Cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée par Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Sénéjean, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 20 janvier 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté n°299/2020 du 8 avril 2020 par lequel le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a refusé de lui restituer le chien dénommé " César ", a confié cet animal à un organisme de protection des animaux et a mis à la charge de sa propriétaire ou de son détenteur les frais se rapportant aux actes vétérinaires, ainsi qu'aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie de l'animal ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Aulnay-sous-Bois de lui restituer l'animal visé par l'arrêté en litige ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Le jugement attaqué :
- est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable ;
- n'a pas répondu au moyen selon lequel la situation de son chien n'entrait dans aucune des situations de danger grave et immédiat, prévues au II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ;
- a " dénaturé les pièces du dossier " en estimant que l'arrêté attaqué n'était fondé que sur le II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ;
- est irrégulier en ce que les premiers juges ont ainsi procédé à une substitution de motifs sans qu'une demande de l'administration n'ait été présentée en ce sens ;
- est entaché d'erreurs de droit au regard des dispositions des articles L. 211-11, L. 211-12, L. 211-24 et L. 211-25 du code rural et de la pêche maritime.
L'arrêté attaqué :
- est insuffisamment motivé ;
- est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 211-11, L. 211-24 et L. 211-25 du code rural et de la pêche maritime, en ce qu'il prévoit la cession à titre gratuit de l'animal à la fondation de protection des animaux " 30 millions d'amis ", alors que ces dispositions n'autorisent pas la cession des animaux qui représentent un danger grave et immédiat ;
- est entaché de vices de procédure en ce qu'il prévoit cette cession sans que le délai de huit jours et l'exigence de l'avis d'un vétérinaire qui résultent des mêmes dispositions, n'aient été respectés ;
- est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été pris sans procédure contradictoire préalable ;
- est entaché d'erreur de droit, le maire ayant méconnu l'étendue de sa compétence, en ce qu'il s'est considéré, à tort, en situation de compétence liée par les " décisions " du procureur de la République ;
- est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, en l'absence de tout danger grave et immédiat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2022, la commune d'Aulnay-sous-Bois, représentée par Me Claisse, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés, et demande, à titre subsidiaire, que le motif tiré de la circonstance que la garde de ses chiens avait été retirée à Mme A... en application de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, soit substitué à celui tiré de l'existence de condamnations inscrites au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l'objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Sénéjean pour Mme A...,
- et les observations de Me Reis pour la commune d'Aulnay-sous-Bois.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui réside à Aulnay-sous-Bois, est propriétaire d'un chien dénommé " César ", identifié électroniquement sous le code n°250 268 712 487 481. Cet animal a été saisi à son domicile au mois de décembre 2018, pour être placé dans un lieu de dépôt adapté, en exécution d'un arrêté n° 1268/2018 pris par le maire d'Aulnay-sous-Bois le 6 novembre 2018 pour les besoins d'une enquête judiciaire. Par la suite, après que l'animal lui eut été remis par B... en application des dispositions de l'article 99-1 du code de procédure pénale, le maire a, par un arrêté n°299/2020 du 8 avril 2020, refusé de le restituer à Mme A..., confié cet animal à la fondation de protection des animaux " 30 millions d'amis " et mis à la charge de sa propriétaire ou de son détenteur les frais se rapportant aux actes vétérinaires ainsi qu'aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie. Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler cet arrêté. Elle fait appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 99-1 du code de procédure pénale : " Lorsque, au cours d'une procédure judiciaire ou des contrôles mentionnés à l'article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime, il a été procédé à la saisie ou au retrait, à quelque titre que ce soit, d'un ou plusieurs animaux vivants, B... près le tribunal judiciaire du lieu de l'infraction ou, lorsqu'il est saisi, le juge d'instruction peut placer l'animal dans un lieu de dépôt prévu à cet effet ou le confier à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée. (...) Lorsque, au cours de la procédure judiciaire, la conservation de l'animal saisi ou retiré n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et que l'animal est susceptible de présenter un danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, B... ou le juge d'instruction lorsqu'il est saisi ordonne la remise de l'animal à l'autorité administrative afin que celle-ci mette en œuvre les mesures prévues au II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ". Aux termes du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : " En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie. / Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l'article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l'article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l'article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article, ou dont le propriétaire ou le détenteur n'est pas titulaire de l'attestation d'aptitude prévue au I de l'article L. 211-13-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-12 du même code : " Les types de chiens susceptibles d'être dangereux faisant l'objet des mesures spécifiques prévues par les articles L. 211-13 (...), sans préjudice des dispositions de l'article L. 211-11, sont répartis en deux catégories : / 1° Première catégorie : les chiens d'attaque ; / 2° Deuxième catégorie : les chiens de garde et de défense. / Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'agriculture établit la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-13 du même code : " Ne peuvent détenir les chiens mentionnés à l'article L. 211-12 : / 1° Les personnes âgées de moins de dix-huit ans ; / 2° Les majeurs en tutelle à moins qu'ils n'y aient été autorisés par le juge des tutelles ; / 3° Les personnes condamnées pour crime ou à une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis pour délit inscrit au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent ; / 4° Les personnes auxquelles la propriété ou la garde d'un chien a été retirée en application de l'article L. 211-11. Le maire peut accorder une dérogation à l'interdiction en considération du comportement du demandeur depuis la décision de retrait, à condition que celle-ci ait été prononcée plus de dix ans avant le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 211-14 ".
3. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué " qu'il appartient au Maire de prendre toutes les dispositions nécessaires visant à appliquer les décisions de Monsieur B... près le Tribunal de Grande Instance de Bobigny (93) " qui sont mentionnées dans les visas du même arrêté. Mme A... est donc fondée à soutenir que le maire s'est estimé en situation de compétence liée compte tenu des " décisions " du procureur de la République, et qu'il a ainsi entaché son arrêté d'erreur de droit. Elle est par suite fondée à demander l'annulation de cet arrêté.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Aulnay-sous-Bois du 8 avril 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
6. L'annulation de l'arrêté du maire d'Aulnay-sous-Bois du 8 avril 2020, pour le motif exposé ci-dessus, n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au maire de restituer son chien à Mme A..., mais implique seulement qu'il lui soit enjoint de réexaminer sa situation. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Aulnay-sous-Bois demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire au droit aux conclusions présentées par Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2005124 du Tribunal administratif de Montreuil du 20 janvier 2022, et l'arrêté n°299/2020 du maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois du 8 avril 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Aulnay-sous-Bois, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune d'Aulnay-sous-Bois.
Copie en sera adressée au maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET
La présidente,
J. BONIFACJ La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22PA01346