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19/12/2023 | FRANCE | N°21BX02216

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 21BX02216


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président de l'université des Antilles a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre au président de l'université des Antilles de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner l'université des Antilles à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices.



Par un jugement n° 1901062 du 25 février 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président de l'université des Antilles a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre au président de l'université des Antilles de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner l'université des Antilles à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1901062 du 25 février 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 mai 2021, 20 mars 2023 et 24 mai 2023, M. A..., représenté par Me Rousseau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 25 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le président de l'université des Antilles a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au président de l'université des Antilles de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de condamner l'université des Antilles à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de l'université des Antilles une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; en méconnaissance des dispositions des articles L. 5 et R. 613-3 du code de justice administrative, les premiers juges se sont fondés sur le mémoire en défense de l'université des Antilles produit postérieurement à la clôture de l'instruction et n'ont pas communiqué son mémoire en réplique ;

- la situation conflictuelle engendrée par la restructuration et la mutualisation des services amorcée en octobre 2018 justifiait à elle-seule qu'il se voit accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- il a produit des éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, et l'administration n'a pas démontré que les faits étaient étrangers à tout harcèlement ; il a subi de la part de M. C..., administrateur provisoire du centre de ressources informatiques de Guadeloupe (CRIG), des agissements constitutifs de harcèlement moral, en particulier un dénigrement public et une privation des moyens humains et techniques nécessaires au travail de son service ; durant cette première période, le service dans lequel il était affecté n'était pas en restructuration ; il a ensuite subi des agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de M. D..., administrateur provisoire de la direction des systèmes d'information et du numérique (DSIN), en particulier des demandes adressées pendant ses congés, une remise en cause de sa loyauté, une réduction de ses responsabilités s'accompagnant d'une réduction de son régime indemnitaire, un isolement au sein du service, l'infliction d'une sanction disciplinaire déguisée, un dénigrement public, des reproches injustifiés, un refus d'entretien, un blocage de sa carrière et une privation de ses outils de travail ; il produit plusieurs attestations d'agents de l'université qui corroborent ses affirmations ; la circonstance que ces faits auraient été commis sans intention de nuire est sans incidence sur la qualification de harcèlement moral ; il présente un syndrome dépressif réactionnel en lien avec ses conditions de travail ;

- ses conclusions indemnitaires, qui ont été précédées d'une réclamation indemnitaire, sont recevables ; il établit que la dégradation de son état de santé est liée à ses conditions de travail.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 février et 18 avril 2023, l'université des Antilles, représentée par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ; son mémoire en défense a été communiqué à M. A... ; cette communication a implicitement rouvert l'instruction ;

- le requérant n'a pas été victime de harcèlement moral ; un tel harcèlement, qui doit être invoqué individuellement, ne saurait être caractérisé par un contexte organisationnel et relationnel dégradé au sein d'un service ; les éléments produits ne manifestent pas une intention de lui nuire et n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; la réorganisation votée par le conseil d'administration le 18 janvier 2018 n'a pas validé une pérennisation de l'existant, le processus même de fusion dont découle la DSIN ne permettant pas de conserver à périmètre constant les attributions et compétences précédemment exercées ; le cadre juridique de la DSIN a été précisé par une délibération du 27 septembre 2018 qui ne consacre pas l'organisation décrite par la délibération cadre du 18 janvier 2018 ; le comportement du requérant, rétif au changement, a contribué à la situation qu'il dénonce, ainsi que l'a relevé la cellule de conseil et de prévention contre les discriminations et le harcèlement dans son avis du 31 mai 2019 ;

- les conclusions indemnitaires de la demande de première instance sont irrecevables faute de liaison du contentieux ; en tout état de cause, le requérant n'établit pas que son état dépressif serait la conséquence de ses conditions de travail ; l'indemnité sollicitée est excessive.

Par une ordonnance du 25 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vigreux, représentant M. A..., et de Me Moreau, représentant l'Université des Antilles.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ingénieur d'études spécialité " administrateur des systèmes d'informations ", affecté à l'université des Antilles, a occupé jusqu'en 2018 les fonctions de responsable de parc informatique au sein du centre de ressources informatiques de la Guadeloupe (CRIG). A l'automne 2018, dans le cadre d'une réorganisation des services informatiques de l'université des Antilles, le CRIG, le centre de ressources informatiques de la Martinique et le service des technologies de l'information et de la communication (STICE) ont fusionné au sein d'une direction transversale, la direction des services informatiques et du numérique (DSIN). Par un courrier du 4 décembre 2018, M. A..., estimant être victime d'un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, a sollicité auprès du président de l'université des Antilles le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 9 juillet 2019, prise à l'issue d'une analyse de cette demande par la cellule " égalité diversité " de l'université, le président de l'université des Antilles a opposé un refus à M. A.... Ce dernier a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler cette décision du 9 juillet 2019 du président de l'université des Antilles, d'enjoindre au président de l'université des Antilles de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner l'université des Antilles à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices. Il relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Aux termes de l'article R. 613-4 dudit code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque, après la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une des parties, il lui appartient d'en prendre connaissance ainsi que de le viser dans sa décision. S'il a toujours la faculté d'en tenir compte après l'avoir analysé et avoir rouvert l'instruction, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

4. Par ailleurs, lorsqu'il décide de verser au contradictoire des mémoires produits par les parties postérieurement à la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 12 octobre 2020, la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2020 à douze heures. L'université des Antilles a produit un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe le 27 janvier 2021, lequel a été communiqué le jour même à M. A.... Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que cette communication a eu pour effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, de rouvrir l'instruction qui s'est trouvée close de nouveau le 31 janvier à minuit, soit trois jours francs avant l'audience fixée au 4 février 2021, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Dès lors, en se fondant notamment sur les éléments que comportait ce mémoire en défense sans avoir édicté une ordonnance de réouverture de l'instruction, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité. M. A... fait aussi valoir que son mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2021 au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe, n'a pas été communiqué. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce mémoire, produit après la clôture automatique de l'instruction, ne comportait aucun élément de droit ou de fait nouveau au sens des principes rappelés au point 3. Par suite, en s'abstenant de communiquer ce mémoire à l'université des Antilles, le tribunal n'a pas davantage entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes du IV de l'article 11 de la même loi : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtant un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

8. M. A... soutient avoir été victime de harcèlement moral du fait des agissements de M. C..., administrateur provisoire du CRIG du 10 avril 2017 au 31 janvier 2018, puis de M. D..., administrateur provisoire de la DSIN à compter du 4 octobre 2018, et fait état en particulier d'un dénigrement, d'une mise à l'écart, d'une perte de responsabilités et d'une privation des moyens nécessaires à l'accomplissement de son travail.

En ce qui concerne les agissements reprochés à M. C... :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 19 octobre 2017, M. C... a demandé à M. A... de mettre en place un système centralisé de suivi des demandes adressées au CRIG, d'assurer une répartition quotidienne des tâches au sein du service et de lui remettre un rapport hebdomadaire sur les demandes des usagers et les tâches réalisées par les agents du CRIG. Le requérant fait valoir que ce courriel, diffusé au personnel de direction de l'université, a eu pour effet de le dénigrer auprès des agents et comportait des demandes excessives. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ledit courriel, rédigé dans des termes neutres, sans mise en cause des qualités professionnelles de M. A..., correspondait à la mise en place de mesures en réponse aux préoccupations exprimées par les instances de direction quant à l'image détériorée du CRIG au sein de l'université lors d'une réunion du 17 octobre 2017, à laquelle l'ensemble des agents du CRIG avaient d'ailleurs participé. Par ailleurs, alors même que le CRIG aurait déjà été doté d'un système centralisé de suivi des demandes, ce qui n'est au demeurant pas établi par le requérant qui se borne à faire état de l'existence d'un système de suivi des seules pannes informatiques, ce courriel ne comportait aucune demande qui aurait excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

10. En deuxième lieu, M. A... reproche à M. C... d'avoir volontairement privé le CRIG des moyens matériels et humains nécessaires à un fonctionnement optimal. Toutefois, outre que les faits dénoncés ne concernent pas personnellement M. A..., il ne ressort aucunement des éléments produits que M. C..., amené à opérer des arbitrages budgétaires en sa qualité de chef de service, aurait refusé l'acquisition de moyens informatiques indispensables à l'activité des agents du CRIG. Par ailleurs, la seule production d'un courriel de relance adressé à plusieurs chefs de service de l'université ne suffit pas davantage à démontrer que M. C... aurait refusé de solliciter un renforcement des effectifs du CRIG pour l'année 2018.

11. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C... a, par un courriel diffusé à des tiers le 26 février 2018, date à laquelle il n'était plus administrateur provisoire du CRIG, reproché à M. A... de bloquer un projet informatique. Toutefois, ce message, auquel M. A... a d'ailleurs répondu en choisissant un mode de diffusion identique, s'il témoigne d'une mésentente entre les intéressés, ne saurait caractériser une atteinte aux droits et à la dignité du requérant.

En ce qui concerne les agissements reprochés à M. D... :

12. En premier lieu, si le requérant fait valoir que la mutualisation des services informatiques de l'université des Antilles, fusionnés au sein de la DSIN nouvellement créée en octobre 2018, a pu engendrer une situation conflictuelle, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à faire présumer une situation de harcèlement à son encontre.

13. En deuxième lieu, M. A... fait valoir qu'à la suite de la création de la DSIN, il a perdu les responsabilités qui lui incombaient au sein du CRIG. Il ressort effectivement des pièces du dossier que cette restructuration, qui a eu pour conséquence de supprimer le poste de gestionnaire du parc informatique qu'occupait M. A... au CRIG, s'est traduite pour l'intéressé par une perte de responsabilités dans la mesure où d'autres agents ont été nommés responsables et responsables adjoints, respectivement, des unités fonctionnelles " supports " et " infrastructures " de la DSIN, et qu'un autre agent s'est vu confier la mission de pilotage des séances de travail consacrées à l'analyse des offres du marché informatique. Toutefois, et ainsi que le fait valoir l'université des Antilles, la mutualisation du personnel des services informatiques ainsi fusionnés au sein de la DSIN ne permettait pas de conserver à périmètre constant les attributions précédemment exercées. Il ressort en outre des pièces du dossier, en particulier d'une note produite en appel, établie le 24 mars 2022 par M. D..., que M. A... s'est vu confier au sein de la DSIN diverses responsabilités en rapport avec ses domaines de compétences. Si le requérant reproche aussi à M. D... de lui avoir retiré ses fonctions de responsable de l'application Marcoweb, il ressort des éléments versés au dossier que cette décision a été prise en raison d'une urgence à mettre en œuvre cette application, dans un contexte alors marqué par la remise en cause, par M. A..., de l'autorité hiérarchique de M. D....

14. En troisième lieu, M. A... reproche à M. D... de lui avoir adressé, à plusieurs reprises, des demandes excessives. Toutefois, la circonstance que M. D..., informé uniquement oralement par M. A... de ce qu'il avait posé des congés, ait par erreur adressé à l'intéressé, durant sa période de congés, un courriel sollicitant la réalisation urgente d'une tâche, ne saurait caractériser un harcèlement moral, d'autant qu'il n'est ni établi ni soutenu qu'il aurait sollicité de manière répétée M. A... alors qu'il était en congés. Par ailleurs, si M. D... a demandé à M. A... de réaliser certaines tâches dans des délais contraints, dont M. A... n'a au demeurant pas sollicité le report, une telle démarche n'excède pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

15. En quatrième lieu, M. A... reproche encore à M. D... de l'avoir humilié à plusieurs reprises. Il lui reproche en particulier de l'avoir placé dans une situation délicate en nommant M. C... responsable de l'unité fonctionnelle " applications " de la DSIN alors qu'il avait été victime, de la part de cet agent, d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral. Toutefois, et malgré le ressenti de M. A..., qui ne saurait guider à lui seul la réorganisation d'un service, le harcèlement invoqué n'est pas avéré, ainsi qu'il a été dit. M. A... reproche encore à M. D... de l'avoir " stigmatisé " en l'incluant parmi les destinataires d'un courriel du 16 janvier 2019 demandant aux agents retardataires de formuler une proposition de signature finalisée. Toutefois, ce courriel, rédigé en termes neutres, ne mettait pas spécialement en cause M. A..., qui y a d'ailleurs répondu sur un ton particulièrement irrévérencieux.

16. En cinquième lieu, M. A... soutient que, malgré sa demande en ce sens, M. D... a refusé de lui accorder un entretien au sujet de son positionnement au sein de la DSIN. Il ressort toutefois des échanges de messages téléphoniques produits au dossier que M. D... a lui-même demandé à M. A... de le rencontrer dès le 26 octobre 2018, demande à laquelle M. A... n'a pas déféré, sollicitant alors des précisions sur l'objet de cet entretien ainsi que la fixation d'une rencontre un autre jour. Ni la seule circonstance que M. D... n'ait pas répondu par téléphone à ce message de M. A..., ni aucun autre élément du dossier ne sont de nature à établir que M. D... aurait délibérément refusé de rencontrer M. A... afin d'aborder la question du périmètre de ses fonctions au sein de la DSIN.

17. En sixième lieu, M. A... fait valoir que M. D... a menacé de lui infliger une sanction disciplinaire. Toutefois, si M. D... a effectivement indiqué à M. A... que son comportement professionnel inadapté, en particulier son abstention à se conformer aux consignes de travail qui lui étaient données en faisant obstruction au fonctionnement du service, entrainerait une limitation du montant de ses primes facultatives et pourrait conduire à l'engagement d'une procédure disciplinaire, il n'a, ce faisant, pas excédé les limites du pouvoir hiérarchique.

18. En septième lieu, M. A... soutient qu'à compter de la création de la DSIN, il a été privé de tout équipement informatique pendant une période de huit mois. Toutefois, en se bornant à verser l'attestation d'un représentant du personnel qui se borne à relayer ses déclarations, il ne produit aucun élément probant à l'appui de cette allégation. Il ressort en outre des notes rédigées par M. D... les 2 juillet 2019 et 24 mars 2022 qu'alors que M. A... prétendait être dépourvu de tout équipement informatique, un ordinateur était visiblement en place sur son bureau. S'il ressort enfin des courriels produits, d'une part, que plusieurs mois se sont écoulés entre la panne de l'ordinateur portable de M. D... et le remplacement de celui-ci, d'autre part, que le nouvel ordinateur portable dont le requérant a été doté ne lui convenait pas en termes de taille et de performance, il n'est en revanche nullement démontré qu'il aurait, comme il le soutient, été privé de tout moyen d'exercer ses fonctions.

19. Enfin, le requérant fait valoir que M. D... a émis le 25 janvier 2019 un avis défavorable à son accession au corps des ingénieurs de recherche, freinant ainsi l'évolution de sa carrière. Toutefois, cet avis défavorable, rédigé dans des termes mesurés et justifié par la difficulté de M. A... à " mettre sans conditions ses nombreuses qualités au service de la nouvelle DSIN ", relève de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

20. Eu égard à ce qui a été dit aux points 9 à 19, s'il est constant qu'une situation conflictuelle s'est progressivement installée entre M. A... et ses supérieurs hiérarchiques, les agissements dénoncés par le requérant, pris dans leur ensemble ou isolément, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il s'ensuit que c'est par une exacte application des dispositions précitées que le président de l'université des Antilles a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison du harcèlement moral dont l'intéressé estimait être la victime.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 juillet 2019 du président de l'université des Antilles ainsi que, par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait d'un prétendu harcèlement moral.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'annulation de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'université des Antilles, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par l'université des Antilles

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'université des Antilles une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'université des Antilles.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02216
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : ROUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;21bx02216 ?
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