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15/12/2023 | FRANCE | N°23DA00901

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 décembre 2023, 23DA00901


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2300097 du 14 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enj

oint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300097 du 14 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai et 21 novembre 2023, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que l'arrêté du 4 janvier 2023 n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Orsane Broisin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est tardive ;

- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 31 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2002-337 du 5 mars 2002 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 25 juillet 2002, est entré en France le 18 mai 2018 à l'âge de 15 ans, accompagné de son père qui est retourné seul en Algérie. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département du Nord jusque sa majorité. Par un arrêté du 9 février 2021, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de reconduite. M. A... a contesté en vain cet arrêté, dont la légalité a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Lille n° 2104279 du 12 octobre 2021 puis par une ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Douai n° 22DA00560 du 15 avril 2022. M. A... n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement et a fait l'objet d'un arrêté du 25 novembre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait interdiction de retour pour une durée d'un an, sur le fondement de la mesure d'éloignement précitée. M. A... a contesté en vain cette interdiction de retour, dont la légalité a été confirmée par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n° 2109619 du 31 janvier 2022. Il a fait l'objet de deux condamnations pénales, une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis pour recel d'un véhicule provenant d'un vol et une seconde peine d'emprisonnement de dix mois avec sursis pour détention de stupéfiants par des jugements du tribunal correctionnel de Béthune des 6 avril et 7 juillet 2022.

2. Interpellé pour détention de stupéfiants le 3 janvier 2023, il a fait l'objet d'un nouvel arrêté le lendemain portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et lui interdisant le retour sur le territoire français avant l'expiration d'une durée d'un an et a été placé en rétention, puis assigné à résidence. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 14 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 4 janvier 2023.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Il résulte de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français, que le délai d'appel est d'un mois et qu'il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 14 avril 2023 a été notifié au préfet du Pas-de-Calais le 17 avril 2023. La requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour le 16 mai 2023, a été présentée dans le délai d'appel d'un mois et n'est dès lors pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A... doit être écartée.

Sur le moyen retenu par le jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant. S'il vit en France depuis plus de quatre années, cette durée de séjour est liée au refus de l'intéressé d'exécuter la mesure d'éloignement du 9 février 2021, complétée par une interdiction de retour d'une durée d'un an par décision préfectorale du 25 novembre 2021. Comme il a été dit au point 1, ses conditions de séjour ont été émaillées par les deux condamnations pénales précitées. En outre, M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où réside son père, et n'en dispose pas en France, à l'exception de sa famille d'accueil qui souhaite procéder à une adoption simple. Ainsi, compte tenu des conditions de séjour de M. A..., et alors même qu'il dispose d'une promesse d'embauche, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que l'arrêté du 4 janvier 2023 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale normale et n'est pas contraire aux stipulations précitées.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 janvier 2023 faisant obligation de quitter le territoire français sans délai à M. A..., fixant le pays de destination de cette mesure et lui interdisant le retour pour une durée d'un an. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'intimé devant la cour et le tribunal.

Sur les autres moyens :

8. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. C... D..., chef du bureau de l'éloignement, lequel bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 10 août 2022 du préfet du Pas-de-Calais régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature à l'effet de signer les actes relevant des attributions de son bureau. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige. Le moyen tiré du défaut de motivation, qui ne se confond pas avec le bien-fondé des motifs, doit donc être écarté.

10. En troisième lieu, les circonstances selon lesquelles M. A... est arrivé mineur en France, dispose d'une promesse d'embauche et réside dans sa famille d'accueil ne permettent pas, au regard, notamment, de ses conditions de séjour décrites au point 1, de considérer que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant l'édiction de la décision fixant le pays de destination, l'autorité administrative a mis à même M. A... de présenter ses observations, ainsi qu'en atteste le procès-verbal d'audition du 4 janvier 2023 au cours de laquelle l'intéressé a indiqué qu'il ne voulait pas quitter la France. Par suite, en toute hypothèse, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

12. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, l'arrêté attaqué n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En sixième lieu, pour refuser d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé sur le 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est précédemment soustrait à la mesure d'éloignement du 9 février 2021 alors que ses recours dirigés contre cet arrêté ont été rejetés par les juridictions administratives de première instance et d'appel. Ainsi, pour ce seul motif, l'administration pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, alors même qu'il serait hébergé par sa famille d'accueil. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

14. En septième lieu, M. A... n'établit pas que sa situation, compte tenu de ses conditions de séjour décrites précédemment, constituerait une circonstance humanitaire justifiant que le préfet n'édicte pas d'interdiction de retour en application de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. En dernier lieu, M. A... ne démontrant pas que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination, celle refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et l'interdiction de retour seraient privées de base légale.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A... doit être rejetée. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300097 du 14 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Pas-de-Calais, à M. B... A... et à Me Orsane Broisin.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : T. SorinLa greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

N°23DA00901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00901
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : BROISIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23da00901 ?
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