Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Par un jugement n° 2202012 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Guillaume Mestre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 de la préfète de l'Oise ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans le même délai, en lui remettant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 7 juin 2022 est insuffisamment motivé et procède d'un défaut d'examen de son dossier ;
- il porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête ou susceptibles d'être soulevés à l'encontre de l'arrêté attaqué n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 19 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 3 décembre 1979, de nationalité algérienne, est entré en dernier lieu en France le 16 août 2021 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises à Alger, valable du 16 août 2021 au 11 février 2022 et autorisant des entrées multiples mais seulement 90 jours de séjour sur le territoire. Le 8 octobre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfète de l'Oise. Par un arrêté du 7 juin 2022, celle-ci a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devrait être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Par ses motifs, qui ne présentent, contrairement à ce que soutient M. B..., pas de caractère général ou lapidaire, le tribunal administratif d'Amiens a expressément répondu aux moyens dont il était saisi. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour être insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions qui constituent les fondements légaux de chacune des décisions qu'il prononce à l'encontre de M. B.... Il comporte des considérations de fait suffisants ayant mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui est opposée. Dès lors qu'elle est fondée sur celle-ci, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est également prononcée à son encontre n'avait, quant à elle, pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. A cet égard, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'il a été pleinement tenu compte de son mariage avec une compatriote en situation régulière sur le territoire et de la naissance en France de leur enfant. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaquée et de ce qu'il procèderait d'un défaut d'examen sérieux doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
5. En outre, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 16 août 2021 avec l'intention de s'établir durablement aux côtés de son épouse, en situation régulière sur le territoire et enceinte de leur premier enfant, et donc de détourner sciemment l'objet du visa de court séjour qui lui avait été délivré et de contourner la procédure de regroupement familial. A la date de l'arrêté attaqué, son entrée sur le territoire remonte à moins de dix mois. S'il fait valoir que l'état de santé de son épouse ne l'a pas autorisé à quitter le territoire et à la laisser seule alors qu'elle a accouché de leur enfant le 26 août 2021 et qu'elle a en outre la charge d'un autre enfant mineur né d'une précédente relation en 2009, il n'établit ni que celle-ci serait isolée sur le territoire et qu'il serait dès lors le seul à même de l'assister et à assurer la prise en charge de ses enfants, ni la gravité de son état de santé, le certificat médical produit en première instance se bornant à faire état de ce qu'elle a subi une intervention chirurgicale le 7 octobre 2022, postérieurement à l'arrêté attaqué, et qu'elle a nécessité la présence d'un de ses proches à ses côtés pendant seulement une dizaine de jours. L'arrêté attaqué n'a en outre ni pour objet, ni pour effet de le séparer durablement de ses proches résidant en France et d'empêcher la poursuite de leurs relations dans les mêmes conditions que celles qui prévalaient avant son arrivée en France en 2021 et son maintien sur le territoire en situation irrégulière. D'une part, il conserve la faculté de solliciter un regroupement familial et de venir leur rendre visite sous couvert de visas de court séjour dont il se déciderait à respecter les termes. D'autre part, son épouse, dont il est constant qu'elle dispose de la nationalité algérienne, peut elle-aussi lui rendre visite en Algérie tout en étant régulièrement réadmissible sur le territoire français. M. B... ne justifie pas davantage, par les pièces qu'il produit, que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer de manière pérenne dans leur pays d'origine alors au demeurant que ni lui ni son épouse ne justifient disposer de ressources tirées d'activités professionnelles propres à leur assurer une autonomie financière et à garantir une insertion réussie à la société française. Dès lors, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de l'Oise n'a ni méconnu son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations citées au point 4, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des principes rappelés au point 5. Les moyens soulevés en ce sens par M. B... doivent donc être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2022 de la préfète de l'Oise ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ses conclusions d'appel, tendant à l'annulation de ce jugement, à l'annulation de l'arrêté litigieux et à ce qu'il soit fait droit à ses demandes d'injonction, d'astreinte et relatives aux frais non compris dans les dépens, doivent dès lors à leur tour être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Thierry Sorin, président de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. Toutias Le président de chambre,
Signé : T. Sorin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
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N°23DA00091