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15/12/2023 | FRANCE | N°22LY03373

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 15 décembre 2023, 22LY03373


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence dans le département du Rhône pour une durée de 45 jours.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence dans le département du Rhône pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2205920 du 8 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, Mme B... C..., représentée par la SELARL Lozen Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205920 du 8 août 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour et de travail à lui délivrer dans un délai de sept jours, et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C... soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée sans examen particulier de sa situation, faute que la décision expose entièrement sa situation et son parcours ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu notamment des violences conjugales dont elle a été victime ;

- les circonstances particulières qui viennent d'être exposées auraient dû conduire le préfet à lui accorder le bénéfice d'un délai de départ volontaire ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques de violences conjugales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par décision du 26 octobre 2022, Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 19 septembre 1999, a en particulier demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 8 août 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la décision préfectorale qu'elle a été édictée après un examen effectif de la situation de Mme C.... La circonstance que le préfet n'ait pas dressé un rappel exhaustif de sa situation et de son parcours, mais se soit limité à indiquer les éléments saillants qui l'ont déterminé, ne caractérise pas d'erreur de droit qu'aurait commise l'autorité préfectorale.

3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., née en Algérie en septembre 1999, est entrée en France en septembre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle avait été confiée par ses parents à sa grand-mère paternelle résidant en Algérie par acte de kafala du 3 juillet 2001, puis elle a été confiée à un oncle résidant en France par acte de kafala notarial daté des 1er et 4 juin 2017. Une note de situation dressée par l'institut départemental de l'enfance et de la famille (A...) le 26 août 2020 relève que sa situation dans la famille de cet oncle s'est détériorée et que Mme C... en a été renvoyée en février 2018. Elle a alors dû être prise en charge par les services sociaux. Elle a eu le 24 octobre 2019 un enfant d'un compatriote en situation irrégulière, dont elle s'est séparée en raison de violences conjugales. Elle a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en juin 2018, mais elle ne produit aucun élément sur une insertion professionnelle ultérieure. Elle a fait l'objet le 13 août 2020 d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, confirmés par le tribunal et la cour, sans avoir déféré à ces décisions administratives et juridictionnelles. La décision d'éloignement contestée a été édictée après que Mme C... a été interpellée pour recel de vol. Dans le procès-verbal d'audition dressé le 21 juillet 2022, qu'a produit le préfet en première instance, elle expose qu'elle ne travaille pas et ne dispose pas de ressources autres que des aides, qu'elle a déjà fait l'objet d'une procédure judiciaire pour vol et qu'elle vit avec son enfant dans un foyer. Les pièces produites par le préfet confirment l'existence de faits antérieurs de vol. Enfin, il ressort de ce qui a été dit que Mme C... a vécu la plus grande partie de sa vie en Algérie, où demeure notamment sa grand-mère, et qu'elle ne dispose pas d'éléments réels d'insertion en France. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme C..., à l'absence d'attaches ancrées dans la durée sur le territoire français et à son comportement, le préfet n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuivait. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Eu égard notamment au très jeune âge de son enfant, qui peut le cas échéant suivre sa mère en Algérie dont il a la nationalité, de même au demeurant que son père en supposant que la cellule familiale se reconstitue malgré le comportement violent de ce dernier, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, si la requérante fait spécialement valoir un risque de violences conjugales en Algérie, cette circonstance, qui n'est pas par elle-même de nature à lui conférer de plein droit un droit au séjour en France, est en outre matériellement non établie et purement éventuelle dès lors que la requérante admet elle-même que son ancien compagnon réside en réalité en France, fût-ce irrégulièrement. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le préfet sur les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C... doit, dès lors, également être écarté.

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

4. Le préfet a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire sur le fondement de l'article L. 612-1, 3° ainsi que de l'article L. 612-3, 3°, 5° et 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante, qui ne conteste pas que les conditions posées par ces dispositions sont remplies, soutient uniquement que le préfet aurait omis de prendre en compte les circonstances particulières tenant à sa situation personnelle, telle qu'elle vient d'être exposée. Toutefois, aucun élément particulier n'implique manifestement que le préfet octroie le bénéfice d'un délai de départ volontaire. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

5. Si Mme C... soutient qu'elle ne pourrait pas revenir en Algérie en raison d'un risque de violences de la part de son ancien compagnon, toutefois, elle ne produit tout d'abord aucun élément probant sur l'actualité d'un tel risque, alors que la condamnation pénale prononcée le 14 octobre 2021 n'a été suivie d'aucun fait nouveau, ensuite, son ancien compagnon réside en réalité en France et non en Algérie, le risque allégué existant donc sur le territoire français, enfin, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que les autorités publiques algériennes ne seraient pas à même de prendre en charge le cas échéant cette situation de droit commun. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent ainsi, être écartés. Le préfet n'a en tout état de cause pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

6. Eu égard à ce qui a été dit sur la situation personnelle de Mme C..., et notamment la méconnaissance d'une précédente mesure d'éloignement, son comportement délictuel et l'absence d'attaches personnelles importantes sur le territoire français, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, pour une durée limitée à un an. Le préfet n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le président- rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien,

B. Gros

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY03373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03373
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22ly03373 ?
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