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15/12/2023 | FRANCE | N°22LY01701

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 15 décembre 2023, 22LY01701


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et la SELARL Pharmacie A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler, d'une part, la décision du 4 novembre 2021 par laquelle l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a interdit à M. A... l'exercice de l'activité de pharmacien ainsi que, d'autre part, la décision du 6 novembre 2021 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a décidé que les consultations, soins et prescriptions effectués par M. A...

qui seront présentés au remboursement à compter du 4 décembre 2021 donneront lieu à récupér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et la SELARL Pharmacie A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler, d'une part, la décision du 4 novembre 2021 par laquelle l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a interdit à M. A... l'exercice de l'activité de pharmacien ainsi que, d'autre part, la décision du 6 novembre 2021 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a décidé que les consultations, soins et prescriptions effectués par M. A... qui seront présentés au remboursement à compter du 4 décembre 2021 donneront lieu à récupération financière à sa charge.

Par un jugement n° 2103125 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté du 4 novembre 2021 ainsi que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or du 6 novembre 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022, et un mémoire, enregistré le 4 octobre 2023, l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, représentées par le cabinet Akilys-Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103125 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B... A... et de la SELARL Pharmacie A... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. A... et de la SELARL Pharmacie A... une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- les demandes présentées par M. A... et la SELARL Pharmacie A... devant le tribunal administratif de Dijon étaient irrecevables dès lors que les actes contestés n'avaient aucun caractère décisoire et n'étaient, par suite, pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

- les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 4 novembre 2021 sont inopérants dès lors que l'agence régionale de santé était en situation de compétence liée pour notifier à M. A... une interdiction d'exercer son activité de pharmacien ;

- la décision du 4 novembre 2021 n'est pas au nombre des décisions visées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et, en outre, la situation sanitaire permettait de caractériser une situation d'urgence au sens de l'article L. 121-2 du même code, par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 de ce code est inopérant ;

- en tout état de cause, au regard des courriers des 10 septembre et 19 octobre 2019 qui lui ont été adressés, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été mis à même de présenter utilement ses observations sur la mesure d'interdiction d'exercer et il ne peut se prévaloir des dispositions de l'instruction ministérielle du 28 octobre 2021, non encore publiée à la date de la décision litigieuse ;

- dès lors que M. A... était visé par l'obligation vaccinale résultant des dispositions de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, il n'est pas fondé à soutenir que la décision du 4 novembre 2021 serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation ;

- les conclusions dirigées contre la décision du 6 novembre 2021 prise par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or relèvent de la seule compétence des juridictions judiciaires ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 6 novembre 2021 et tirés de l'incompétence de leur auteur ou d'un vice de forme sont inopérants dès lors que la caisse primaire d'assurance maladie était en situation de compétence liée ;

- les dispositions de l'article 57 de l'arrêté du 4 mai 2021 portant approbation de la convention nationale signée entre les pharmaciens et l'assurance maladie ne sont pas applicables à la décision du 6 novembre 2021 qui ne constitue pas une décision de déconventionnement, par suite le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;

- la décision de la caisse primaire d'assurance maladie en date du 6 novembre 2021 est fondée sur les dispositions combinées de la loi du 5 août 2021 et de l'article L. 133-4 du code de l'assurance maladie, par suite les moyens tirés du défaut de base légale, de l'erreur de droit ou de l'incompétence négative de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or manquent en fait ;

- le moyen tiré de l'illégalité par la voie de l'exception de l'instruction ministérielle du 28 octobre 2021 est inopérant ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, M. A... et la SELARL Pharmacie A..., représentés par Me Rothdiener, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que la Cour évoque et annule la décision du 4 novembre 2021 par laquelle l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a interdit à M. A... l'exercice de l'activité de pharmacien ainsi que la décision du 6 novembre 2021 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a décidé que les consultations, soins et prescriptions effectués par M. A... qui seront présentés au remboursement à compter du 4 décembre 2021 donneront lieu à récupération financière à sa charge ;

3°) à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge solidaire de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leurs demandes étaient recevables ;

- l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté n'était pas en situation de compétence liée pour édicter une mesure d'interdiction d'exercer à l'encontre de M. A... ;

- les décisions des 4 et 6 novembre 2021 méconnaissent les dispositions des articles L. 111-2 et L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et l'urgence ne peut être valablement invoquée en l'espèce ; dès lors, les intéressés ont été privés d'une garantie procédurale de nature à entacher ces décisions d'illégalité ;

- la décision du 6 novembre 2021 de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or est entachée d'incompétence ; elle méconnait les dispositions de l'article 57 de l'arrêté du 4 mai 2021 portant approbation de la convention nationale signée entre les pharmaciens et l'assurance maladie imposant la saisine préalable pour avis de la commission paritaire nationale ;

- l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche Comté ne dispose d'aucune compétence pour prendre une décision d'interdiction d'exercer ; en outre cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que M. A... n'exerçait pas effectivement son activité au sein de l'officine à la date à laquelle cette décision a été prise ;

- la décision du 6 novembre 2021 de la caisse d'assurance maladie est illégale par la voie de l'exception, eu égard à l'illégalité de l'instruction ministérielle du 28 octobre 2021 ; elle est en outre entachée d'un défaut de base légale et d'une erreur de droit ;

- cette même décision est entachée d'une erreur d'appréciation, porte atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie et constitue une sanction disproportionnée ;

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 16h30. Par une ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 27 octobre 2023 à 16h30.

Un mémoire présenté pour M. A... et la SELARL Pharmacie A..., enregistré le 27 octobre 2023, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ;

- l'arrêté du 4 mai 2012 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pons, représentant l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté, et de Me Rothdiener, représentant M. A... et la SELARL Pharmacie A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 4 novembre 2021, l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne Franche-Comté a notifié à M. B... A..., pharmacien titulaire exploitant la pharmacie A... à Semur en Auxois, une interdiction d'exercer son activité de pharmacien en application des dispositions de l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, l'informant que cette interdiction prendrait fin lorsqu'il aurait justifié de son obligation vaccinale contre la covid-19 par la transmission des justificatifs prévus au I de l'article 13 de cette même loi. Par un courrier du 6 novembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Or a informé M. A..., qu'à l'issue d'un délai de trente jours à compter de la date de suspension de son activité, les consultations, soins et prescriptions qu'il réaliserait et qui seront présentés en remboursement donneront lieu à une récupération financière à sa charge. Par le jugement attaqué du 5 avril 2022, dont l'ARS Bourgogne Franche Comté et la CPAM de la Côte d'Or interjettent appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 142-8 du code de la sécurité sociale : " Le juge judiciaire connaît des contestations relatives : 1° Au contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 (...) ". Aux termes de cet article L. 142-1 : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : 1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale (...) ".

3. Il résulte des articles précités du code de la sécurité sociale que le juge judiciaire connaît des litiges relatifs à l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole. Relèvent cependant par leur nature de la juridiction administrative les litiges nés des sanctions prononcées à l'encontre des praticiens et auxiliaires médicaux qui constituent l'exercice de prérogatives de puissance publique.

4. Le courrier du 6 novembre 2021 par lequel la CPAM de la Côte d'Or, organisme privé chargé d'une mission de service public administratif, a informé M. A... qu'à l'issue d'un délai de trente jours à compter de la date de suspension de son activité, les consultations, soins et prescriptions qu'il réaliserait et qui seront présentés en remboursement par l'assurance maladie donneront lieu à une récupération financière à sa charge, ne constitue pas une sanction relevant de prérogatives de puissance publique. Cette décision, qui remet en cause la prise en charge financière par l'assurance maladie des prestations pharmaceutiques qu'il réaliserait, compte tenu de l'interdiction d'exercer dont il fait l'objet pour motifs de police sanitaire, vise en effet, quel que soit son bien-fondé, à l'application des législations et réglementations de sécurité sociale, au sens des dispositions de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale. Le litige relatif à cette décision relève ainsi de la seule compétence de la juridiction judiciaire. En conséquence, c'est à tort que le tribunal s'est reconnu compétent pour statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cette décision. Le jugement doit, en conséquence, être annulé dans cette mesure. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de rejeter ces conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre.

Sur les conclusions restant en litige :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Dijon :

5. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / (...) 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; (...) ". Les pharmaciens, régis par les articles L. 4211-1 et suivants du code de la santé publique, relèvent dès lors de cette obligation de vaccination. Aux termes l'article 13 de cette loi : " I.- Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12 (...) / (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication (...) / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. Pour les autres personnes concernées, les agences régionales de santé compétentes accèdent aux données relatives au statut vaccinal de ces mêmes personnes, avec le concours des organismes locaux d'assurance maladie. / En cas d'absence du certificat de statut vaccinal mentionné au I du présent article, les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent II adressent à l'agence régionale de santé compétente le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication prévus au I./ (...) / V. (...) Les agences régionales de santé compétentes sont chargées de contrôler le respect de cette même obligation par les autres personnes concernées. ". Enfin, aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. (...) / B. A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / (...) / IV.- Les agences régionales de santé vérifient que les personnes mentionnées aux 2° et 3° du I de l'article 12 qui ne leur ont pas adressé les documents mentionnés au I de l'article 13 ne méconnaissent pas l'interdiction d'exercer leur activité prévue au I du présent article. / V. - Lorsque l'employeur ou l'agence régionale de santé constate qu'un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité en application du présent article depuis plus de trente jours, il en informe, le cas échéant, le conseil national de l'ordre dont il relève. ".

6. Il résulte des dispositions précitées de la loi du 5 août2021, d'une part, qu'à compter du 15 septembre 2021 les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique qui ne justifient pas avoir satisfait à l'obligation vaccinale contre la covid-19 ou être exemptés de cette obligation vaccinale pour motifs médicaux, ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle et, d'autre part, qu'il revient aux agences régionales de santé de contrôler le respect de l'obligation vaccinale de ces professionnels de santé. Par suite, lorsqu'au terme d'un contrôle, un professionnel de santé n'a produit aucun élément permettant de justifier de son obligation vaccinale, ni aucun certificat médical de contre-indication à la vaccination, l'ARS, qui ne peut que constater l'absence de vaccination et l'absence de toute justification alléguée, sans avoir à porter d'appréciation, est en conséquence légalement tenue d'en déduire la situation d'interdiction d'exercice dans laquelle se trouve le professionnel concerné et de lui notifier que cette interdiction restera en vigueur jusqu'à ce qu'il ait justifié d'un schéma vaccinal complet ou produit les justificatifs prévus au I de l'article 13 de la loi du 5 août 2021.

7. Lorsqu'une personne publique se trouve en situation de compétence liée pour prendre un acte, l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre d'un tel acte sont inopérants, à l'exception des moyens susceptibles de remettre en cause l'existence même d'une situation de compétence liée.

8. En l'espèce il est constant que M. A..., pharmacien titulaire d'une officine, est un professionnel de santé relevant des dispositions de la quatrième partie du code de la santé publique et qu'il est, dès lors, soumis à l'obligation vaccinale contre la covid-19 édictée par l'article 12 de la loi du 5 août 2021. Par un premier courrier du 10 septembre 2021, l'ARS a informé M. A... de l'obligation vaccinale pesant sur lui et de l'interdiction d'exercer prévue en cas de méconnaissance de cette obligation, en l'invitant en conséquence à se conformer à cette obligation et à en justifier. Par courrier itératif du 22 septembre 2021, l'ARS a invité M. A... à lui transmettre dans un délai de 72h, dont la brève durée est cohérente avec les conditions d'urgence sanitaire de la période pandémique et les prévisions de la loi, tout justificatif permettant d'établir la régularité de sa situation au regard de l'obligation vaccinale. Il est également constant que M. A... n'a produit aucun justificatif en réponse à cette demande et qu'il ne conteste d'ailleurs ni son absence de vaccination ni l'absence de toute contre-indication médicale particulière. Dans ces conditions, l'ARS, qui constatait, dans le cadre de la mission de contrôle qui lui est confiée par le législateur, que les conditions impliquant une interdiction d'exercer étaient réunies, sans avoir à porter d'appréciation en l'absence de justification invoquée, était en situation de compétence liée pour lui notifier une interdiction d'exercer son activité jusqu'à ce qu'il ait justifié d'un schéma vaccinal complet ou produit les justificatifs prévus au I de l'article 13 de la loi du 5 août 2021. Par suite, c'est à tort que pour annuler la décision prise par l'ARS de Bourgogne Franche-Comté le 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a estimé que l'ARS aurait dû, au surplus, engager une procédure contradictoire et a, en conséquence, retenu que la décision du 4 novembre 2021 était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, un tel moyen étant inopérant à l'encontre de la décision litigieuse.

9. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... et la SELARL Pharmacie A... devant le tribunal administratif de Dijon et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

10. Si, pour la période du 15 septembre 2021 au 31 décembre 2021, M. A..., pharmacien titulaire de l'officine Pharmacie A..., était en congé et remplacé temporairement dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 5125-16 et R. 5125-39 du code de la santé publique, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'ARS de Bourgogne Franche-Comté notifie à M. A..., dont il est constant qu'il conservait la qualité de pharmacien, une interdiction d'exercer son activité dès lors que, bien qu'étant temporairement en congés et remplacé à la date de la décision litigieuse, il n'était pas pour autant insusceptible de reprendre l'exercice de son activité. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation de sa situation doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui a été exposés au point 3 à 5 du présent arrêt que l'ARS de Bourgogne Franche-Comté était tenue de notifier à M. A... une interdiction d'exercer sa profession de pharmacien jusqu'à ce qu'il ait justifié d'un schéma vaccinal complet ou produit les justificatifs prévus au I de l'article 13 de la loi du 5 août 2021. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'ARS pour édicter une mesure d'interdiction d'exercer, de la méconnaissance des dispositions de régularité formelle des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-2 du même code, de l'exception d'illégalité de l'instruction ministérielle du 28 octobre 2021, ainsi que du défaut de base légale en ce que la décision de l'ARS excéderait les prévisions de la loi du 5 août 2021 en méconnaissance des principes de la liberté du commerce et de l'industrie, de la liberté d'entreprendre et de l'exigence de proportion des sanctions, doivent être écartés comme étant inopérants.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que l'ARS Bourgogne Franche-Comté est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 4 novembre 2021.

Sur les frais d'instance :

13. Les conclusions présentées par M. A... et la SELARL Pharmacie A..., parties perdantes dans la présente instance, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur le même fondement par l'ARS de Bourgogne Franche-Comté et la CPAM de la côte d'Or doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103125 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... et de la SELARL Pharmacie A... dirigées contre la décision du 6 novembre 2021 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a décidé que les consultations, soins et prescriptions effectués par M. A... qui seront présentés au remboursement à compter du 4 décembre 2021 donneront lieu à récupération financière à sa charge, sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... et de la SELARL Pharmacie A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Agence régionale de santé de Bourgogne Franche Comté et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SELARL Pharmacie A..., à l'Agence régionale de santé de Bourgogne Franche Comté et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01701
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-04 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Pharmaciens.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET AKILYS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22ly01701 ?
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