Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SIG a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération n° DD/CNAC/2020-02-27-009 en date du 10 avril 2020 de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) lui infligeant un blâme et une pénalité financière de 20 000 euros.
Par un jugement n° 2001716 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2022, la société SIG, représentée par la SELARL Ballorin-Baudry demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001716 du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de mettre à la charge de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.
La société SIG soutient que :
- la décision attaquée a été signée par le président de la CNAC, dépourvu de délégation de pouvoir pour ce faire ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation car :
. la régularisation de sa situation, qui a conduit à l'immatriculation au 23 novembre 2018 de la société SIG EVENT, était en cours au moment du contrôle du 7 novembre 2018 ;
. elle n'a pas été informée, par l'un de ses agents, de l'interdiction temporaire d'exercice dont il faisait l'objet, ce que le téléservice ne lui permettait pas de vérifier, et, hormis ce ponctuel manque de vigilance immédiatement réparé, tous les salariés sont, à l'embauche, titulaires d'une carte professionnelle et licenciés en cas de refus de renouvellement de leur carte ;
. l'absence de présentation de la carte professionnelle propre à l'entreprise par quatre agents, qui en sont titulaires, est imputable à ces seuls salariés et a été immédiatement corrigée l'absence de mention, sur certaines cartes, de l'autorisation administrative délivrée à la société ;
. la main courante habituellement utilisée porte bien le numéro d'autorisation délivré par le CNAPS et non le précédent numéro d'agrément préfectoral ;
. si le registre unique du personnel n'était pas classé dans l'ordre chronologique des embauches, cela était dû aux opérations de paramétrage d'un nouveau logiciel ;
. la sanction prononcée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2022, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), ayant pour avocat le cabinet Centaure Avocats, agissant par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le CNAPS fait valoir que les moyens soulevés par la société SIG ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 novembre 2023 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Apacheva, représentant le conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. La société SIG, immatriculée le 7 mai 1997 au registre du commerce et des sociétés de Dijon, titulaire d'une autorisation de fonctionnement et son gérant d'un agrément, a, en novembre 2018, fait l'objet de contrôles par des agents de la délégation territoriale Est du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) à l'issue desquels la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Est a infligé un blâme tant à la société qu'à M. A... B..., son gérant, ainsi qu'une pénalité financière de 20 000 euros à la première et de 15 000 euros au second. La commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) a confirmé ces décisions par deux délibérations du 10 avril 2020. La société SIG relève appel du jugement du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 avril 2020 n° DD/CNAC/2020-02-27-009 la concernant.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En invoquant une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges, la société SIG ne critique pas la régularité du jugement mais son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence :
3. Il ressort des mentions de la délibération de la Commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) contestée du 10 avril 2020 qu'elle a été adoptée par une formation régulièrement composée, conformément aux dispositions de l'article L. 632-2 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction alors applicable. Si le président de la commission, régulièrement élu le 15 mars 2018 ainsi qu'en atteste le procès-verbal produit en défense, a apposé en cette qualité sa signature ainsi que ses nom et prénom sur l'original de la décision, conformément aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, cette seule circonstance ne caractérise aucune incompétence de l'auteur de l'acte.
En ce qui concerne les manquements reprochés à la société SIG, contenus dans la délibération attaquée du 10 avril 2020 :
4. Aux termes de l'article L. 634-4, alors en vigueur, du code de la sécurité intérieure : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le Conseil national des activités privées de sécurité ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. / Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité ou de l'activité mentionnée à l'article L. 625-1 à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. "
S'agissant de l'obligation d'exclusivité :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure : " L'exercice d'une activité mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 611-1 est exclusif de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes / (...) / 2° A transporter et à surveiller, jusqu'à leur livraison effective, des bijoux représentant une valeur d'au moins 100 000 euros, des fonds, (...) ou des métaux précieux ainsi qu'à assurer le traitement des fonds transportés (...) ".
6. Il ressort des pièces dossier que, lors de la foire internationale et gastronomique de Dijon qui s'est déroulée du 1er au 11 novembre 2018, la société SIG a confié à plusieurs de ses salariés des missions d'accueil et de contrôle des billets d'entrée à cette manifestation, activités pourtant étrangères à son objet social. La société SIG ne conteste pas ce manquement à l'obligation d'exclusivité posée par les dispositions visées ci-dessus de l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure, manquement retenu par la CNAC et auquel elle a voulu mettre fin par la création d'une société SIG Events, immatriculée le 23 novembre 2018, après, a-t-elle déclaré, avoir débuté dix jours auparavant ses " prestations en matière d'accueil et de contrôle relatives à toutes manifestations sportives, culturelles et évènementielles ".
S'agissant des conditions d'exercice professionnel :
7. L'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure impose aux personnes participant à une activité mentionnée à son article L. 611-1, la détention d'une carte professionnelle qui atteste de la satisfaction aux conditions qu'il énumère. Aux termes de l'article R. 631-15 du même code, composante du code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité : " Vérification de la capacité d'exercer / Les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée, des personnels de sécurité et de recherches ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions / Ils s'assurent de l'adéquation des compétences aux missions confiées ". L'article R. 634-6 de ce code interdit aux personnes faisant l'objet d'une interdiction temporaire d'exercer ou dont la carte professionnelle a été retirée, l'accomplissement d'actes professionnels relevant d'activités privées de sécurité que ce code régit.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société SIG a, du 25 novembre au 15 décembre 2017, employé en tant qu'agent de sécurité privée une personne pourtant interdite d'exercer de telles missions pendant une période de deux années courant à compter du 8 avril 2016. La société SIG ne saurait s'exonérer de ce manquement en se prévalant du non-respect par le salarié concerné de son obligation d'information de l'employeur prescrite par l'article R. 631-26 du code ni par l'absence alléguée de mention par le téléservice du CNAPS des refus ou retraits de carte professionnelle.
9. D'autre part, la société SIG a continué à employer cinq salariés détenteurs de cartes professionnelles dont la validité avait expiré en cours de contrat et a tardé à procéder à leur licenciement, décidé jusqu'à neuf mois après la date d'expiration de la carte de deux d'entre eux, lesquels s'étaient vu opposer des refus de renouvellement de cette carte. En outre, les registres du personnel ont fait apparaître l'emploi, depuis 2011 et 2012, de deux salariées dont les cartes professionnelles étaient invalides depuis juin 2015 et septembre 2017, sans que la société SIG démontre que ces salariées auraient, comme elle l'allègue, démissionné. Enfin, deux autres salariés ont exercé leurs fonctions durant les intervalles, respectivement de deux mois et de huit mois, séparant les dates d'expiration de validité et de renouvellement de leurs cartes, et une personne a été embauchée le 31 août 2018 pour exercer contractuellement des missions de surveillance/gardiennage, sans être titulaire d'une carte professionnelle qui ne lui a été délivrée que le 13 septembre suivant.
S'agissant de l'obligation de présentation de la carte professionnelle propre à l'entreprise :
10. Aux termes de l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable à a date de la décision attaquée : " Tout candidat à l'emploi pour exercer des activités privées de sécurité définies aux articles L. 611-1 et L. 613-13 ou tout employé participant à l'exercice de ces activités communique à l'employeur le numéro de la carte professionnelle qui lui a été délivrée par la commission locale d'agrément et de contrôle / L'employeur remet à l'employé une carte professionnelle propre à l'entreprise / (...) / La carte professionnelle remise à l'employé par son employeur doit être présentée à toute réquisition d'un agent de l'autorité publique et restituée à l'employeur à l'expiration du contrat de travail ".
11. Il ressort des pièces du dossier que lors du contrôle réalisé le 6 novembre 2018 sur le site de la foire internationale et gastronomique de Dijon, quatre salariés n'ont pas été en mesure de présenter leur carte professionnelle propre à l'entreprise. Eu égard aux responsabilités que confèrent à la société requérante les missions de sécurité privée qu'elle assume via ses salariés, ce manquement lui est imputable, dès lors qu'elle n'établit pas ni même ne soutient avoir mis en œuvre un mode de fonctionnement et d'organisation propre à prévenir et détecter un tel manquement.
S'agissant de l'obligation de mention de l'autorisation d'exercice délivrée par le CNAPS :
12. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-9 du code de la sécurité intérieure : " L'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 est subordonné à une autorisation distincte pour l'établissement principal et pour chaque établissement secondaire ". Selon l'article L. 612-15 du même code, " Tout document qu'il soit de nature informative, contractuelle ou publicitaire, y compris toute annonce ou correspondance " émanant d'une entreprise telle la société requérante " doit reproduire l'identification de l'autorisation administrative prévue à l'article L. 612-9 ".
13. Lors du même contrôle du 6 novembre 2018, il a été constaté l'utilisation par la société SIG d'une main courante mentionnant le numéro de l'agrément préfectoral précédemment délivré à la société, sans mention de l'autorisation d'exercice délivrée à la société par le CNAPS sous le n° AUT-0212113-09-11-20140399104. Cette lacune, de nature à faire obstacle aux contrôles de régularité, est fautive de même que l'absence de mention, cette dernière requise par le 3° de l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure, de cette autorisation, et de son numéro, sur les cartes professionnelles présentées le même jour par deux salariés de la société SIG.
S'agissant de la tenue du registre unique du personnel :
14. Aux termes de l'article L. 1221-13 du code du travail : " Un registre unique du personnel est tenu dans tout établissement où sont employés des salariés. / Les noms et prénoms de tous les salariés sont inscrits dans l'ordre des embauches. Ces mentions sont portées sur le registre au moment de l'embauche et de façon indélébile. (...) ".
15. Le registre unique du personnel de la société SIG examiné par les contrôleurs du CNAPS, procède au classement des salariés selon une " date d'évènement " figurant en première colonne. Le registre produit par la société en première instance et en appel opère un classement des salariés par ordre alphabétique, non conforme aux dispositions précitées et dont il ressort des pièces du dossier qu'il est difficilement exploitable. Ainsi, à la date de la décision attaquée, la société, qui se borne à alléguer avoir dû changer de logiciel de gestion du personnel, ne se conformait pas aux dispositions du code du travail prescrivant la tenue d'un registre du personnel dans l'ordre chronologique des embauches.
Sur la proportionnalité de la sanction :
16. L'ensemble des manquements ci-avant détaillés, qui sont établis, reprochés à la société SIG par la délibération en litige, exposaient la requérante, quand bien même elle aurait régularisé sa situation sur la question du formalisme des cartes professionnelles de ses agents, au prononcé d'une sanction et à l'infliction d'une pénalité financière en application des dispositions de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure. Eu égard au nombre et à l'importance respective de tels manquements, et à la circonstance que la société avait déjà fait l'objet d'un avertissement ainsi que d'une pénalité financière de 500 euros par une précédente décision du 16 septembre 2016 pour des faits d'emploi, dans une activité privée de sécurité, de trois salariés dépourvus de carte professionnelle, faits que la délibération attaquée du 10 avril 2020 ne sanctionne pas de nouveau, même si elle peut tenir compte de ces précédentes sanction et pénalité, le blâme et la pénalité financière de 20 000 euros qui l'assortit infligés le 10 avril 2020 à la société SIG ne présentent pas de caractère disproportionné.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société SIG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la délibération n° DD/CNAC/2020-02-27-009 du 10 avril 2020 de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).
Sur les frais liés au litige :
18. Le conseil national des activités privées de sécurité n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société SIG sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions du Conseil national des activités privées de sécurité tendant à l'application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la société SIG une somme de 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SIG est rejetée.
Article 2 : La société SIG versera au conseil national des activités privées de sécurité une somme de 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SIG et au conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY00515