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15/12/2023 | FRANCE | N°21VE02289

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 décembre 2023, 21VE02289


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Stratfin a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments de prélèvements sociaux et de la retenue à la source, ainsi que des amendes, majorations et intérêts de retard, auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2013, 2014 et 2015.



Par un j

ugement n° 1801326 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Stratfin a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des suppléments de prélèvements sociaux et de la retenue à la source, ainsi que des amendes, majorations et intérêts de retard, auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1801326 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés le 30 juillet 2021 et les 3 janvier, 4 janvier, 28 janvier, 3 juin, 22 juin, 5 juillet et 19 juillet 2022, un mémoire récapitulatif enregistré le 5 mai 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 24 novembre 2023 qui n'a pas été communiqué, la SAS Stratfin, représentée par Me Fornet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Stratfin soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'erreurs de droit et d'appréciation ;

- l'administration fiscale a appliqué le coefficient de déduction qu'elle a retenu à des dépenses exposées pour les besoins de ses opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; son activité de courtage en assurances exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, qui consiste à percevoir des commissions sur les contrats en cours, ne génère pas de charges externes, à l'inverse de son activité de conseil soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, qui induit des frais de représentation, de déplacement, etc ; il s'ensuit que l'ensemble de ses dépenses peut être rattaché à ses opérations ouvrant droit à déduction ;

- ses dépenses en matière d'investissements équins, exposées dans le cadre d'opérations d'achats de chevaux en vue de leur revente soumises à taxe sur la valeur ajoutée, ouvrent droit à déduction ; il en est de même de ses frais d'avocats engagés dans le cadre de son activité soumise à taxe sur la valeur ajoutée ;

- pour déterminer le coefficient de déduction, le service a omis de prendre en compte ses opérations réalisées en Guyane, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 294 du code général des impôts ; compte tenu du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé en Guyane de 14 427 euros en 2013 et 67 499 euros en 2015, les coefficients de déduction au titre de ces deux exercices s'établissent à 0,22 au titre de l'année 2013 et 0,29 au titre de l'année 2015 ;

- en conséquence, c'est à tort que le service a réintégré un profit sur le Trésor correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- elle justifie de son intérêt économique à ne pas avoir facturé d'intérêts sur les avances consenties à la société LDG Gestion, eu égard à ses liens commerciaux et aux difficultés financières de sa filiale ; la convention de trésorerie à laquelle elle a souscrit ne prévoit aucune obligation de rémunérer ces avances, qui sont expressément autorisées par l'article L. 511-7 du code monétaire et financier ; elle justifie de ses liens d'interdépendance et des difficultés de la société LDG Gestion ;

- la somme de 66 544,45 euros portée en charges diverses au titre de l'exercice 2013 correspond à différentes facturations de commissions bancaires sur d'anciennes affaires dont la facturation avait été établie très tardivement par la société et dont le paiement n'a jamais pu être recouvré, soit parce que l'affaire était trop ancienne, soit parce que les conventions n'avaient pas été renouvelées, soit encore parce que la société avait fait faillite (PCI Courtage) ; les provisions ont été reprises et les pertes constatées ;

- la retenue à la source sur les dividendes distribués à la société Archipel Newko SA établie au Luxembourg n'est pas justifiée dès lors que cette société a été assujettie au Luxembourg à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés et devait par conséquent être exonérée de retenue à la source en application de l'article 119 ter du code général des impôts ;

- les dividendes versés à M. A... ne devaient pas être soumis aux prélèvements sociaux dès lors qu'ils ont été immédiatement réinvestis dans un plan d'épargne d'entreprise ; l'administration fiscale a d'ailleurs abandonné la rectification en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de M. A... ;

- la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'application du coefficient de déduction n'est pas justifiée ;

- l'amende de 50 % du montant des dividendes non déclarés qui lui a été infligée en application de l'article 1736 du code général des impôts n'est pas applicable dès lors que cette omission constitue sa première infraction et qu'elle a été réparée à la première demande de l'administration ; cette omission n'ayant causé aucun préjudice au Trésor public, dès lors que ces dividendes ont été déclarés par les associés qui en ont bénéficié et soumis à l'impôt, il est inéquitable de la soumettre à cette amende.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er décembre 2021 et les 23 mars, 13 juin, 27 juin et 19 juillet 2022, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les prélèvements sociaux sur les dividendes distribués à M. A... ne pouvaient être mis à la charge de la SAS Stratfin dès lors que ces revenus distribués constituent des revenus du patrimoine assis et recouvrés selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu en application des dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et non des produits de placements au sens de l'article L. 136-7 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de M. A..., gérant de la SARL Aspan, dirigeante de la SAS Stratfin.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Stratfin a été enregistrée le 5 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Stratfin, qui exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine, de prestation de services à ses filiales et de courtage en assurances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2015, à l'issue de laquelle lui ont été notifiées, selon la procédure contradictoire, à l'exception des rehaussements d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015, taxés d'office à défaut de déclaration et de régularisation plus de trente jours suivant la mise en demeure, des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de prélèvements sociaux, de retenue à la source sur les dividendes distribués hors de France, ainsi que d'amendes, de majorations et d'intérêts de retard. La SAS Stratfin relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 21 mars 2022, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement de la somme de 271 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déductible se rapportant à des opérations d'investissements équins au titre des exercices clos en 2014 et 2015, et aux pénalités correspondantes. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la SAS Stratfin ne soutient pas utilement que le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de l'application d'un coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée :

4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " (...) III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. (...) 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la SAS Stratfin réalise des opérations de conseil et de prestations de service à ses filiales, pour lesquelles elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, et des prestations de courtage en assurances, qui en sont exonérées en vertu du 2° de l'article 261 C du code général des impôts. Le service vérificateur a constaté que la société avait déduit en totalité la taxe grevant ses achats, sans affecter ses dépenses à ses secteurs d'activité, ni appliquer de coefficient de déduction à ses frais généraux, affectant ainsi toutes ses dépenses à ses opérations taxables. Le vérificateur a établi la liste des dépenses ne pouvant être regardées comme présentant un lien direct avec l'un ou l'autre de ces secteurs d'activité et appliqué à ces dépenses un coefficient de déduction fixé à 0,21 en 2013, 0,48 en 2014 et 0,23 en 2015.

6. En premier lieu, en vertu des dispositions rappelées au point 4 ci-dessus, le coefficient de déduction applicable aux biens et services utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction est déterminé sur la base du seul chiffre d'affaires. Dès lors qu'il est constant que la SAS Stratfin réalise des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et des opérations exonérées, le moyen tiré de ce que l'essentiel, voire la totalité, de ses frais de représentation, de déplacement et autres, lui serait occasionné par son activité de conseil soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, tandis que son activité de courtage en assurances exonérée serait " passive ", est inopérant. C'est par suite à bon droit que le service vérificateur a appliqué aux dépenses qui ne pouvaient être rattachées à l'un ou l'autre de ses secteurs d'activité, un coefficient de déduction déterminé en fonction du rapport entre le chiffre d'affaires réalisés, au cours des exercices considérés, dans le secteur taxable et le chiffre d'affaires total de la société.

7. En deuxième lieu, la SAS Stratfin fait valoir que certaines dépenses regardées comme des frais généraux par le vérificateur ont été exposées pour les besoins de ses opérations ouvrant intégralement droit à déduction. Si la société requérante reprend dans son mémoire récapitulatif son moyen relatif aux investissements équins, sa contestation est dépourvue d'objet sur ce point dès lors que le service a admis en cours d'instance la déductibilité de la taxe grevant ces dépenses et prononcé un dégrèvement. S'agissant de ses frais contentieux, la société ne produit pas de précisions permettant de rattacher ces frais à ses opérations taxables. A défaut de toute précision sur les litiges en cause et le rattachement à l'une ou l'autre de ses activités, la SAS Stratfin n'établit pas la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ses factures Alard, GAM et SCP Boullez. Quant aux autres dépenses listées par le vérificateur à l'annexe II de la proposition de rectification du 21 décembre 2016, la société requérante n'apporte aucun élément, alors qu'elle est seule à même d'établir que certaines de ces dépenses se rapportaient à une opération déterminée relevant de son secteur d'activité assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.

8. En troisième lieu, la SAS Stratfin fait valoir que les opérations qu'elle a réalisées en Guyane, pour un chiffre d'affaires de 14 427 euros en 2014 et 67 499 euros en 2015, hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 294 du code général des impôts, auraient ouvert droit à déduction si elles avaient été réalisées en France métropolitaine et doivent en conséquence être incluses dans le chiffre d'affaires du secteur soumis à taxe sur la valeur ajoutée pour le calcul du coefficient de déduction. Toutefois, dès lors que ces opérations réalisées outre-mer ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et n'ouvraient dès lors pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont, il n'y a pas lieu d'inclure le chiffre d'affaires réalisé en Guyane dans le chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction pour le calcul du coefficient de déduction. En tout état de cause, les quelques factures produites, se rapportant à des " rétrocessions sur SNC Girardin " ne permettent pas de tenir pour établi que ces opérations auraient été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée si elles avaient été réalisées sur le territoire métropolitain.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

S'agissant du profit sur le Trésor :

9. La remise en cause par l'administration fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort étant justifiée, la SAS Stratfin n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration dans ses bases d'imposition du profit sur le Trésor correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

S'agissant de l'absence de rémunération des avances en comptes courants :

10. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Les prêts sans intérêt accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt.

11. Le service vérificateur a constaté que la SAS Stratfin n'avait pas perçu de rémunération sur les avances en comptes courants consenties aux sociétés LDG Gestion, LDG Development, Aspan et Hamo Development.

12. En premier lieu, si la société requérante se prévaut d'une convention de trésorerie conclue 1er juillet 2013 entre la société de droit luxembourgeois Archipel Newko SA, désignée comme holding du groupe informel détenu par M. B... A..., et d'une part, les sociétés Aspan, Stratfin et Capital Development, d'autre part, les sociétés LDG Development, Hamo Development et LDG Gestion, toutes représentées par M A..., par laquelle ces sociétés se sont engagées à placer en priorité leur trésorerie disponible auprès de la holding et à financer les autres sociétés du " groupe ", cette convention prévoit le versement d'intérêts qui n'ont pas été perçus.

13. En second lieu, pour justifier de son propre intérêt à consentir des avances non rémunérées à la société LDG Gestion, la SAS Stratfin soutient que ses clients investissent sur ses recommandations dans les biens qu'ils donnent à bail à la société LDG Gestion, au moyen de concours bancaires garantis par des sûretés prises sur des contrats d'assurance souscrits par son intermédiaire. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que la société LDG Gestion est l'exploitant d'un ensemble immobilier hôtelier dénommé " Le lac des Graves ", situé dans le Cantal, dont certains lots de copropriété lui sont donnés à bail par des clients de la SAS Stratfin, moyennant un loyer annuel de 11 183 euros toutes taxes comprises (TTC), et que le remboursement par les investisseurs de leur emprunt bancaire étant garanti par des assurances dont la SAS Stratfin a assuré le courtage, l'incidence éventuelle de difficultés financières de la société LDG gestion sur les activités de conseil et de courtage de la SAS Stratfin n'est pas telle qu'elle justifie l'absence de rémunération des avances en compte courant qu'elle lui a consenties. La société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir qu'il était de son intérêt de soutenir sa filiale, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés Stratfin et LDG Gestion soient liées par des liens capitalistiques. Dans ces conditions, la société requérante ne justifie pas d'un intérêt économique à soutenir la société LDG Gestion. En outre, les difficultés financières de la société LDG Gestion, telles que celle-ci ne pourrait supporter la charge des intérêts sur les avances qui lui sont consenties par la société Stratfin, ne sont pas établies.

S'agissant des charges non justifiées :

14. Le service a remis en cause certaines charges non justifiées au titre de l'exercice clos en 2013, notamment des " charges diverses " pour un montant de 66 544 euros, dont la SAS Stratfin soutient qu'elles correspondent à des facturations de commissions bancaires sur d'anciennes affaires dont la facturation avait été établie très tardivement par la société et dont le paiement n'a jamais pu être recouvré, soit parce que l'affaire était trop ancienne, soit parce que les conventions n'avaient pas été renouvelées, soit encore parce que la société avait fait faillite (PCI Courtage). En conséquence, les provisions auraient été reprises et les créances inscrites en pertes irrécouvrables. Pour en justifier, la société requérante produit des extraits du grand livre tiers clients et quelques factures et lettres de relance adressées à la société Capfi et aux établissements bancaires Crédit mutuel, Crédit foncier et LCL, qui ne permettent pas de regarder les créances en cause comme irrécouvrables. A supposer que la société PCI Courtage ait été radiée, cette seule circonstance ne suffit pas à établir le caractère irrécouvrable de la créance détenue sur cette société. Par suite, il n'est pas justifié de la régularité de l'écriture de charge remise en cause par le service vérificateur.

En ce qui concerne les prélèvements sociaux sur les dividendes versées à M. A... et réinvestis dans un plan d'épargne d'entreprise :

15. Aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement les articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts relatifs à la contribution sociale généralisée, aux prélèvements sociaux et à la contribution au remboursement de la dette sociale, et l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles relatif aux contributions additionnelles à ces prélèvements : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) :/ (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) ". En vertu du III du même article, ces impositions sont recouvrées selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu.

16. Le service vérificateur a constaté lors du contrôle que des dividendes avaient été versés à M. A... au titre des trois exercices vérifiés, pour des montants de 241 059 euros en 2013, 301 324 euros en 2014 et 180 794 euros en 2015, et a rectifié l'absence de prélèvements sociaux sur ces dividendes. Il résulte de l'instruction que la rectification est fondée sur les dispositions du V de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, selon lequel la contribution sociale sur les produits de placement est contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles que le prélèvement forfaitaire mentionné à l'article 117 quater du code général des impôts. Toutefois, les contributions sociales sur les dividendes distribués à M. A..., résident fiscal français, ne pouvaient être mises à la charge de la SAS Stratfin, dès lors que ces revenus distribués constituent des revenus du patrimoine assis et recouvrés selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu en application des dispositions du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, et non des produits de placements, au sens de l'article L. 136-7 du même code, soumis à un prélèvement à la source. La circonstance que les dividendes en cause ont été versés sur le plan d'épargne de l'entreprise est sans incidence sur la nature de ces revenus. Par suite, les prélèvements sociaux sur les dividendes versés à M. A... ne pouvaient légalement être mis à la charge de la SAS Stratfin.

En ce qui concerne la retenue à la source sur les revenus distribués à la société luxembourgeoise Archipel Newko SA :

17. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 119 ter du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. / 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne (...) / c) Détenir directement, de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes, ou prendre l'engagement de conserver cette participation de façon ininterrompue pendant un délai de deux ans au moins (...) / Le taux de participation prévu au premier alinéa est ramené à 15 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 et à 10 % pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009 ; / d) Être passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée (...) ".

18. Il résulte de l'instruction, notamment des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et du décompte établis par l'administration des contributions directes luxembourgeoise le 24 août 2016, au cours de la vérification de comptabilité de SAS Stratfin, que la SA Archipel Newko, résidente fiscale luxembourgeoise, qui a déclaré au titre de l'année 2013 un bénéfice imposable de 1 114 862 euros, a bénéficié d'une exonération, à concurrence de 1 124 590 euros, et a été imposée sur un revenu imposable négatif de - 2 991 euros, pour des montants de 3 210 euros au titre de l'impôt sur le revenu des collectivités, dont 210 euros de contribution au fonds pour l'emploi et, selon le décompte, 0 euro au titre de l'impôt commercial communal et 1 175 euros au titre de l'impôt sur la fortune. Au titre de l'année 2014, la SA Archipel Newko, qui a déclaré un bénéfice imposable de 36 382 euros, a bénéficié d'une exonération à concurrence de 11 018 euros et a été imposée sur un revenu imposable fixé à 29 650 euros, pour des montants de 3 247 euros au titre de l'impôt sur le revenu des collectivités, dont 210 euros de contribution au fonds pour l'emploi et, selon le décompte, 820 euros au titre de l'impôt commercial communal et 4 078 euros au titre de l'impôt sur la fortune. Enfin, au titre de l'année 2015, la SA Archipel Newko a déclaré un bénéfice imposable de 85 501 euros, dont 72 417 euros exonérés et a été imposée sur un revenu imposable fixé à 17 050 euros, pour des montants de 3 830 euros au titre de l'impôt sur le revenu des collectivités, dont 250 euros de contribution au fonds pour l'emploi, 0 euro au titre de l'impôt commercial communal et 4 558 euros au titre de l'impôt sur la fortune. Dans ces conditions, la SA Archipel Newko ne peut être regardée comme n'ayant pas été assujettie à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans l'Etat où elle a son siège, fut-ce a posteriori et pour des montants réduits, au sens du d du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts. Cependant, il résulte des constatations du service vérificateur mentionnées dans la proposition de rectification que le siège effectif de la SA Archipel Newko n'est pas au Luxembourg, mais au domicile en France de M. A..., administrateur de la SA Archipel Newko, qui prend les décisions stratégiques et détermine la conduite de ses affaires, et que celui-ci doit être regardé comme le bénéficiaire effectif des dividendes en cause. L'administration était par suite fondée à assujettir les distributions en litige à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, au taux conventionnel de 15 % applicable lorsque le bénéficiaire des dividendes détient moins de 25 % du capital social de la société distributrice.

Sur les amendes et pénalités :

En ce qui concerne la majoration des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'application du coefficient de déduction :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que, pour assortir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fiscale a relevé que la société Stratfin ne pouvait ignorer ne pas pouvoir déduire l'intégralité de la taxe grevant ses dépenses dès lors qu'une part importante de son activité était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, que les rectifications portent sur des déductions injustifiées importantes, sur les trois exercices vérifiés, et qu'eu égard à son activité, le non-respect des règles en matière de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait résulter d'une simple méconnaissance du droit. Ces circonstances sont de nature à établir l'intention délibérée de la contribuable d'éluder l'impôt.

En ce qui concerne l'amende pour non-déclaration des dividendes et honoraires :

21. Aux termes du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. " Aux termes de l'article 242 ter du même code : " 1. Les personnes qui assurent le paiement des revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 125 ainsi que des produits des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont tenues de déclarer l'identité et l'adresse des bénéficiaires ainsi que, par nature de revenus, le détail du montant imposable et du crédit d'impôt, le revenu brut soumis à un prélèvement et le montant dudit prélèvement et le montant des revenus exonérés. (...) " L'article 49 D de l'annexe III au code général des impôts dispose que : " Les personnes visées à l'article 242 ter du code général des impôts ainsi que les établissements payeurs visés à l'article 990 C du même code doivent produire, avant le 16 février de chaque année, la déclaration des sommes payées ou des caractéristiques des contrats de prêt ayant fait l'objet d'opérations au cours de l'année précédente. "

22. Le service a mis à la charge de la SAS Stratfin l'amende égale à 50 % des sommes non déclarées prévue par le 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts, au motif qu'elle n'avait pas déposé la déclaration des dividendes et honoraires versés. La SAS Statfin se prévaut des dispositions de cet article qui prévoient que l'amende n'est pas applicable lorsqu'il s'agit de la première infraction. Elle fait valoir que l'omission a été réparée à la première demande de l'administration présentée le 29 avril 2016. Toutefois, l'amende n'est pas due lorsque l'omission a été réparée avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite et la déclaration des dividendes doit être souscrite avant le 16 février de l'année suivant celle au cours de laquelle les sommes ont été payées, en vertu des dispositions de l'article 49 D de l'annexe III au code des impôts. En l'espèce, la société requérante ne justifie pas avoir procédé à la régularisation de ses déclarations avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. C'est par suite à bon droit que le service vérificateur a fait application de l'amende de 50 % prévue à l'article 1736-I-1 du code général des impôts.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Stratfin est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des prélèvements sociaux sur les dividendes versés à M. A....

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la SAS Stratfin demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus de statuer sur la requête de la SAS Stratfin à concurrence du dégrèvement intervenu en cours d'instance.

Article 2 : La SAS Stratfin est déchargée des prélèvements sociaux, majorations et intérêts, portant sur les dividendes versés à M. A..., au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Article 3 : Le jugement n° 1801326 du 31 mai 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Stratfin est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Stratfin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE02289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02289
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS JURIS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;21ve02289 ?
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