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14/12/2023 | FRANCE | N°23TL01218

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 décembre 2023, 23TL01218


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2106633 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :




Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. A..., représenté par Me Allene Ondo, demande à la cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106633 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. A..., représenté par Me Allene Ondo, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la cour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- l'obligation de déclaration prévue par les dispositions de l'article 22 de la convention d'application des accords de Schengen ne lui est pas opposable, en application de l'article R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur de droit en lui refusant un droit au séjour en qualité de conjoint de français au regard de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- il bénéficie de plein droit des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il encourt le risque d'être séparé de son épouse de nationalité française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les observations de Me Allene-Ondo, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant argentin né le 23 novembre 1975 indiquant être entré sur le territoire français le 1er novembre 2020, a sollicité, le 9 avril 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 25 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer en ce qui les concerne.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité une admission exceptionnelle au séjour et, en l'examinant sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas mépris sur l'objet de la demande dont il était saisi. En outre, eu égard notamment à la motivation de l'arrêté contesté, il a procédé à un examen particulier de cette demande de titre de séjour. Il ressort également de cet arrêté que le préfet de la Haute-Garonne a seulement entendu rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour faite par M. A... au mois d'avril 2021 et non pas la demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français du mois de février 2021. Le moyen tiré du défaut d'examen complet doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié à une ressortissante française, le 11 juin 2020 à Cordoba (Argentine), et que les époux résident ensemble en France depuis le 1er novembre 2020. Les attestations et factures produites par le requérant font état d'une communauté de vie stable depuis cette date. Toutefois, à la date de l'arrêté contesté, le 25 octobre 2021, le mariage présentait un caractère récent et il n'est pas établi que la vie commune entre les époux ait débuté avant le mariage. Par ailleurs, le contrat de travail, conclu par le requérant le 8 novembre 2021, pour un poste d'employé d'entretien et de petits travaux auprès d'un particulier pour une durée hebdomadaire de trois heures est insuffisant pour justifier d'une insertion professionnelle notable. Aucun enfant n'est né de cette union et M. A... ne démontre pas être isolé en Argentine, pays dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie et qu'il a quitté à l'âge de quarante-cinq ans. Ces éléments ne permettent pas, eu égard à la faible durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, de regarder la décision de refus de séjour comme portant à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) 2018/1806 du 14 novembre 2018 : " Les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe II sont exemptés de l'obligation prévue à l'article 3, paragraphe 1, pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...) ". L'article R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois (...) ". En qualité de ressortissant argentin, l'intéressé est exempté de l'obligation de visa de court séjour, en application des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) 2018/1806 du 14 novembre 2018 et de l'annexe II à ce règlement. C'est donc à tort que le préfet de la Haute-Garonne a indiqué que M. A... aurait dû souscrire la déclaration prévue à l'article 22 de la convention d'application des accords de Schengen. Toutefois, cette indication préliminaire erronée ne peut être regardée comme un motif du refus de titre de séjour opposé à M. A... dès lors que l'arrêté contesté porte sur le seul examen d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour et que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas opposé l'irrégularité de l'entrée en France à M. A... lorsqu'il a examiné la possibilité de régulariser son séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est donc sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

7. En dernier lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412- 1 (...) ".

8. Par un courrier électronique du 5 juin 2020, le service de l'état-civil du consulat de France à Buenos-Aires a indiqué à l'épouse de M. A... que son conjoint pouvait entrer en France muni de l'acte de mariage argentin et que sa situation serait réglée auprès des services de la préfecture. A supposer même que ce message, qui n'émanait pas du service des visas, ait induit en erreur M. A... sur l'obligation de disposer d'un visa de long séjour, il ressort cependant des éléments de fait développés au point 5 du présent arrêt que c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a estimé qu'aucune considération humanitaire ni motif exceptionnel au sens des dispositions précitées ne justifiait la régularisation du séjour de M. A... en France tant au regard de la vie privée et familiale que du travail. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision portant refus de titre de séjour du préfet de la Haute-Garonne n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, la décision portant refus du titre de séjour sollicité n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par conséquent être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents suivants : 1° Un visa de long séjour ; 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". L'article L. 412-1 du même code dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-1 du même code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont le mariage a été célébré en Argentine, est entré en France sans visa de long séjour. Il ne peut donc bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement serait illégale dès lors qu'il pourrait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2021 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Orane Allene Ondo et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.

Le président rapporteur,

A. Barthez

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01218 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01218
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : ALLENE ONDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-14;23tl01218 ?
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