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14/12/2023 | FRANCE | N°23MA01793

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 décembre 2023, 23MA01793


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.





Par un jugement n° 2205162 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.






Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023, Mme A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2205162 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Oloumi, demande à la Cour :

1°) d' annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dès notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;

- en estimant qu'elle ne justifiait pas d'une résidence habituelle et continue en France, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle justifie de considérations humanitaires ou exceptionnelles permettant de lui délivrer un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante péruvienne, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Elle relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

3. D'une part, Mme A... fait valoir qu'elle se maintient en France depuis son arrivée en 2006. Elle produit les quittances de loyer et les factures d'électricité afférentes à l'appartement qu'elle louait jusqu'en 2016, ainsi que la copie de cartes individuelles d'admission à l'aide médicale de l'Etat, mentionnant d'ailleurs une adresse différente. Elle a également joint à sa requête copie de relevés bancaires établis en 2017, de factures et de documents médicaux. Des pièces de même nature attestent d'une présence à Nice depuis le deuxième semestre de l'année 2018. Cependant, la copie de son passeport fait ressortir que ce document a été délivré au consulat général du Pérou à Barcelone en mars 2018 et mentionne que l'intéressée y est inscrite depuis 2010. Il ressort de ces différents éléments que la présence continue en France de Mme A... depuis plus de dix ans à la date de la demande n'est pas établie. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission de titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., née le 27 janvier 1974, soutient être entrée en France 2006 en provenance de l'Italie, après avoir quitté son pays d'origine en 1996 pour échapper, selon elle, aux mauvais traitements et discriminations qui seraient infligés aux personnes transgenres. Si, soutenue par une association d'aide aux personnes se livrant à la prostitution, elle se prévaut d'un projet professionnel visant à exercer l'activité d'auxiliaire de vie, elle n'établit pas que ce projet a reçu un commencement d'exécution. En dépit de la présence en France de sa sœur et de son neveu, de l'absence de troubles à l'ordre public, de son indépendance financière, ses revenus étant néanmoins non déclarés, de son expression en langue française, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant à la requérante la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

6. Mme A... soutient qu'elle serait, en raison de son identité transgenre, exposée à des risques de violences et de discriminations en cas de retour au Pérou. Elle se prévaut de rapports du Défendeur du Peuple du Pérou rédigés en langue espagnole dont elle n'a pas produit la traduction en langue française. Le rapport établi par l'OFPRA en 2016 relatif à la situation des minorités sexuelles et de genre, s'il mentionne l'existence de tels faits, ne démontre pas qu'elle serait personnellement et actuellement exposée à des risques réels et sérieux pour sa vie ou son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., à Me Oloumi et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.

N° 23MA01793 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01793
Date de la décision : 14/12/2023

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : OLOUMI - AVOCATS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-14;23ma01793 ?
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