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14/12/2023 | FRANCE | N°23MA01205

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 décembre 2023, 23MA01205


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant au renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2106548 du 23 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.r>




Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant au renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2106548 du 23 novembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, et un mémoire, enregistré le 17 mai 2023, Mme A... B..., représentée par Me Oloumi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les 8 jours suivant la notification de la décision à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente d'une nouvelle décision, un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler dès la notification de la décision à intervenir et pendant toute la durée du réexamen de la situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- en estimant qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la communication du rapport médical établi en application de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au vu duquel se prononce le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors que cette communication aurait permis de vérifier que ce rapport n'est ni erroné, ni incomplet, et qu'elle avait manifesté en première instance sa volonté de lever le secret médical, le tribunal a méconnu son office ;

- en relevant qu'elle n'était pas entrée régulièrement sur le territoire et qu'elle ne démontrait pas être en mesure de prendre en charge les soins réalisés en France, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en y ajoutant des conditions qui n'y figurent pas ; au demeurant, les ressortissants péruviens n'ont pas besoin de visa pour entrer sur le territoire depuis un accord conclu entre le Pérou et la France le 14 mars 2016 ;

- l'arrêté litigieux est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors qu'il relève qu'elle ne réside pas en France et qu'elle y résiderait sous couvert de faux documents ;

- en relevant que l'exceptionnelle gravité de son état de santé n'était pas démontrée, le préfet a commis une erreur d'appréciation ;

- elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié aux pathologies dont elle souffre au Pérou, alors en outre que les personnes transgenres y font l'objet de discrimination ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité péruvienne, demande l'annulation du jugement du 23 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement et les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) " Selon l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, selon l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié d'un titre de séjour valable du 27 février 2020 au 26 février 2021, dont la demande de renouvellement a fait l'objet de l'arrêté litigieux. Il ressort par ailleurs de cet arrêté que, selon l'avis rendu le 10 septembre 2021 par le collège de médecins de l'OFII, l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme B... est dès lors fondée à soutenir qu'en rejetant cette demande par l'arrêté litigieux aux motifs, d'un part, qu'elle ne justifierait pas résider habituellement en France et, d'autre part, qu'elle ne démontrerait pas l'exceptionnelle gravité de sa pathologie, le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur des faits matériellement inexacts. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier aurait pris légalement la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ces motifs.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 23 novembre 2022 ainsi que de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 7 décembre 2021 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes réexamine sa situation. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer dans l'attente à Mme B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Sur les frais d'instance :

6. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Oloumi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

D É C I D E

Article 1er : Le jugement n° 2106548 du 23 novembre 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 7 décembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 4 : L'Etat versera à Me Oloumi une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Oloumi.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au Procureur près le tribunal judiciaire de Nice

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2023.

2

N° 23MA01205

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01205
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : OLOUMI - AVOCATS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-14;23ma01205 ?
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