Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme et M. B... et Ulrich A... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 18 novembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cannes a approuvé la révision générale de son plan local d'urbanisme, ensemble la décision du maire rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2003480 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération litigieuse seulement en tant que le règlement autorise en zone U sans restriction les constructions ayant comme sous-destination la restauration, l'hébergement touristique et hôtelier et les équipements d'intérêt collectif et de service public.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2022 et 24 mai 2023, Mme et M. A..., représentés par la SELARL Adden Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2022 ;
2°) d'annuler la délibération du 18 novembre 2019 dans sa totalité, ensemble la décision rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le commissaire-enquêteur n'a pas analysé les observations du public conformément à l'article R. 123-19 du code de l'environnement ;
- le règlement interdit toute construction nouvelle, et de facto toute extension, la plupart des constructions étant déjà non-conforme aux nouvelles règles d'urbanisme ; ces interdictions ne sont pas justifiées par le parti d'urbanisme retenu par la commune dès lors que le projet d'aménagement et de développement durables précise, s'agissant des espaces collinaires, une orientation de gradation de la densité de l'urbanisation et non de sanctuarisation ; elles sont en tout état de cause disproportionnées au vu des buts poursuivis, eu égard à la vocation d'une zone urbaine ;
- ces interdictions sont en outre incompatibles avec les objectifs de la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes qui prévoit seulement la préservation des versants urbanisés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 avril et 16 juin 2023, la commune de Cannes, représentée par la SELARL Soler-Couteaux et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme et M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Gaudon, représentant Mme et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. A... sont propriétaires d'un tènement foncier d'environ 5 000 m², cadastré section DK N° 654, 918, 919 et 49, avenues Ziem et Monticelli au sein du quartier de " La Californie " à Cannes. Ils relèvent appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Nice le 14 juin 2022, ayant annulé la délibération du conseil municipal du 18 novembre 2019, approuvant la révision générale du plan local d'urbanisme communal, seulement en tant que le règlement autorisait en zone U sans restriction les constructions ayant comme sous-destination la restauration, l'hébergement touristique et hôtelier et les équipements d'intérêt collectif et de service public.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour examiner la légalité des règles de constructibilité restrictives mises en place dans la zone UFc, particulièrement critiquées par les demandeurs, le tribunal a pris soin de relever, au point 23 du jugement attaqué, que le règlement n'avait pas pour effet d'interdire toute construction nouvelle dès lors que la construction d'extensions et d'annexes demeurait possible. Il a ce faisant implicitement écarté les arguments selon lesquels la non-conformité des constructions actuelles aux nouvelles dispositions et la multiplicité des prescriptions, listées, empêcheraient de facto la construction de telles extensions et annexes. Il n'en résulte pas, alors qu'il avait préalablement relevé que l'interdiction de toute construction nouvelle à destination d'habitation était justifiée en en détaillant les motifs et qu'il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, qu'il aurait entaché son jugement d'insuffisance de motivation. Le moyen tiré de l'irrégularité de la décision de première instance doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / (...) ".
4. Il ressort du rapport du commissaire-enquêteur qu'il a analysé les observations produites pour Mme et M. A.... Il a ainsi procédé à l'examen prescrit par ces dispositions qui, comme le relèvent les requérants, ne lui imposent pas de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique. La circonstance qu'il se serait mépris sur la teneur et la portée des observations des intéressés, en considérant qu'elles n'avaient trait qu'au litige qui les opposait à la commune quant à leurs demandes de permis de démolir et de construire, est à cet égard sans incidence. Dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il a par ailleurs livré ses conclusions motivées, lesquelles répondent d'ailleurs de façon globale aux observations émanant des propriétaires de parcelles situées en zones collinaires opposées au principe de réduction de constructibilité, le moyen tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit ainsi être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 172-1 du code de l'urbanisme : " Les directives territoriales d'aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 restent en vigueur. / Elles sont soumises aux dispositions des articles L. 172-2 à L. 172-5. ". Aux termes de l'article L. 172-2 du même code dans sa version applicable : " Les directives territoriales d'aménagement conservent les effets suivants : / 1° Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les directives territoriales d'aménagement ou, en l'absence de ces documents, avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre. Il en va de même, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, pour les plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu et les cartes communales ; / (...) ".
6. Dès lors que la commune de Cannes n'était pas couverte par un schéma de cohérence territoriale à la date de l'adoption de la délibération litigieuse, le plan local d'urbanisme est soumis à une obligation de compatibilité avec la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes approuvée par décret du 2 décembre 2003. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions de la directive, si le plan local d'urbanisme ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par la directive, compte tenu de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque orientation ou objectif.
7. En l'espèce, la directive territoriale d'aménagement identifie, notamment au sein de la commune de Canne, des espaces proches du rivage qualifiés d'espaces " urbanisés sensibles ". Elle distingue, entre autres, " certaines urbanisations diffuses à forte valeur paysagère telles que celles des caps, des grands versants dominant la mer, de certaines crètes ou collines où ce type d'urbanisation a généré des paysages spécifiques, riches par leur couvert végétal et où le construit, de valeur architecturale très inégale reste secondaire ". Le secteur UFc au plan local d'urbanisme, dont les requérants critiquent le règlement, correspond à une zone collinaire d'urbanisation diffuse, située en partie haute de massif, à plus de 60 mètres du nivellement général de la France, identifiée comme un espace urbanisé sensible par la directive. Cette dernière précise, pour ces zones, que " l'image et l'équilibre actuels de ces espaces doivent être préservés. Les opérations d'urbanisme devront respecter les morphologies, l'organisation parcellaire, le végétal et plus généralement les règles qui caractérisent ces espaces " et que cela implique " la prédominance du végétal sur le minéral afin de préserver l'image et la perception à l'échelle du paysage lointain. Les grands terrassements, les constructions de masse importante et d'une façon générale tous éléments susceptibles d'entraîner une mutation irréversible du paysage sont à exclure ".
8. Le règlement en litige précise, s'agissant de la zone UFc, hors le traitement réservé aux constructions de restaurants, hébergements touristiques et hôteliers et équipements d'intérêt collectif et service public qui a fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif non discutée par les parties dans la présente instance, que " seules l'extension et les annexes des constructions existantes et légalement autorisées à destination d'habitation sont autorisées dès lors que celles-ci n'excèdent pas un maximum de 40m² d'emprise au sol en une seule fois à la date d'approbation du plan local d'urbanisme. / (...) / Les constructions issues de la mise en œuvre d'une servitude de mixité sociale, les changements de destination autorisés dans la zone ainsi que les démolitions - reconstructions qui permettent une augmentation du pourcentage d'espaces verts sont également autorisés ". Ces dispositions se cumulent notamment avec une limitation renforcée de la hauteur des bâtiments et une augmentation du recul minimal des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et aux limites séparatives de propriété, ainsi qu'avec le principe selon lequel ne peuvent être autorisés sur des bâtiments existants ne respectant pas les dispositions du règlement que des travaux qui ont pour effet de les y rendre plus conformes ou qui sont sans effet à leur égard. Si elles n'ont pas pour effet de rendre la zone inconstructible ainsi que le soutiennent les requérants, elles restreignent néanmoins très fortement les possibilités de construction.
9. Toutefois, cette restriction ne vient nullement contrarier les objectifs et les orientations fixés par la directive territoriale d'aménagement mentionnés ci-dessus, puisqu'elle permet au contraire de garantir la préservation de l'image et de l'équilibre actuel des espaces, et particulièrement la prédominance du végétal et la perception à l'échelle du paysage lointain. Le moyen tenant à l'absence de compatibilité du règlement à cette directive doit dès lors être écarté.
10. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme relatif à l'affectation des sols dans les plans locaux d'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ".
11. Il appartient à l'autorité locale de définir les partis d'urbanisme que traduit le plan local d'urbanisme dans le respect des dispositions du code de l'urbanisme. Dès lors, la légalité des prescriptions d'un plan local d'urbanisme ayant pour effet d'interdire dans une zone U la plupart des constructions nouvelles s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables.
12. En l'espèce, l'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables vise à " protéger et mettre en valeur les espaces paysager et environnementaux emblématiques de Cannes " et son orientation n° 2 à " utiliser la loi littoral comme outil de protection et de valorisation au service de la vision municipale ". A ces titres sont visés la protection du caractère remarquable des lieux emblématiques de la ville et leur sanctuarisation, notamment les " hauteurs de la Californie " en leur partie sommitale, et la gradation de la densité de l'urbanisation sur les collines et dans les " espaces urbanisés sensibles ", notamment les " coteaux de la Californie ". Plus généralement les auteurs du plan local d'urbanisme entendent modérer la consommation d'espaces et préserver les quartiers résidentiels et patrimoniaux d'une pression immobilière excessive, afin d'éviter la remise en cause du cadre de vie et l'identité de la ville. Sont ainsi exclus, eu égard à la faiblesse des capacités d'accueil résiduel, les processus de densification des espaces collinaires et des espaces les plus proches du rivage.
13. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la zone UF, qui correspond aux espaces collinaires à dominante résidentielle, fait bien l'objet dans le règlement d'une protection graduelle, simple, modérée ou renforcée, selon qu'il s'agit des parties basses, des flans ou des parties hautes des massifs. Eu égard au parti d'urbanisme ainsi retenu, les très fortes restrictions mentionnées au point 8 ci-dessus, apportées aux possibilités de construction en partie haute, qui correspond à la zone UFc, et notamment l'interdiction des constructions d'habitations nouvelles, pouvaient être légalement adoptées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit à leur demande de première instance.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Cannes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme et M. A... une somme globale de 2 000 euros à verser à la commune de Cannes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme et M. A... est rejetée.
Article 2 : Mme et M. A... verseront une somme globale de 2 000 euros à la commune de Cannes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. B... et Ulrich A... et à la commune de Cannes.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
-M. Portail, président,
-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
-Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.
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N°22MA02151
nb