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13/12/2023 | FRANCE | N°23PA01728

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 13 décembre 2023, 23PA01728


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2209003 du 8 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté

sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2209003 du 8 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023, M. A..., représenté par Me Bisalu, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 31 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie ou au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 et du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit.

La requête a été communiquée au préfet de la Savoie, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 28 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12 heures.

Des pièces, produites pour M. A..., ont été enregistrées le 27 novembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle d'identité de M. A..., ressortissant camerounais, né en 1972, survenu à Modane (Savoie) le 30 mai 2022, le préfet de la Savoie a pris, le 31 mai 2022, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement du 8 mars 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / (...) ".

3. La décision attaquée, qui vise les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A... " s'est vu refuser la délivrance (...) d'un titre de séjour par [une] décision du préfet du Val-d'Oise [en date] du 17 juin 2020 notifiée le 18 juin 2020 " et que cette décision a été confirmée par le même préfet le 18 août 2020 à la suite d'un recours gracieux dirigé contre la décision du 17 juin 2020. Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne peut être reproché au préfet de la Savoie de pas avoir relevé que M. A... avait conclu le 1er juin 2021 un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française et qu'il est bénévole au sein de l'association " Aide à domicile à la famille " en qualité d'assistant aux personnes âgées et handicapées, dès lors que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a refusé d'être auditionné sur sa situation par les services de police aux frontières durant sa retenue administrative, alors que son état de santé avait été jugé compatible avec sa retenue par deux certificats médicaux établis le 30 mai 2022, et que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, qu'il aurait communiqué ces informations au préfet de la Savoie, par une autre voie, avant l'intervention de la décision attaquée. Le requérant n'est pas non plus fondé à soutenir que le préfet de la Savoie n'aurait pas pris en compte le fait qu'il est le père d'enfants à charge, alors que la décision attaquée en fait précisément état. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. A... doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne [peut] faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans / (...) ".

6. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... a reconnu, le 19 octobre 2019, être le père d'une fille prénommée C..., née en France le 28 mai 2015, il ne justifie pas, contrairement à ce qu'il soutient, que cette enfant est de nationalité française malgré une mesure d'instruction tendant à ce que l'intéressé communique à la Cour une copie du passeport français de l'enfant, alors que cette pièce, absente au dossier, est mentionnée dans l'inventaire détaillé des pièces annexées à la requête d'appel. Par ailleurs, et en tout état de cause, le requérant ne justifie pas plus en appel qu'en première instance qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. M. A... fait valoir qu'il est le père d'un garçon, né le 20 mars 2012 en Espagne, que celui-ci réside en France, et que, par un jugement du 14 janvier 2022, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes lui a accordé le droit de visiter et d'héberger cet enfant et a fixé une contribution mensuelle de 50 euros pour son entretien et son éducation. Toutefois, en se bornant à produire, en appel comme en première instance, des certificats de scolarité de son enfant entre 2015 et 2022 et deux certificats médicaux attestant qu'il a accompagné son fils à des rendez-vous médicaux les 2 octobre 2017 et 31 janvier 2018, le requérant ne peut être regardé comme apportant des éléments suffisants de nature à démontrer le caractère effectif de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de son fils depuis 2018. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille qu'il a reconnue en 2019. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant a conclu le 1er juin 2021 un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, leur communauté de vie n'a, en tout état de cause, qu'une durée d'un an à la date de la décision attaquée. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans et où, selon ses propres déclarations faites au juge des affaires familiales, réside son autre fille âgée de 12 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, ni n'a porté une atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

10. Indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

11. Si M. A... soutient qu'à la date de la décision attaquée, il était en situation de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

12. En sixième lieu, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8.

13. En dernier lieu, le moyen tiré d'une erreur de droit n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01728
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;23pa01728 ?
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