Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 août 2022, par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un certificat de séjour mention "vie privée et familiale" sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
Par un jugement n° 2202858 du 30 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 et 25 février 2023, M. B..., représenté par Me Homehr, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2022, par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est dépourvu de base légale ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2023, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen soulevé par le requérant n'est fondé, et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été constatée par décision du 4 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né en 1964, déclarant être entré en France en 1990, a demandé, le 23 décembre 2020, la délivrance d'un certificat de résidence mention "vie privée familiale" sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. M. B... fait appel du jugement n° 2202858 du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2022, de la préfète de la Somme refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
3. Au point 3 du jugement attaqué, les premiers juges ont énoncé que les stipulations citées au point précédent du présent arrêt " ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Dès lors, le tribunal a écarté le moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée. Le moyen d'irrégularité tiré du défaut de réponse à ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :
4. Aucune disposition de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée doit être écarté.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 14 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné M. B... à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, pour complicité de faux dans un document administratif commis de manière habituelle, complicité de faux, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, détention frauduleuse de plusieurs documents administratifs et aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la convention de Schengen. Tout d'abord, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort du jugement du tribunal judiciaire de Paris que l'intéressé n'a pas été condamné en raison de la production ou de la détention de documents administratifs pour son propre usage, aux fins notamment de faciliter ses démarches d'insertion professionnelle, mais pour sa participation à un trafic de faux documents vendus à des tiers de janvier à octobre 2018. En outre, si M. B... soutient que la menace pour l'ordre public n'est pas établie dès lors qu'elle est invoquée sur la seule base des faits, isolés, à l'origine de cette condamnation du 14 mai 2021 et que l'intéressé est présent en France depuis 1990, il ressort de la décision attaquée, l'intéressant ne produisant aucun élément devant le juge de nature à remettre en cause cette appréciation, que le séjour sur le territoire français de M. B... n'est établi qu'à partir de l'année 2008. Enfin, la circonstance qu'il ait été sursis totalement à l'exécution de la peine ne saurait suffire à caractériser l'absence de menace à l'ordre public. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité des faits qui ont donné lieu à la condamnation de M. B..., à leur caractère récent et en l'absence de toute autre élément caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, témoignant notamment de l'insertion de l'intéressé dans la société française, susceptible de modifier l'appréciation portée sur le comportement du requérant, la préfète de la Somme était fondée, compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente la présence de l'intéressé sur le territoire français, à rejeter la demande de M. B... fondée sur les stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, alors même que les conditions de durée de séjour en France prévues par celles-ci étaient satisfaites. Ce moyen sera par suite écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. B... soutient séjourner en France depuis 1990, cette présence, en situation irrégulière, n'est établie, ainsi qu'il a été énoncé au point 5, que depuis 2008. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et sans enfant et n'établit pas exercer une activité professionnelle régulière, les seuls éléments produits à cet égard devant l'administration étant les bulletins de salaire au titre de son travail en 2019 durant sa détention provisoire. De surcroît, il ressort de l'avis de la commission du titre de séjour du 27 juin 2022 que M. B..., en dépit de sa présence alléguée en France depuis 1990, a une faible maîtrise de la langue française, ce dont témoigne la nécessité d'un interprète en langue arabe durant l'audience publique du tribunal judiciaire de Paris du 14 mai 2021. Enfin, si M. B... se prévaut d'attaches familiales et amicales en France, il ne les établit pas et a vécu, selon ses allégations, jusqu'à l'âge de 25 ans en Algérie où résidait de plus sa mère, dont le décès est intervenu postérieurement à la date de la décision attaquée et est donc sans incidence sur sa légalité. Par suite, compte tenu de ce que le comportement de M. B... doit être regardé comme une menace pour l'ordre public, ainsi qu'il a été énoncé au point 5, le préfet n'a pas, par la décision attaquée, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 11 août 2022 par laquelle la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour doit être écarté.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 11 août 2022 par laquelle la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. B... à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
14. Aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Homehr.
Copie en sera adressée au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Thierry Sorin, président de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.
Le rapporteur,
M. BaronnetLe président de chambre,
T. Sorin
La greffière,
A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
N°23DA00210 2