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13/12/2023 | FRANCE | N°22LY02431

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 13 décembre 2023, 22LY02431


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2201878 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la co

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Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Lawson-Body, avocat, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201878 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Lawson-Body, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 15 novembre 2021 ;

3°) à titre subsidiaire, de constater que cet arrêté a été abrogé par la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour le 17 novembre 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où son conseil renoncerait à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que sa requête était tardive, le retour du pli par lequel l'administration a tenté de procédé à la notification de l'arrêté attaqué résultant d'une erreur des services postaux ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- il n'est pas justifié de ce que le signataire de l'arrêté attaqué avait reçu délégation à cette fin ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- faute de notification régulière de l'arrêté attaqué, le principe du contradictoire prévu par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la délivrance le 17 novembre 2021 d'un nouveau récépissé implique l'abrogation de l'arrêté attaqué ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale du fait de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de la Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en 1977, marié avec une Française le 19 juin 2020, a sollicité le 9 décembre suivant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 15 novembre 2021, la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un tel titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 27 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. ". Aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".

3. Le pli recommandé par lequel la préfète de la Loire a tenté de notifier l'arrêté attaqué au requérant a été retourné à l'expéditeur le 22 novembre 2021, avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Toutefois, il ressort des pièces produites par M. A..., pour certaines pour la première fois devant la cour, que celui-ci a reçu à cette adresse des courriers d'expéditeurs divers, tant avant qu'après la date de présentation du pli litigieux et que c'est notamment à cette adresse que le requérant a accusé réception du jugement attaqué. C'est donc du fait d'une erreur des services postaux que le pli contenant l'arrêté contesté devant le tribunal n'est pas parvenu à l'intéressé. M. A... doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'existence de cet arrêté à la date du 11 février 2022, date à laquelle il lui en a été communiqué une copie par l'agent du guichet de la préfecture. Dès lors, il est fondé à soutenir que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2022, n'était pas tardive et que le jugement attaqué doit en conséquence être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

6. Pour refuser la délivrance d'une carte de séjour à M. A..., qui a épousé à La Ricamarie une ressortissante française le 19 septembre 2020, la préfète de la Loire s'est fondée sur la circonstance qu'il avait été condamné le 8 septembre 2017 à 300 euros d'amende pour des faits de vol simple commis le 16 novembre 2016. En estimant, au regard de cette infraction isolée et ancienne de quatre ans, que la présence de l'intéressé en France constituait une menace pour l'ordre public, la préfète de la Loire a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées ci-dessus. Par ailleurs, le requérant est fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... est dès lors fondé à soutenir que l'arrêté attaqué doit être annulé.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard à son motif, et en l'absence de contestation par l'administration de la communauté de vie entre M. A... et son épouse française, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Loire délivre au requérant une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. A... n'ayant pas été admis à l'aide juridictionnelle, son conseil ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement au requérant lui-même de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201878 du tribunal administratif de Lyon du 27 juin 2022 et l'arrêté de la préfète de la Loire du 15 novembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02431
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LAWSON- BODY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;22ly02431 ?
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