La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2023 | FRANCE | N°21DA02267

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 13 décembre 2023, 21DA02267


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Martin Boulanger a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le syndicat mixte des transports du Douaisis (SMTD) à lui verser la somme totale de 106 130 euros en réparation de la perte de marge nette de son établissement situé au 15, rue Henri Barbusse à Aniche (Nord), résultant des travaux d'extension de la ligne A du transport en commun en site propre (TCSP) du Douaisis.



Par un jugement n° 180

2485 du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le SMTD à lui verser la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Martin Boulanger a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le syndicat mixte des transports du Douaisis (SMTD) à lui verser la somme totale de 106 130 euros en réparation de la perte de marge nette de son établissement situé au 15, rue Henri Barbusse à Aniche (Nord), résultant des travaux d'extension de la ligne A du transport en commun en site propre (TCSP) du Douaisis.

Par un jugement n° 1802485 du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le SMTD à lui verser la somme de 21 457,44 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2021, la SARL Martin Boulanger, représentée par Me Frank Dubois, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner le syndicat mixte des transports du Douaisis (SMTD) à lui verser la somme totale de 106 130 euros en réparation de la perte de marge nette de son établissement situé au 15, rue Henri Barbusse à Aniche (Nord), résultant des travaux d'extension de la ligne A du transport en commun en site propre (TCSP) du Douaisis, sur la période de septembre 2014 à décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge du SMTD le versement des sommes de 2 664 euros et de 3 180 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour se faire assister dans le cadre de l'expertise ;

4°) et de mettre à la charge du SMTD le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute du SMTD est engagée pour la totalité de la période de réalisation des travaux d'extension de la ligne A du TCSP, soit de septembre 2014 à décembre 2016, dont une partie a été admise par le SMTD ;

- la perte de marge nette, évaluée par l'expert, représente un montant total de 106 130 euros ;

- elle justifie de ses frais d'assistance dans le cadre de l'expertise, par son avocat pour un montant de 2 664 euros, et par son expert-comptable pour un montant de 3 180 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2022, le syndicat mixte des transports du Douaisis (SMTD) demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 21 457,44 euros à la SARL Martin Boulanger ;

3°) d'inverser la charge des frais d'expertise ;

4°) et de mettre à la charge de la SARL Martin Boulanger le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le lien de causalité entre les travaux publics et les dommages allégués n'est pas établi ;

- le préjudice ne présente pas un caractère grave et spécial ;

- l'existence d'une proposition d'indemnisation amiable est sans incidence sur l'appréciation de la responsabilité du SMTD par le juge ;

- en tout état de cause, le SMTD est responsable des seuls travaux réalisés sous sa maîtrise d'ouvrage, soit du 1er juin 2015 au 18 septembre 2015, et la SARL Martin Boulanger n'a été concernée que par la seconde phase du 3 août 2015 au 18 septembre 2015 ;

- si l'existence d'une perte de marge nette est admise, il convient de prendre en compte l'absence de comparaison avec le secteur d'activité, le rachat d'un établissement concurrent par un nouveau propriétaire, l'ouverture par la SARL Martin Boulanger d'un second établissement à Douai et la hausse du chiffre d'affaires global de la SARL entre 2014 et 2016 qui vient compenser la baisse constante du chiffre d'affaires de l'établissement situé à Aniche depuis 2010.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Eloïse Lienard, représentant le syndicat mixte des transports du Douaisis.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Martin Boulanger exploite une pâtisserie située au 15, rue Henri Barbusse à Aniche (Nord). A la suite de travaux publics d'extension de la ligne A du transport en commun en site propre (TCSP) du Douaisis, s'étant déroulés entre septembre 2014 et avril 2016, la SARL Martin Boulanger a déposé un dossier auprès de la commission d'indemnisation amiable du syndicat mixte des transports du Douaisis (SMTD) afin d'être indemnisée des dommages qu'elle impute à ces travaux, se prévalant d'une baisse de son chiffre d'affaires. Une proposition d'indemnisation à hauteur de 6 040 euros pour la période du 3 août 2015 au 18 septembre 2015 lui a été faite par lettre du 6 novembre 2015 par le SMTD. Par lettre du 4 janvier 2016, la SARL Martin Boulanger a contesté l'évaluation de son préjudice ainsi faite par la commission d'indemnisation amiable du SMTD en se prévalant d'un montant de chiffre d'affaires perdu à hauteur de 60 000 euros. Cette demande a été refusée par le SMTD par lettre du 3 mars 2016. Par ordonnance du 4 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a désigné un expert à fin notamment de déterminer le montant du chiffre d'affaires dont aurait été privée la société Martin Boulanger du fait des travaux publics en cause. L'expert a rendu son rapport le 25 septembre 2017, évaluant à 106 130 euros la perte de marge nette sur la période de septembre 2014 à décembre 2016, estimant que les travaux avaient eu des conséquences sur le chiffre d'affaires de la SARL Martin Boulanger après leur date de fin. La nouvelle demande d'indemnisation du 17 janvier 2018 de la SARL Martin Boulanger est restée sans réponse. La SARL Martin Boulanger relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a, notamment, condamné le SMTD à lui verser la somme de 21 457, 44 euros à titre indemnitaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique. Il appartient au juge, lorsque les aménagements en cause n'ont pas eu pour effet d'interdire tout accès à la voie publique, de rechercher s'ils n'ont pas eu pour effet de rendre cet accès excessivement difficile et s'il n'en résulte pas, dans les circonstances de l'espèce, un préjudice grave et spécial.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, d'une part, que les travaux sur le lot n° 1 du 5 mai 2014 au 19 septembre 2014 n'ont pas concerné la rue Henri Barbusse à Aniche où est situé l'établissement de la société requérante, à l'exception d'une intervention ponctuelle sur le trottoir au carrefour des rues Henri Barbusse et Adolphe Patoux et de la place Jean Jaurès, qui n'a pas eu d'incidence sur les conditions de circulation.

4. D'autre part, les travaux sur le lot n° 2 sur les tronçons L5 et L6 de la rue Henri Barbusse à Aniche où est situé l'établissement de la société requérante ont duré du 1er juin 2015 au 11 avril 2016, mais le passage des piétons a été maintenu pendant toute la durée des travaux, le cas échéant au moyen de passerelles, et la circulation en sens unique y a été préservée, à l'exception de deux périodes de fermeture aux véhicules, du 30 septembre 2015 au 11 décembre 2015, et du 11 janvier 2016 au 11 avril 2016.

5. Pour la période de fermeture à la circulation du 30 septembre 2015 au 11 décembre 2015, les éléments comptables ne permettent pas d'établir que l'établissement d'Aniche de la SARL Martin Boulanger aurait subi, au-delà des aléas normaux du commerce, un préjudice grave, alors que son chiffre d'affaires connaissait une baisse tendancielle depuis l'exercice 2011, soit depuis plusieurs années avant tout commencement des travaux, et qu'il n'est pas contesté qu'un établissement concurrent situé à proximité au 25 rue Patoux a été repris par de nouveaux propriétaires en 2013. La circulation a notamment été rouverte pour la période de fêtes de fin d'année, où le chiffre d'affaires est le plus élevé. Les gênes subies par la société requérante dans l'exploitation de son commerce n'ont ainsi pas excédé les sujétions normales qui peuvent être imposées, sans indemnité, aux riverains de la voie publique dans l'intérêt général. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Martin Boulanger aurait subi, au-delà des aléas normaux du commerce, un préjudice grave.

6. Cependant, il en va autrement pour la période du 11 janvier 2016 au 11 avril 2016. Une instabilité du sous-sol a entraîné une suspension du chantier en novembre 2015, et les travaux ont dû être prolongés au-delà du mois de décembre 2015 et ont repris en janvier 2016. Une nouvelle période de fermeture complète de la circulation routière, d'une durée de trois mois, plus longue que la première, doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant entraîné pour la SARL Martin Boulanger un préjudice grave et spécial, excédant cette fois les sujétions normales qui peuvent être imposées, sans indemnité, aux riverains de la voie publique dans l'intérêt général. Par suite, la SARL Martin Boulanger est fondée à demander l'indemnisation de sa perte de marge nette, calculée à partir du tableau de synthèse de l'expert, pour la période du 11 janvier 2016 au 11 avril 2016, qui représente une somme de 9 741,60 euros (2 362x21/31+3 315+2 221+7 106x11/30).

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité au titre de l'indemnisation du préjudice résultant des travaux d'extension de la ligne A du TCSP que les premiers juges ont condamné le SMTD à verser à la SARL Martin Boulanger doit être ramenée de 21 457,44 euros à 9 741,60 euros. Le surplus des conclusions des parties relatives au montant de cette indemnité doit être rejeté.

Sur les conclusions relatives aux frais liés du litige :

8. En premier lieu, par une ordonnance du 26 septembre 2017, le président du tribunal administratif de Lille, dans l'instance de référé n° 1605710, a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de onze mille quatre-cent-quatre-vingt-quatorze euros et quatre-vingts centimes (11 494,80) TTC. Il y a lieu de partager la charge de ces dépens entre les parties, et par suite, de mettre à la charge de chacune la somme de 5 747,40 euros.

9. En deuxième lieu, si elle produit comme en première instance des factures, la SARL Martin Boulanger, qui ne produit pas davantage en appel qu'en première instance de justificatifs établissant qu'elle s'est effectivement acquittée des sommes de 2 664 euros et de 3 180 euros au titre des frais exposés pour se faire assister au cours de l'expertise, n'est pas fondée à demander le remboursement de ces sommes sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

10. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMTD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Martin Boulanger demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Martin Boulanger le paiement d'une somme à verser au SMTD au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le Syndicat mixte des transports du Douaisis a été condamné à verser à la SARL Martin Boulanger est ramenée à 9 741,60 euros.

Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de onze mille quatre cent quatre-vingt-quatorze euros et quatre-vingts centimes (11 494, 80) TTC dans l'instance de référé n° 1605710 sont mis à la charge partagée du Syndicat mixte des transports du Douaisis et de la SARL Martin Boulanger, pour un montant de 5 747,40 euros chacun.

Article 3 : Le jugement n° 1802485 du 23 juillet 2021 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Martin Boulanger est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions du Syndicat mixte des transports du Douaisis est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Martin Boulanger, au Syndicat mixte des transports du Douaisis et à M. A... B..., expert.

Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Thierry Sorin, président,

M. Marc Baronnet, président-assesseur,

M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. BaronnetLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : AS. Villette

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°21DA02267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02267
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DETREZ-CAMBRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;21da02267 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award