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12/12/2023 | FRANCE | N°23NT01880

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 12 décembre 2023, 23NT01880


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2211404 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2211404 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ou, à titre encore subsidiaire et dans l'attente, de le munir d'une autorisation de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 423-22, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour .

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, né le 27 avril 2003, entré irrégulièrement en France en mai 2018 selon ses déclarations, qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire-Atlantique jusqu'à sa majorité, a sollicité du préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-22, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 mai 2022, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur le caractère non probant des actes d'état-civil qu'il a produits.

6. Pour justifier de son identité, M. B... a présenté une copie d'extrait d'acte de naissance et une copie intégrale d'acte de naissance. Toutefois, le service de la police des frontières a eu des doutes sérieux sur l'authenticité de ces actes d'état civil, qui ont chacun fait l'objet d'un rapport d'analyse établi le 25 avril 2022. En effet, ce service a noté que l'extrait d'acte de naissance présente des " mentions pré-imprimées en mode toner bas de gamme en lieu et place du mode sécurisé offset " et surtout une grossière dentelure sur la hauteur gauche du document. Il a relevé que la copie intégrale d'acte de naissance comporte dans son en-tête une faute d'orthographe relative à la devise de la République du Mali. Si le requérant produit une attestation du maire de la commune de Karakoro indiquant que l'acte de naissance est présent dans les registres et comporte la même erreur matérielle ou faute d'orthographe dans le mot " peuple ", cette attestation ne conteste pas les autres irrégularités relevées. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement estimer que M. B... n'établissait pas son identité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'intéressé ne justifiait pas de son état civil et en refusant, pour ce motif, de lui délivrer la carte de séjour qu'il a sollicitée sur le fondement de l'article L. 423-22 du même code.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. M. B... soutient que la durée de son séjour en France est supérieure à quatre ans à la date de l'arrêté contesté, qu'il a bénéficié d'une formation validée en CAP en boulangerie et d'une intégration sociale et scolaire et d'une insertion professionnelle certaine après la validation de ses diplômes et qu'il n'a plus aucun contact avec son pays d'origine. Toutefois, l'intéressé, dont la présence en France est relativement récente, est célibataire et sans enfant et ne fait état d'aucun lien personnel ou familial en France. Dans ces conditions, et en dépit de l'investissement de M. B... dans sa formation, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission au séjour de l'intéressé ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 435-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1.

10. Enfin, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. B... en France, rappelées au point 9, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations et dispositions doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillevéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Vieville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01880
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nt01880 ?
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