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12/12/2023 | FRANCE | N°23NT00788

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 12 décembre 2023, 23NT00788


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013.



Par un jugement nos 1600880, 1600882, 1600883, 1600884 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour avant cassation :

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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 février 2018, 22 mai 2018, 18 juin 2019 et 16 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement nos 1600880, 1600882, 1600883, 1600884 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 février 2018, 22 mai 2018, 18 juin 2019 et 16 décembre 2019, M. A... B..., représenté par la SCP Bore, Salve de Bruneton et Megret, a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires, enregistrés les 3 septembre 2018, 16 juillet 2019 ce dernier n'ayant pas été communiqué et 18 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Par un arrêt n°18NT00760 du 31 mars 2020, la cour a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. B... au titre des années 2011 à 2013 des montants de 59 732,31 euros pour l'année 2011, de 70 438,90 euros pour l'année 2012 et de 18 086,60 euros pour l'année 2013 et, en conséquence déchargé M. B..., en droits et pénalités, de la différence d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales résultant de ces réductions.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai 2020 et 21 octobre 2020, M. B..., représenté par la SCP Bore, Salve de Bruneton et Megret a demandé à la cour de rectifier pour erreur matérielle le paragraphe 11 des motifs et les articles 1er et 2 du dispositif de l'arrêt n° 18NT00760 du 31 mars 2020.

Il soutient que :

- l'article 2 du dispositif de cet arrêt est entaché d'une erreur de date, la cour ayant mentionné à tort les années 2010 à 2013 alors que le litige portait exclusivement sur les années 2011 à 2013 ;

- la cour a commis une erreur de calcul quant au montant des frais de procédure déductibles de ses bénéfices non commerciaux non professionnels au titre de l'année 2011 dès lors qu'elle a affirmé que ce montant s'élevait à 59 732,31 euros alors que le montant total des factures est de à 59 762, 31 euros ; le paragraphe 11 des motifs ainsi que l'article 1er du dispositif de l'arrêt doivent être rectifiés à cette hauteur ;

- la cour a omis d'intégrer dans le montant des sommes devant réduire ses bases d'imposition au titre de l'année 2012 le montant des dommages et intérêts de 630 000 euros dont elle avait indiqué aux paragraphes 11et 12 de ses motifs qu'il était déductible ; il existe une contradiction manifeste, sur ce point, entre les motifs de l'arrêt et son dispositif ;

- le juge de la rectification d'erreur matérielle n'est pas compétent pour revenir sur l'appréciation juridique portée sur le caractère déductible des dommages et intérêts ; en toute hypothèse, c'est à bon droit que la cour a jugé que ces dommages et intérêts constituaient des charges déductibles des revenus non commerciaux non professionnels de M. B... ;

- rien ne fait obstacle à ce que la cour rectifie le montant des charges déductibles au titre de l'année 2012 à la somme de 700 438,90 euros, étant précisé qu'il ne revendique pas le droit d'imputer sur son revenu global le surplus de déficit né de la déduction des dommages et intérêts.

Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce que la cour procède à la correction des erreurs de plume et de calcul soulevées par M. B... et rejette le surplus de sa requête s'agissant de la prise en compte, dans la détermination de son bénéfice imposable de l'année 2012, de la somme de

630 000 euros.

Il fait valoir que :

- il constate également l'erreur de plume portant sur les années mentionnées à l'article 2 du dispositif de l'arrêt ;

- l'erreur de calcul invoquée est due au montant mentionné dans les écritures de M. B... ; compte tenu du montant des factures détaillées, le montant des frais de procédure s'élève à la somme de 59 762,31 euros au lieu de 59 732,31 euros ;

- la somme de 630 000 euros au versement de laquelle M. B... a été condamné au titre de dommages et intérêts n'a pas le caractère d'une dépense déductible au sens des dispositions des articles 13, 92 et 93 du code général des impôts ainsi qu'il a été soutenu dans ses écritures et arguments exposés dans l'instance n°18NT00760 ; subsidiairement, si la cour fait droit à cette demande, la somme admise en déduction doit être limitée à due concurrence de la quote-part du bénéfice qui a été allouée au titre de l'année 2012, soit 173 105 euros, le déficit résultant de la prise en compte de l'ensemble des sommes en litige ne pouvant s'imputer que sur des revenus catégoriels de même nature.

Par un arrêt n°20NT01548, du 8 janvier 2021, la cour a rectifié le point 11 de l'arrêt 18NT00760 ainsi que les articles 1er et 2 de l'arrêt du 31 mars 2020 et a rejeté le surplus du recours.

Par une décision n°450394 du 14 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les articles 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes n° 20NT01548 du 8 janvier 2021 et a remplacé les dispositions de l'article 1er de l'arrêt n° 18NT00760 du 31 mars 2020 de la cour par les dispositions suivantes : " Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels et aux contributions sociales de M. B... au titre des années 2011 à 2013 sont réduites des montants de 59 762,31 euros pour l'année 2011, 700 438,90 euros pour l'année 2012 et 18 086,60 euros pour l'année 2013. ".

Par une décision n° 464167 du 22 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les articles 1ers à 4 de l'arrêt rectifié de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 mars 2020, en tant qu'il porte sur les dommages-intérêts en litige et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour qui porte désormais le n° 23NT00788.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 22 mai 2023, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour rejette la requête de M. B....

Le ministre soutient que les dommages-intérêts versés par M. B... à ses associés à raison de son maintien au sein de la SCP ne présentent n'ont pas le caractère de sommes déductibles de ses revenus et s'en remet à ses précédentes écritures produites devant la cour dans l'instance n° 18NT00760 et aux moyens et aux conclusions articulées dans son pourvoi et son mémoire en réplique enregistrés devant le Conseil d'Etat sous le pourvoi n° 464167.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a exercé la profession de notaire au sein d'une société civile professionnelle (SCP) jusqu'au 1er février 1997 et a fait valoir ses droits à la retraite le 16 septembre 2003, a refusé de se retirer de cette SCP. Par un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 18 décembre 2012, devenu définitif après le rejet par la Cour de cassation, le 2 juillet 2014, des pourvois formés contre lui, les associés de M. B... ont été condamnés solidairement à lui verser la quote-part des bénéfices réalisés par la SCP correspondant à ses parts dans la société, tandis que M. B... a été condamné à les indemniser à hauteur de 630 000 euros en réparation des préjudices causés par son maintien abusif au sein de la société. A la suite d'un examen de sa situation fiscale, les quotes-parts de bénéfices perçues par M. B... au titre des années 2011, 2012 et 2013 ont été assujetties à l'impôt sur le revenu entre ses mains en application de l'article 8 ter du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ainsi qu'aux contributions sociales, sans que l'intéressé ait pu déduire les frais d'avocat, d'actes et de procédure ainsi que les dommages-intérêts versés à ses associés, que l'administration fiscale a estimé non rattachables à l'exercice normal de la profession de notaire. Par un jugement du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. B... tendant à la décharge des impositions en litige. Par un arrêt du 31 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a réduit les bases d'imposition de M. B.... Par un arrêt du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rectifié le point 11 de l'arrêt du 31 mars 2020 ainsi que ses articles 1er et 2. Par une décision n° 450394 du 14 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé les articles 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 8 janvier 2021 et remplacé les dispositions de l'article 1er de l'arrêt du 31 mars 2020. Par une décision n° 464167 du 22 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les articles 1ers à 4 de l'arrêt rectifié de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 mars 2020, en tant qu'il porte sur les dommages-intérêts en litige et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) ". Aux termes de l'article 8 ter du même code : " Les associés des sociétés civiles professionnelles constituées pour l'exercice en commun de la profession de leurs membres et fonctionnant conformément aux dispositions de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 modifiée sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux qui leur est attribuée (...) ". Aux termes du I de l'article 151 nonies du même code : " Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés (...) comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ". En application du II de l'article 238 bis K du même code, la quote-part du résultat d'une société relevant des articles précités qui revient à des personnes physiques est en principe déterminée et imposée en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société.

3. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 13 du code général des impôts : " Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ". Aux termes du 1 de l'article 92 du même code : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants (...) ".

4. Les dépenses mentionnées à l'article 13 du code général des impôts s'entendent uniquement, sous réserve des dépenses reconnues déductibles du revenu global par l'article 156 du même code, de celles qui ont été nécessaires pour acquérir ou conserver les produits bruts retenus pour le calcul du revenu de la catégorie envisagée. Ainsi doivent être regardés comme tels les frais engagés pour acquérir ou conserver des éléments d'actif qui sont affectés aux entreprises ou aux professions exercées par le contribuable. En revanche, et sauf disposition contraire expresse, les frais engagés pour maintenir ou accroître le patrimoine privé du contribuable ne sont pas déductibles, alors même que des revenus sont ou pourront être retirés de certains éléments de ce patrimoine. Ainsi, les dépenses engagées par l'associé d'une société civile professionnelle à raison des diligences qu'il déploie pour conserver ses parts dans la société alors qu'il n'exerce plus l'activité professionnelle, au sens des dispositions de l'article 151 nonies du code général des impôts, au titre de laquelle il les détient, ne sont pas déductibles des revenus qu'il tire de sa quote-part dans les résultats de la société.

5. Il résulte de l'instruction que M. B... a cessé d'exercer son activité de notaire en 2003. La quote-part de bénéfice qui lui a été attribuée au titre de l'année 2012 tout comme l'indemnité au paiement de laquelle il a été condamné au titre de cette même année en réparation du dommage causé à ses anciens associés en raison de son maintien dans l'association ne se rattachaient donc à aucune activité professionnelle exercée par l'intéressé. Ainsi, les dommages-intérêts versés par M. B... à ses anciens associés pour un montant de 630 000 euros sont des dépenses exposées à raison des diligences qu'il a déployées pour conserver ses parts dans la société alors qu'il n'exerçait plus dans la SCP d'activité professionnelle au sens des dispositions du I de l'article 151 nonies du code général des impôts rappelées au point 2. Dans ces conditions, les dommages-intérêts que M. B... a dû verser à ses associés sont des frais engagés pour la conservation d'un élément de son patrimoine privé et ne sont pas déductibles des revenus qu'il a tirés de sa quote-part dans les résultats de la SCP B..., Couzigou, Le Cagnec au titre de l'année 2012.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2012 résultant de la prise en compte des dommages intérêts mis à sa charge en réparation des préjudices causés par son maintien abusif au sein de la SCP B..., Couzigou, Le Cagnec.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation du jugement n0S1600880,1600882,1600883,1600884 du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Rennes, en tant que ce jugement a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge résultant du refus de déduire de son revenu imposable de l'année 2012, les dommages intérêts mis à sa charge.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0078802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00788
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP BORE SALVE DE BRUNETON MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nt00788 ?
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