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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC02865

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC02865


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. D... A... et Mme B... A..., née C..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuel reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement nos 2300600, 2300601 du 15 juin 2023, le tribun

al administratif de de Besançon a rejeté leur demande respective.



Procédures devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... A... et Mme B... A..., née C..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuel reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement nos 2300600, 2300601 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de de Besançon a rejeté leur demande respective.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2023, sous le n° 23NC02865, M. D... A..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300600, 2300601 du tribunal administratif de Besançon du 15 juin 2023 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 14 février 2023 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel, le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours et celle fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2023, sous le n° 23NC02866, Mme B... A..., née C..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300600, 2300601 du tribunal administratif de Besançon du 15 juin 2023 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 14 février 2023 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel, le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours et celle fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC02865 et n° 23NC02866, présentées respectivement pour M. D... A... et pour Mme B... A..., née C..., concernent la situation de membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme A... sont des ressortissants marocains, nés respectivement les 21 décembre 1971 et 10 novembre 1982. Ils ont déclaré être entrés en France, en juillet et en décembre 2020, accompagnés de leurs trois enfants mineurs, nés les 18 septembre 2005, 27 mars 2009 et 18 juillet 2010, sous couvert de cartes de résident " longue-durée UE " délivrées par les autorités italiennes. Le 28 février 2022, ils ont sollicité chacun leur admission exceptionnelle au séjour au titre de la " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par deux arrêtés du 14 février 2023, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à ces demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme A... ont saisi chacun le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 14 février 2023. Ils relèvent appel du jugement nos 2300600, 2300601 du 15 juin 2023, qui rejette leur demande respective.

Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Les requérants se prévalent essentiellement de la scolarisation de leurs enfants et de l'investissement de ceux-ci dans leurs études, de la présence régulière en France, à Pontarlier, des parents et d'un frère de Mme A..., de l'état de santé du père de la requérante, qui est atteint de la maladie d'Alzheimer, et de la qualité de leur intégration, notamment sur le plan professionnel. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'arrivée en France des intéressés en provenance d'Italie, en juillet et en décembre 2020, à l'âge respectivement de quarante-neuf et de trente-sept ans, est récente. M. et Mme A... n'établissent pas, ni même n'allèguent, être isolés dans leur pays d'origine ou, à tout le moins, sur le territoire italien, où ils indiquent avoir vécu une vingtaine d'années, où sont nés et ont grandi leurs trois enfants et où ils ont obtenu chacun la carte de résident " longue durée-UE ". S'il n'est pas contesté que la requérante assiste son père malade au quotidien depuis son arrivée en France, le caractère indispensable de sa présence auprès de celui-ci n'est pas démontré, alors qu'il résulte de l'attestation de la directrice du centre de santé infirmier de Pontarlier et environs du 1er février 2023 qu'une équipe de soignants intervient plusieurs fois par jour auprès de l'intéressé et qu'il n'est pas établi que les autres membres de sa famille résidant légalement en France se trouveraient désormais dans l'impossibilité de s'occuper de lui comme ils le faisaient auparavant. Les circonstances que M. A... a travaillé comme agent de service du 15 février 2021 au 28 février 2022 et du 3 au 22 novembre 2022, qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche de son ancien employeur datée du 18 mars 2022, que Mme A... a été recrutée par une association, du 6 octobre 2022 au 7 juillet 2023, en vue d'exercer les fonctions d'animatrice en restauration scolaire et que leurs deux filles ont de bons résultats scolaires ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour sur le territoire français. Enfin, rien ne s'oppose à ce que les requérants, qui font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, reconstituent leur cellule familiale au Maroc ou en Italie, ni que leurs enfants y poursuivent leur scolarité. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

5. En second lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point précédent, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que, en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel, le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté. Il en va de même, compte tenu des circonstances de fait énoncées au point 4, du moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les décisions portant fixation d'un délai de départ volontaire de trente jours et le pays de renvoi :

7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 14 février 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B... A..., née C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

Nos 23NC02865, 23NC02866 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02865
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc02865 ?
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