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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC02393

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC02393


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



Mme E... A..., née B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an.



M. D... A... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler

l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjou...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme E... A..., née B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an.

M. D... A... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an.

Par un jugement nos 2206043, 2206048 du 4 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, sous le n° 23NC02393, M. C..., représenté par Me Gaudron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2206043, 2206048 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 4 novembre 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 26 août 2022 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer sans délai un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que, d'une part, le préfet de la Moselle ne justifie pas de l'existence d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant son état de santé, d'autre part, l'avis du 25 mai 2022, rendu par ce collège, ne lui a pas été communiqué, enfin, cet avis ne se prononce pas sur la disponibilité effective aux soins dans son pays d'origine, spécialement au regard des structures d'équipements existantes et des personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour en France pendant un an est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires, de sorte que le préfet de la Moselle ne pouvait légalement prendre à son encontre la mesure litigieuse ;

- cette décision est également entachée d'une erreur d'appréciation en raison du caractère disproportionné de la durée de l'interdiction ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8, ainsi que celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, sous le n° 23NC02394, Mme E... A..., née B..., représentée par Me Gaudron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2206043, 2206048 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 4 novembre 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 26 août 2022 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer sans délai un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- en ne tenant pas compte de ses craintes en cas de retour en Albanie, de la présence en France de ses deux enfants mineurs, de l'état de santé de son époux, le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour en France pendant un an est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle justifie de circonstances humanitaires, de sorte que le préfet de la Moselle ne pouvait légalement prendre à son encontre la mesure litigieuse ;

- cette décision est également entachée d'une erreur d'appréciation en raison du caractère disproportionné de la durée de l'interdiction ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8, ainsi que celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice, par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC02393 et n° 23NC02394, présentées respectivement pour M. D... A... et pour Mme E... B..., épouse A..., concernent la situation de membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme A... sont des ressortissants albanais, nés respectivement les 26 avril 1985 et 23 janvier 1995. Ils ont déclaré être entrés en France, le 4 novembre 2019, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, nés les 22 janvier 2015 et 3 octobre 2017. Le 5 novembre 2019, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 avril 2020, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 1er février 2021. Le 7 avril 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 mai 2022, cette demande a été rejetée. En application des dispositions du 3° et du 4° de l'article L. 611-1 du même code, le préfet de la Moselle a, par deux arrêtés du 26 août 2022, refusé d'admettre M. A... au séjour, a fait obligation à M. et Mme A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière et leur a interdit le retour en France avant l'expiration d'un délai d'un an. M. et Mme A... ont saisi chacun le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 août 2022. Il relève appel du jugement nos 2206043, 2206048 du 4 novembre 2022 qui rejette leur demande respective.

Sur la décision portant refus de délivrance à M. A... d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation familiale et personnelle de M. A..., notamment au regard de son état de santé, de la présence en France de ses deux enfants mineurs et de ses craintes en cas de retour en Albanie. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 5 janvier 2017 : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / (...) / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. "

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle a produit devant les premiers juges l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 mai 2022. Il justifie ainsi avoir consulté cette instance préalablement à l'édiction le 26 août 2022 de son refus de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet une telle obligation de transmission, il n'est pas contesté que l'avis du 25 mai 2022 a été régulièrement communiqué au demandeur dans le cadre du débat contradictoire devant le tribunal. Enfin, contrairement aux allégations de l'intéressé, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a considéré qu'un défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'avait pas à se prononcer formellement sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté dans toutes ses branches.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

9. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 mai 2022 et a considéré, à la suite de cet avis, que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant fait valoir que, à la suite d'un accident de la circulation survenu le 7 octobre 2018, il est atteint d'un traumatisme médullaire cervical grave et d'une paralysie partielle des quatre membres, nécessitant des soins de kinésithérapie et d'ergothérapie de longue durée, ainsi que l'assistance d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne. Toutefois, en se bornant à produire un article à caractère général sur le coût des soins en Albanie et deux certificats médicaux de son médecin traitant datés des 22 novembre 2021 et 2 septembre 2022, qui se bornent à décrire ses pathologies et le traitement mis en œuvre, M. A... ne remet pas en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet de la Moselle quant aux conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé sur le territoire français, le 4 novembre 2019, à l'âge de trente-quatre ans. En dehors de son épouse et de ses deux enfants mineurs, il ne justifie d'aucune attache familiale ou même personnelle en France. Il ne verse aux débats aucun élément permettant d'apprécier son degré d'intégration dans la société française. Il n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine. S'il fait valoir que son état de santé nécessite des soins de kinésithérapie et d'ergothérapie de longue durée, que son épouse a suivi des cours de français et que ses deux enfants sont scolarisés en France, ces seules circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour sur le territoire français. Enfin, Mme A... faisant également l'objet d'une mesure d'éloignement, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Albanie. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

12. En sixième et dernier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. Il est constant que la décision en litige n'a, ni pour objet, ni pour effet, de séparer M. A... de ses enfants mineurs. Par suite, et alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la fille et le fils du requérant, eu égard notamment à leur jeune âge, se trouveraient dans l'impossibilité de poursuivre en Albanie une scolarité et une existence normales, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige le concernant serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ni qu'elle méconnaîtrait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, ces deux moyens ne peuvent qu'être écartés.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ".

16. Les décisions en litige, qui énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que, eu égard à ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors qu'être écarté.

17. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs des décisions en litige, ni d'aucune des autres pièces des dossiers, que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation familiale et personnelle de M. et de Mme A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

18. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants pourraient prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 ou L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle ne pouvait légalement prendre à leur encontre une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur de droit doit être écarté.

19. En cinquième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 11 et 13 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celle des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur la situation personnelle des requérants.

Sur les décisions portant fixation du pays de destination :

20. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, ni qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

22. Les décisions en litige énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elles sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

23. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs des décisions en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier, que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation familiale et personnelle des requérants avant de fixer le pays de destination de leur mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.

24. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

25. Si les requérants font valoir qu'ils craignent pour leur vie et leur sécurité en cas de retour en Albanie en raison de l'état de santé de M. A..., des risques de représailles d'un individu à qui ils ont prêté de l'argent et du conflit opposant Mme A... à la famille de son époux, ils n'apportent aucun élément probant au soutien de leurs allégations. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur les décisions portant interdiction de retour en France :

26. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et de ce qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme A....

27. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

28. D'une part, en se bornant à invoquer l'état de santé de M. A... et la scolarisation en France de leurs enfants, les requérants ne justifient pas, en tout état de cause, de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction des décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

29. D'autre part, eu égard à la durée de la présence sur le territoire français des requérants, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de leurs liens avec la France, les décisions en litige, qui se bornent à prononcer une interdiction de retour d'une durée d'un an, ne sont pas disproportionnées au regard des buts poursuivis par ce type de mesures. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit également être écarté.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de la Moselle du 26 août 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme E... A..., née B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

Nos 23NC02393, 23NC02394 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02393
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc02393 ?
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