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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC02273

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC02273


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. A... C... B... et Mme D... B..., sa fille, ont demandé chacun au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 pris à leur encontre par lequel la préfète des Vosges a procédé au retrait de leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement nos 23

00458, 2300459 du 4 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... C... B... et Mme D... B..., sa fille, ont demandé chacun au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 pris à leur encontre par lequel la préfète des Vosges a procédé au retrait de leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement nos 2300458, 2300459 du 4 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de de Nancy a annulé les décisions fixant le pays de renvoi et rejeté le surplus des conclusions de leur demande respective.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, sous le n° 23NC02273, Mme D... B..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2300458, 2300459 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de de Nancy du 4 avril 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler la décision de la préfète des Vosges du 19 janvier 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens et une somme d'un montant identique au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de l'article 37 et du premier paragraphe de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, dès lors que, en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les principes généraux du droit de l'Union européenne, elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette décision ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète des Vosges s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement litigieuse ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, la préfète des Vosges doit être regardée comme concluant au rejet de la requête et à l'annulation, par la voie de l'appel incident, du jugement contesté en tant qu'il a annulé la décision du 19 janvier 2023 portant fixation du pays de destination.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée a retenu le moyen tiré du défaut d'examen pour annuler la décision portant fixation du pays de destination.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, sous le n° 23NC02274, M. A... C... B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2300458, 2300459 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de de Nancy du 4 avril 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler la décision de la préfète des Vosges du 19 janvier 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens et une somme d'un montant identique au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de l'article 37 et du premier paragraphe de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, dès lors que, en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les principes généraux du droit de l'Union européenne, il n'a pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette décision ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète des Vosges s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement litigieuse ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, la préfète des Vosges doit être regardée comme concluant au rejet de la requête et à l'annulation, par la voie de l'appel incident, du jugement contesté en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 19 janvier 2023 portant fixation du pays de destination.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée a retenu le moyen tiré du défaut d'examen pour annuler la décision portant fixation du pays de destination.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC02273 et n° 23NC02274, présentées respectivement pour Mme D... B... et pour M. A... C... B..., concernent la situation de membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. A... C... B... est un ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 10 octobre 1964. Il est entré sur le territoire français, le 14 février 2020, accompagné de deux de ses enfants de nationalité congolaise, dont sa fille, Mme D... B..., née le 1er décembre 2002. Le 7 avril 2021, les requérants ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 avril 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 6 janvier 2023. Estimant que les intéressés ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français, la préfète des Vosges, par deux arrêtés du 19 janvier 2023, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a procédé au retrait de leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. Les consorts B... ont saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 19 janvier 2023. Ils relèvent appel du jugement n° 2300458, 2300459 du 4 avril 2023 en tant qu'il se borne à annuler les décisions portant fixation du pays de destination et rejette le surplus des conclusions de leur demande respective. La préfète des Vosges conteste également ce jugement, par la voie de l'appel incident, en tant qu'il annule les décisions portant fixation du pays de destination.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".

4. D'une part, les consorts B... ne sauraient utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse exclusivement, ainsi qu'il résulte des dispositions en cause, aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, ce moyen doit également être écarté comme inopérant.

5. D'autre part, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'un refus d'admission au séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

6. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que les consorts B... n'auraient pas été entendus lors du dépôt en préfecture de leur demande d'asile respective, ni qu'ils auraient été empêchés, au cours de l'instruction de ces demandes, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de leur situation. Par suite, et alors que les intéressés ne pouvaient raisonnablement ignorer que, en cas du rejet de leur demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, ils perdraient le droit de se maintenir sur le territoire français et pourraient alors faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ".

8. Les décisions en litige énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elles sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut donc qu'être écarté.

9. En troisième lieu, il ne résulte, ni des motifs des décisions en litige, ni d'aucune des autres pièces des dossiers, que la préfète des Vosges se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation familiale et personnelle de chacun des consorts B.... En outre, alors qu'elle n'était nullement tenue de faire état de tous les éléments relatifs à cette situation, dont elle avait connaissance, l'autorité administrative n'a pas davantage commis une erreur de fait. Par suite, ces deux moyens ne peuvent qu'être écartés.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".

11. Il ne ressort pas des pièces des dossiers, spécialement des motifs des décisions en litige, que la préfète des Vosges se serait estimée à tort en situation de compétence liée pour prononcer à l'encontre des consorts B... une mesure d'éloignement. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

13. Si M. B... fait valoir qu'il présente un syndrome de stress post-traumatique, prétendument lié aux persécutions qu'il aurait subies en Afrique du Sud, et qu'il a besoin de séances de kinésithérapie pour soigner des douleurs récurrentes aux épaules et au cou, les éléments médicaux versés aux débats, spécialement le certificat de son médecin traitant du 10 février 2023, établi postérieurement à la décision en litige, ne permettent pas de démontrer qu'un défaut de prise en charge pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo, il serait dans l'impossibilité de bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à ses pathologies. Par suite, et alors au surplus que la préfète des Vosges soutient, sans être contredite, que le requérant n'a pas jugé utile d'informer les services de la préfecture de ses problèmes de santé, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Il ressort des pièces des dossiers que les consorts B... résident en France depuis le 14 février 2020, soit moins de trois ans avant l'édiction de la décision en litige. En dehors de leur fils et frère, né le 25 mai 2005, ils ne justifient d'aucune attache familiale ou même personnelle en France. Ils ne démontrent pas davantage être isolés en République démocratique du Congo ou en Afrique du Sud, pays dans lequel M. B... a vécu entre 1995 et 2020 et dans lequel Mme B... est née. La circonstance que, à la date des décisions en litige, cette dernière était scolarisée en classe de terminale générale et son frère inscrit en première année du baccalauréat professionnel " Accompagnement, soins et services aux personnes " ne suffit pas à conférer aux requérants un droit au séjour sur le territoire français. Par suite et alors que l'épouse de M. B... se trouverait au Zimbabwe et que deux autres de ses enfants se trouveraient en Afrique du Sud, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. En septième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

17. D'une part, M. B... ne saurait utilement se prévaloir du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant pour dénoncer une prétendue atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille majeure. D'autre part, il est constant que la décision en litige n'a, ni pour objet, ni pour effet, de séparer M. B... de son fils mineur. Dans ces conditions et alors que, en tout état de cause, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les enfants de l'intéressé se trouveraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en République démocratique du Congo ou en Afrique du Sud, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

18. En huitième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 15 et 17 du présent arrêt, les consorts B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle respective. Par suite, il y a lieu d'écarter ce dernier moyen.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions du 19 janvier 2023 de la préfète des Vosges portant obligation de quitter le territoire français, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de l'article 37 et du premier paragraphe de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions incidentes de la préfète des Vosges :

20. Il ressort des pièces des dossiers, spécialement des motifs des arrêtés du 19 janvier 2023, que la préfète des Vosges, après avoir rappelé les décisions des 28 avril 2022 et 6 janvier 2023 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis la Cour nationale du droit d'asile, ont rejeté, à l'issue d'un examen approfondi de leur situation, les demandes d'asile des consorts B..., a indiqué que, eu égard à ces rejets et en l'absence de tout autre élément communiqué à ses services de nature à les remettre en cause, les intéressés n'établissaient pas être exposés, à titre personnel, à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en République démocratique du Congo ou en Afrique du Sud. Elle en déduit, que les mesures litigieuses ne contrevenant pas aux stipulations de l'article 3 de cette convention, les requérants pouvaient légalement être éloignés à destination du pays dont ils ont la nationalité ou de tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles. Dans ces conditions, à supposer même que, du fait de leur départ en 2020, la protection internationale accordée aux consorts B... par l'Afrique du Sud soit devenue caduque, sans que soit remise en cause la qualité de réfugié qui leur avait été reconnue le 9 juillet 2001, la préfète des Vosges doit être regardée comme ayant suffisamment examiné la situation personnelle des intéressés au regard des risques encourus par eux en cas de retour dans les pays concernés. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a retenu le moyen tiré du défaut d'examen approfondi pour annuler les décisions du 19 janvier 2023 portant fixation du pays de décision.

21. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par les consorts B... à l'encontre de ces décisions dans leur demande de première instance.

22. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que les décisions portant fixation du pays de destination seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

24. Il ressort des pièces des dossiers que les décisions en litige énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elles sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

25. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers, spécialement des motifs des décisions en litige, que la préfète des Vosges s'est estimée à tort liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

26. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

27. Les requérants font valoir qu'ils craignent d'être victimes de persécutions en République démocratique du Congo en raison du militantisme politique de M. B... et que la protection internationale accordée par l'Afrique du Sud n'est pas effective eu égard au climat généralisé de xénophobie qui y règne. Toutefois, ils ne démontrent pas, par les éléments versés aux débats, qu'ils risqueraient d'être exposés, de façon directe, actuelle et personnelle, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que, au demeurant, les demandes d'asile présentées par les consorts B... ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause.

28. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète des Vosges est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions du 19 janvier 2023 portant fixation du pays de destination.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement nos 2300458, 2300459 du 4 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy, prononçant l'annulation des décisions du 19 janvier 2023 portant fixation du pays de destination, est annulé.

Article 2 : Les requêtes des consorts B... et leurs demandes de première instance, en tant qu'elles étaient dirigées contre les décisions du 19 janvier 2023 portant fixation du pays de destination, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

Nos 23NC02273, 23NC02274 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02273
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc02273 ?
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