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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC02099

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC02099


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement n° 2208430 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2208430 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2023, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Snoeckx, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208430 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 13 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., née B..., est une ressortissante arménienne, née le 28 novembre 1984. Elle a déclaré être entrée en France, le 2 juillet 2018, accompagnée de son époux et de ses trois enfants, nés respectivement les 18 janvier 2003, 19 avril 2004 et 31 octobre 2005. Le 9 juillet 2018, elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 novembre 2020, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 juillet 2021. Le 2 décembre 2021, la requérante a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er avril 2022, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 13 juillet 2022, a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2022. Elle relève appel du jugement n° 2208430 du 14 février 2023 qui rejette sa demande.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er avril 2022. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son affection. Mme A... fait valoir qu'elle souffre d'une hyperthyroïdie auto-immune et qu'elle bénéficie d'un traitement médicamenteux composé d'antithyroïdiens. Toutefois, la requérante, sur qui pèse la charge de la preuve à cet égard, se borne à produire le certificat médical confidentiel destiné à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, établi le 3 janvier 2022 par son médecin traitant, qui, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète du Bas-Rhin sur sa capacité à voyager sans risque et sur la disponibilité effective d'un traitement en Arménie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée sur le territoire français, le 2 juillet 2018, à l'âge de trente-trois ans. En dehors de son époux et de ses trois enfants, elle ne justifie d'aucune attache familiale ou même personnelle en France et ne fait valoir aucun élément permettant d'apprécier son degré d'intégration dans la société française. Elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine. Si elle se prévaut de la scolarisation de sa fille et de ses deux fils, cette seule circonstance ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour en France. Enfin, son époux et ses deux enfants devenus majeurs faisant également l'objet d'une mesure d'éloignement, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale de l'intéressée se reconstitue en Arménie. Par suite et alors que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations.

7. En deuxième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il est constant que la décision en litige n'a, ni pour objet, ni pour effet, de séparer Mme A... de ses enfants alors mineurs. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la fille cadette de la requérante et son plus jeune fils se trouveraient dans l'impossibilité de poursuivre en Arménie une scolarité et une existence normales, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. En troisième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées aux points 6 et 8 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant fixation du pays de destination :

10. Compte tenu de ce qui précède, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 13 juillet 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., née B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

N° 23NC02099 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02099
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc02099 ?
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