Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 avril 2022 et les 25 août, 5 septembre et 21 septembre 2023, et un mémoire enregistré le 26 septembre 2023 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les sociétés à responsabilité limitée Formicolosa immobilier, et Maniccia distribution, représentées par Me Gras, de la scp CGCB et associés, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le maire de la commune de Pianottoli-Caldarello a accordé à la société civile immobilière (SCI) un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création et l'exploitation d'un ensemble de commerces et de logements ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le maire de cette commune a délivré à cette société une autorisation modificative ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pianottoli-Caldarello et de la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles ont intérêt à agir contre cette autorisation d'exploitation commerciale, en tant que propriétaire et exploitante d'un commerce fortement impacté par le projet, alors que leur recours, dûment précédé d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) et notifié, a été formé dans le délai de recours contentieux ;
- l'arrêté est illégal faute de démontrer que les membres de la CNAC ont été convoqués conformément aux exigences de l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- le permis en litige et l'avis de la CNAC sont illégaux en ayant appliqué une carte communale définitivement annulée par le tribunal administratif ;
- le projet litigieux, qui constitue un ensemble commercial, est illégal pour avoir été scindé en plusieurs parties et n'avoir ainsi pas permis au service instructeur d'en apprécier globalement la légalité ;
- cette autorisation a été accordée en méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce, dès lors qu'elle est incompatible avec le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qu'elle méconnaît l'impératif d'intégration, l'objectif de consommation économe de l'espace, l'objectif en matière de flux de transports et d'accessibilité, l'objectif de préservation et de revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, l'objectif d'insertion paysagère et architecturale du projet et que celui-ci engendrera d'importantes nuisances sur son environnement proche, compte tenu de la présence d'espèces protégées ;
- contrairement à la présentation donnée du projet dans le dossier de demande et destinée à tromper l'administration, le terrain supporte des zones humides au sens de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
- la date de cristallisation des moyens doit être reportée compte tenu de ce que n'ont pas figuré au dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, la demande d'examen au cas par cas, susceptible d'informer sur l'état initial du site et sa sensibilité écologique, ni les autorisations de défrichement et de dérogation au titre des espèces protégées ;
- l'exception d'illégalité invoquée par la société bénéficiaire est irrecevable par application de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin et les 13 et 21 septembre 2023, la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli, représentée par Me Le Fouler de la SARL Létang associés, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme si la Cour devait estimer nécessaire une régularisation de l'autorisation en litige ;
3°) à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable car présentée en méconnaissance des articles R. 412-1 et R. 414-5 du code de justice administrative ;
- les requérantes ne justifient pas de leur intérêt pour agir au regard des exigences posées par l'article L. 752-17 du code de commerce ;
- les moyens relatifs aux dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, aux dispositions du code forestier, aux espèces protégées, à l'existence d'une servitude de passage et aux conditions de convocation des membres de la CNAC, sont irrecevables en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;
- les trois premiers des moyens précédents, ainsi que le moyen tiré des effets de l'annulation de la carte communale, sont irrecevables par application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;
- ces moyens, comme les autres de la requête, ne sont pas fondés ;
- le classement par le PADDUC du tènement de l'opération en litige en espace stratégique agricole est illégal, ce terrain étant dépourvu de tout potentiel agricole.
Par une ordonnance du 14 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2023 à 12 heures, puis a été reportée, par ordonnance du 21 septembre 2023, au 26 septembre 2023 à 12 heures.
Un mémoire enregistré le 4 octobre 2023 a été produit pour la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Demaret, substituant Me Gras, représentant les sociétés Formicolosa immobilier et Maniccia distribution, de Me Giovannangeli, représentant la commune de Pianottoli-Caldarello et de Me Le Fouler, représentant la société Viagenti l'Avvene di Pianottoli.
Une note en délibéré présentée pour la société Viagenti l'Avvene di Pianottoli a été enregistrée le 22 novembre 2023.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Pianottoli-Caldarello, a été enregistrée le 24 novembre 2023.
Une note en délibéré présentée pour les sociétés Formicolosa immobilier et Maniccia distribution a été enregistrée le 8 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli a présenté le 8 juillet 2021 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, pour la réalisation, sur les parcelles cadastrées B 298, 300 à 304, 308, 1089 p, 1122, 1204, 299, sises commune de Pianottoli-Caldarello, non seulement de bâtiments de 22 logements, mais également d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 2 430 m², composé d'un supermarché d'une surface de vente de 2 373 m², d'une boulangerie d'une surface de vente de 57 m² et d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile en deux pistes de ravitaillement et d'une emprise au sol de 42 m². Par un arrêté du 2 décembre 2021, pris après avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, le maire de la commune de Pianottoli-Caldarello a délivré ce permis de construire. Puis par des arrêtés du 9 mai 2022 et du 31 août 2022, le maire a accordé à la SCI des permis modificatifs de son autorisation initiale, respectivement d'une part, pour tenir compte de l'avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 24 février 2022, d'autre part pour modifier les prescriptions spéciales de l'autorisation. Les SARL Formicolosa immobilier et Maniccia distribution, dont le recours préalable a été rejeté par la CNAC, demandent l'annulation de ce permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, ainsi que du permis modificatif du 9 mai 2022, pris dans la même mesure.
Sur la recevabilité du recours :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation ". L'article R. 414-5 du même code dispose quant à lui que :
" Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1, R. 412-2 et
R. 611-1-1, le requérant est dispensé de produire des copies de sa requête, de ses mémoires complémentaires et des pièces qui y sont jointes. Il est également dispensé de transmettre l'inventaire détaillé des pièces lorsqu'il utilise le téléservice mentionné à l'article R. 414-2 ou recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application mentionnée à l'article R. 414-1. / Le requérant transmet chaque pièce par un fichier distinct, à peine d'irrecevabilité de sa requête. Cette obligation est applicable à la transmission des pièces jointes aux mémoires complémentaires, sous peine pour le requérant de voir ces pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. /Chaque fichier transmis au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 porte un intitulé commençant par le numéro d'ordre affecté à la pièce qu'il contient par l'inventaire détaillé. Lorsque le requérant recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé du fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. Chaque pièce transmise au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 porte un intitulé décrivant son contenu de manière suffisamment explicite. / Les obligations fixées au précédent alinéa sont prescrites au requérant sous peine de voir la pièce écartée des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. ".
3. D'une part, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.
4. L'intitulé de chacun des fichiers comprenant une seule pièce, joints à la requête des SARL Formicolosa immobilier et Maniccia distribution comporte le même numéro d'ordre que celui affecté à chacune de ces pièces par l'inventaire détaillé accompagnant la requête. Par suite la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli n'est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable pour ne pas respecter les prescriptions citées au point 2 de l'article R. 414-5 du code de justice administrative.
5. D'autre part, la requête et les mémoires complémentaires sont accompagnés des arrêtés du 2 décembre 2021 et du 9 mai 2022 dont les sociétés requérantes demandent l'annulation, et sont ainsi présentés dans le respect des dispositions de l'article R. 412-1 du même code.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce :
" I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité,
la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'Etat dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable ".
7. Les SARL Formicolosa immobilier et Maniccia distribution, qui respectivement possèdent et exploitent sur la commune de Pianottoli-Caldarello une supérette de 750 m² de surface de vente, à deux minutes de trajet en voiture du projet en litige, en justifient en produisant les extraits Kbis et en se référant aux renseignements précis livrés à la CNAC au soutien de leur recours préalable. Leurs activités, situées dans la zone de chalandise de ce projet, telle que définie par la SCI dans sa demande, sur cinq communes du département de Corse-du Sud, au sein d'une zone rurale, littorale et montagneuse, sont susceptibles d'être affectées par cette opération qui se traduit par le déplacement de la surface de vente alimentaire du supermarché exploité sous l'enseigne " SPAR " de l'autre côté de la route territoriale, en face du site du projet, et par son extension pour atteindre une surface de vente de 2 373 m², ainsi que par la création d'une boulangerie d'une surface de vente de 57 m² et d'un " drive " d'une emprise au sol de 42 m² et de deux pistes de ravitaillement. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, ces deux sociétés justifient d'un intérêt à agir suffisant contre le permis de construire du 2 décembre 2021 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, et contre le permis modificatif du 9 mai 2022 pris pour tenir compte de l'avis de la CNAC favorable au projet.
Sur l'application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme :
8. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale ".
9. Par ailleurs, l'article R. 600-5 du même code, applicable aux recours formés contre les permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. / Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l'article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant. /
Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie. ".
10. A l'appui de leur requête introductive d'instance, les sociétés requérantes ont demandé l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2021, en excipant, pour l'application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme, de l'illégalité de l'avis favorable rendu le 24 février 2022 par la CNAC, soit postérieurement à cette autorisation. Une telle argumentation n'est devenue opérante que par suite de l'intervention du permis modificatif du 9 mai 2022 pris pour tenir compte de cet avis favorable de la CNAC, lequel s'est entièrement substitué à celui de la commission départementale d'aménagement commercial au vu duquel le permis initial a été accordé.
11. En outre, le permis modificatif du 9 mai 2022, qui a été produit par les requérantes au soutien de leur mémoire du 25 août 2023, qui n'a pas été communiqué aux intéressées par les défendeurs et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été régulièrement affiché sur le terrain d'assiette de l'opération, constitue un élément nouveau dont la partie concernée n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense et est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.
12. Dans ces conditions, les moyens nouveaux présentés par les requérantes dans leur mémoire du 25 août 2023, soit postérieurement au délai de deux mois suivant la communication aux parties du premier mémoire en défense, ne sont pas irrecevables par application des dispositions, citées au point 9, de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme.
Sur la légalité du permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale et du permis modificatif du 9 mai 2022 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale modificative :
15. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; (...) 2° En matière de développement durable : (...) b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
16. Il ressort des pièces du dossier que bien que répondant à l'exigence de mixité fonctionnelle posée par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, en portant à la fois sur l'aménagement d'un supermarché et la construction de 22 logements, le projet d'ensemble commercial en litige doit s'implanter sur de vastes parcelles naturelles, de quelque 2,4 hectares, identifiées par les documents graphiques de ce plan, dont la SCI n'établit pas l'illégalité sur ce point, en tout état de cause, comme espaces stratégiques agricoles insusceptibles de recevoir des aménagements autres qu'agricoles, séparées des espaces urbanisés du centre-bourg, au nord par la route territoriale n° 40 et à l'est par la route départementale 122, et constitutives d'une zone tampon à l'entrée ouest du centre-bourg de la commune. Si l'opération implique l'aménagement de plus de 37 % du tènement en espaces verts, et de près de la moitié de celui-ci en espaces perméables, l'ensemble des surfaces de vente projetées, le " drive " et leurs aires de stationnement doivent être réalisés de plain-pied, et traduisent une importante artificialisation des sols sur près d'un hectare. Enfin, compte tenu à la fois de son implantation sur le terrain d'assiette, en net retrait par rapport aux voies existantes, du caractère massif du bâtiment de plain-pied devant recevoir le supermarché, que n'effacent ni la végétation prévue, ni le bâtiment projeté au droit de la route territoriale, et de la toiture plate de ce supermarché, et malgré le traitement bois et pierre de deux de ses façades, le projet en litige est de nature à mettre en cause l'enveloppe architecturale et urbaine des bâtiments environnants, qui n'a pas été déjà altérée par la seule présence du supermarché existant de l'autre côté de cette voie. Dans ces conditions, le projet litigieux étant de nature à compromettre les objectifs d'intégration urbaine, de consommation économe de l'espace et d'insertion paysagère et architecturale posés par l'article L. 752-6 du code de commerce, le permis de construire du 2 décembre 2021, en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, a été accordé en méconnaissance de ces dispositions.
17. Un tel vice, qui affecte la conception d'ensemble du projet en litige et qui, remettant en cause tant l'ampleur que l'implantation de ce projet, ne peut être régularisé et ne l'a pas été par le permis modificatif du 9 mai 2022, justifie l'annulation totale du permis en litige, ainsi que celle de ce permis modificatif, en tant qu'ils tiennent lieu d'autorisations d'exploitation commerciale. Les conclusions présentées par la SCI tendant à la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne peuvent donc qu'être rejetées.
18. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état de l'instruction, de nature à justifier cette annulation.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des SARL Formicolosa immobilier et Maniccia distribution, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés par la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli et non compris dans les dépens. En revanche, au titre de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les SARL et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le maire de la commune de Pianottoli-Caldarello a accordé un permis de construire à la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli, et l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel il a délivré à cette société un permis modificatif sont annulés en tant qu'ils tiennent lieu d'autorisation d'exploitation commerciale et d'autorisation d'exploitation commerciale modificative.
Article 2 : La SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli versera aux SARL Formicolosa immobilier et Maniccia distribution la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la SCI Viagenti L'avvene di Pianottoli tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Formicolosa immobilier, à la société à responsabilité limitée Maniccia distribution, à la société civile immobilière Viagenti L'avvene di Pianottoli, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la commune de Pianottoli-Caldarello.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
N° 22MA012582