Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2014 à raison de la plus-value de cession des droits sociaux détenues dans la société à responsabilité limitée (SARL) Les Roses de Saint-Caprais.
Par un jugement n° 1905791 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Jany, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- pour apprécier la part que représentait dans le revenu global, la rémunération perçue par M. A... en tant que dirigeant de la société Les Roses de Saint-Caprais au cours des cinq années précédant la cession de ses parts, les textes n'exigent pas que celle-ci ait effectivement été soumise à l'impôt sur le revenu ;
- le critère à retenir est celui de l'exercice effectif de la fonction de direction et non celui de la rémunération normale ; l'administration ne rapporte pas la preuve du caractère anormal de la rémunération perçue par M. A... ;
- la doctrine administrative relative à l'impossibilité de prise en compte dans la rémunération, des dividendes qui rémunèrent le capital, pour l'application de l'article 885 O bis du code général des impôts s'apparente à l'application des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jany, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Les Roses de Saint-Caprais, dont l'objet social consiste en l'exploitation d'une maison de retraite, a été constituée le 11 octobre 2000 par M. et Mme A... à parts égales. Cette société a été transformée en société par actions simplifiée le 17 décembre 2012. Lors du départ à la retraite de M. A..., associé-gérant de la société Les Roses de Saint-Caprais, la totalité de ses actions a été cédée pour un montant total définitif de 1 332 967,31 euros, constitué par un premier versement le 27 décembre 2012 de 1 241 651,91 euros, représentant 80 % du prix provisoire alors fixé, puis par un second versement à titre de complément de prix de 81 315,40 euros le 10 juin 2014. M. A... n'a pas déclaré la plus-value résultant de cette opération, dès lors qu'il a entendu se placer sous le régime de l'article 150-0 D ter du code général des impôts instituant un abattement en faveur des dirigeants des petites et moyennes entreprises cédant leur société lors de leur départ en retraite. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel le service a refusé le bénéfice de cet abattement après avoir constaté que la rémunération versée à M. A... au titre de l'année 2009, en sa qualité de gérant de la SARL Les Roses de Saint-Caprais, n'avait pas été déclarée au titre de l'impôt sur le revenu et qu'ainsi, la condition de 50 % de revenus professionnels soumis à l'impôt prévue par le 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts n'était pas remplie. L'administration a en conséquence, notifié à M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2014 pour un montant total, en droits et majorations, de 379 557 euros, soit 355 692 euros au titre de l'année 2012 et 23 865 euros au titre de l'année 2014. Leur réclamation préalable formée le 11 septembre 2019 ayant été rejetée par une décision de l'administration du 30 septembre 2019, M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 et 2014. Ils relèvent appel du jugement n° 1905791 du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. / 2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s'engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société dont les titres sont l'objet du contrat, est imposable au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (...) ". Aux termes du I de l'article 150-0 D bis du code précité : " 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies ". Aux termes de l'article 150-0 D ter dudit code : " I. L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, s'applique dans les mêmes conditions (...) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : / (...) 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis du code précité : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (...) sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : / 1° Etre, soit gérant (...) d'une société à responsabilité limitée (...), soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. / Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 (...) ".
3. L'article 150-0 D ter du code général des impôts, dont les dispositions doivent être interprétées strictement compte tenu de leur caractère dérogatoire, a prévu que les gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite peuvent bénéficier, sous réserve du respect d'un ensemble de conditions relatives au cédant et à la société dont les titres sont cédés, de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du même code. Figure notamment au nombre des conditions relatives à la personne du cédant l'exercice effectif, pendant les cinq années précédant la cession, de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés, lesquelles rémunérations doivent en outre avoir représenté plus de la moitié des revenus professionnels de l'intéressé effectivement soumis à l'impôt sur le revenu.
4. S'il est constant que M. A... a effectivement exercé des fonctions de dirigeant au sein de la société Les Roses de Saint-Caprais ayant donné lieu à rémunération pendant les cinq années précédant la cession des titres de cette société, il résulte toutefois de l'instruction que la rémunération ainsi perçue au titre de l'année 2009 n'a pas été déclarée au titre de l'impôt sur le revenu. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. A... ne remplissait pas la condition expressément prévue par les dispositions précitées de l'article 885 O bis du code général des impôts tenant à l'exercice effectif pendant cinq ans de fonctions de direction donnant lieu à rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus à raison desquels il a été effectivement soumis à l'impôt sur le revenu.
5. Il résulte en tout état de cause de l'instruction que la rémunération perçue par M. A... au titre de ses fonctions de dirigeant de la société Les Roses de Saint-Caprais pendant les cinq années précédant la cession de ses actions, était comprise entre 12 000 euros et 19 271 euros, correspondant à une moyenne de 1 282 euros mensuels. Or, il résulte de l'instruction que cette rémunération était inférieure aux cinq rémunérations les plus élevées de cette société au 31 décembre 2012, comprises entre 25 796 euros pour une assistante de direction et 51 736 euros pour un cadre infirmier. Dans ces conditions, et alors que les requérants n'invoquent aucune difficulté financière, cette rémunération ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme constituant une rémunération normale des fonctions de dirigeant au sens des dispositions précitées de l'article 885 O bis du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :
6. Si M. et Mme A... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale exposée dans le paragraphe n°310 du BOI-PAT-ISF-30-30-30-10, il résulte toutefois de l'instruction que ce document est relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune, et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu. Par suite, les requérants ne peuvent utilement s'en prévaloir pour bénéficier de l'abattement prévue par l'article 150-0 D bis du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 et 2014. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Bénédicte Martin Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03022 2