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11/12/2023 | FRANCE | N°23PA01170

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 23PA01170


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2214798/5-2 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. r>


Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2214798/5-2 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 21 mars et le 27 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Béchieau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2214798 du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre de principal de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Béchieau la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Me Béchieau renonçant dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il s'en remet, s'agissant de la contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays vers lequel il est susceptible d'être éloigné, à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête présentée par M. B....

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à midi.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat ;

- et les observations de Me Béchieau, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant camerounais né le 27 mars 1979, déclare être entré en France le 27 juillet 2020. Le 21 septembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 avril 2022, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. B... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 21 juin 2022 rédigé par un praticien attaché du département des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Louis de Paris ainsi que des ordonnances médicales du 6 janvier, 12 mai et 10 novembre 2022 versées à l'instance, que d'une part M. B... est suivi au sein de ce service de l'hôpital Saint-Louis pour une pathologie chronique grave résultant de son infection par le virus de l'immunodéficience humaine et que d'autre part, sa prise en charge médicale consiste en un suivi hospitalier régulier et en un traitement par la prise d'Emtrici/Teno et de Tricivay. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 24 février 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Cameroun, son pays d'origine. Le requérant, qui ne conteste pas sérieusement que le traitement rendu nécessaire par son état de santé est disponible au Cameroun, soutient en revanche qu'il ne pourra pas en bénéficier effectivement compte tenu de son coût élevé, de ses ressources limitées, des caractéristiques du système de santé camerounais ainsi que de l'offre de soins réellement disponible au Cameroun. Il produit à l'appui de ses allégations un certificat médical circonstancié du 3 avril 2023, postérieur à la décision contestée mais révélant une situation antérieure, par lequel une praticienne hospitalière du même service précité de l'hôpital Saint-Louis indique que les soins rendus nécessaires par l'état de santé du requérant ne sont pas disponibles dans son pays d'origine affecté par d'importantes ruptures de stock de médicaments antirétroviraux et d'un manque de professionnels de santé et d'infrastructures publiques permettant le dépistage et le suivi de patients atteints par le virus de l'immunodéficience humaine. Il produit en outre une étude publiée par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés le 15 septembre 2019 évoquant une grave défaillance du système de santé camerounais, des articles de presse ainsi qu'une déclaration de la direction de la pharmacie, du médicament et des laboratoires du ministère de la santé publique camerounais qui expose que dans le secteur public, la disponibilité des médicaments au Cameroun est particulièrement entachée de problèmes de ruptures de stocks. Il ressort enfin de ces mêmes pièces que plus d'un tiers de la population vit en-dessous du seuil d'extrême pauvreté au Cameroun, pays dont la législation ne prévoit d'ailleurs pas de système d'assurance maladie pour l'ensemble de la population, seuls les travailleurs du secteur privé et les fonctionnaires bénéficiant, ainsi que leur famille, d'une prise en charge de leurs soins de santé par leur employeur. Le préfet de police, en se bornant à soutenir sans les discuter que les éléments versés au dossier par le requérant ne sont pas de nature à infirmer le sens de l'avis du collège des médecins et que le certificat médical précité du 3 avril 2023, serait d'une part sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'il y est postérieur et d'autre part rédigé de manière opportune par un praticien ne démontrant pas sa qualité pour justifier avoir des connaissances particulières sur le système de santé camerounais, n'apporte aucun élément au soutien de sa propre appréciation. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme apportant des éléments suffisants, de nature à démontrer qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 14 avril 2022 refusant à M. B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 avril 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Béchieau, conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2214798 du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 14 avril 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Béchieau, conseil de M. B..., la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le recouvrement de cette somme emportera renonciation de Me Béchieau à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01170 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01170
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BECHIEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;23pa01170 ?
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