Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif Monachetto 07-07 (" Monachetto ") et la société en nom collectif Grima 7-05 (" Grima ") ont demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, de prononcer la réception des travaux d'aménagement de la dalle routière qu'elles ont réalisée pour la commune de Beausoleil à la date du 24 février 2012 ou, à titre subsidiaire, de limiter leur condamnation au titre du coût des travaux de reprise de l'ouvrage à la somme maximale de 43 500 euros toutes taxes comprises.
Par un jugement n° 1905251 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Nice a prononcé la réception juridictionnelle de l'ouvrage avec effet au 5 août 2015, et rejeté la demande reconventionnelle présentée par la commune et tendant à la condamnation des deux sociétés à lui payer la somme de 82 000 euros au titre de travaux de reprise.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, la commune de Beausoleil, représentée par la SELARL S. Z., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de première instance des sociétés Monachetto et Grima ;
3°) de condamner ces sociétés à lui payer la somme de 82 000 euros toutes taxes comprises, montant qui devra être réactualisé en fonction de l'indice BT01 à la date de l'arrêt à intervenir, l'indice de base étant celui applicable à la date du rapport de l'expert, en mars 2019 ;
4°) de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux n'étaient pas en état de lui être remis ;
- les sociétés doivent être condamnées à payer la somme de 82 000 euros toutes taxes comprises correspondant au montant des travaux de reprise tels qu'évalués par l'expert judiciaire, en fonction de l'indice BT01.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 10 juillet 2023, la société Monachetto et la société Grima, représentées par la SELAS Cabinet Léga-Cité, demandent à la Cour :
1°) de prononcer la réception judiciaire des travaux d'aménagement de la dalle routière à la date du 24 février 2012, et de confirmer le jugement pour le reste ;
2°) subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation à 43 500 euros toutes taxes comprises ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Beausoleil la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les travaux étaient en état d'être remis à la commune ;
- il y a lieu de prononcer cette remise à la date du 24 février 2012 ;
- le coût des travaux de reprise de l'étanchéité ne peut être mis à leur charge.
Par une lettre en date du 21 septembre 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu avant le 30 juin 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 20 octobre 2023.
Par ordonnance du 24 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Mourey, pour les sociétés Grima et Monachetto.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 11 juillet 1992 modifiée les 21 décembre 1992, 12 octobre 1995, 12 septembre 2002 et 10 juillet 2003, le conseil municipal de Beausoleil a approuvé le programme d'aménagement d'ensemble du secteur dit " A... corniche " et fixé les participations à la charge des constructeurs au montant de 84 euros par mètre carré de surface hors œuvre nette. Les permis de construire et permis de construire modificatifs accordés pour la construction de deux immeubles d'habitation collective distincts, mais disposant d'une entrée commune, ont fixé le montant des participations dues par les sociétés Grima et Monachetto, titulaires des permis, aux montants respectifs de 252 885,36 euros et 239 607,48 euros, soit une somme globale de 492 492,84 euros. Par une délibération du 30 mars 2009, le conseil municipal de Beausoleil a accepté que cette contribution financière prenne la forme de l'exécution de travaux. Par une convention conclue le 14 janvier 2010, la commune de Beausoleil et les sociétés Grima et Monachetto ont convenu que la société Monachetto, agissant comme maître d'ouvrage exclusif, réaliserait, entre le mur de soutènement de la corniche et la façade nord des immeubles en cours de réalisation, une plateforme destinée à supporter un futur giratoire, pour un coût estimé à 466 267 euros, déchargeant les sociétés de l'obligation de payer la participation mise à leur charge à due concurrence. Les travaux de construction de la plateforme en vue de l'aménagement d'un giratoire ont été confiés le 30 septembre 2010 par la société Monachetto à la Société de construction monégasque (SCM), également en charge du gros-œuvre de l'immeuble " Le Monachetto ". Cette société a achevé les travaux au début de l'année 2012. Le 4 octobre 2012, la commune a toutefois refusé la remise de l'ouvrage, au motif d'une différence de cote altimétrique entre la dalle réalisée et la route départementale. Les sociétés ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice d'une demande de désignation d'un expert. L'expert judiciaire désigné par le juge des référés a remis son rapport le 23 mars 2019 aux termes duquel il a estimé, d'une part, que la plateforme routière ne pouvait être " réceptionnée " dans la mesure où son altitude ne correspond pas à celle indiquée dans le permis modificatif n° 2, d'autre part, que l'étanchéité de la dalle routière en béton n'a pas été réalisée. Les sociétés Monachetto et Grima ont alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à ce qu'il prononce la réception judiciaire de l'ouvrage avec effet à la date du 24 février 2012. La commune de Beausoleil a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation des sociétés requérantes à lui verser la somme de 82 000 euros toutes taxes comprises, à réévaluer en fonction de l'indice BT01 à la date du jugement. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a fixé la réception judiciaire de l'ouvrage à la date du 5 août 2015, et rejeté par voie de conséquence les demandes reconventionnelles de la commune de Beausoleil. Cette dernière relève appel de ce jugement.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la " réception judiciaire " :
2. Aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné (...) ". Aux termes de l'article L. 332-10 du même code : " La participation prévue à l'article précédent est exigée sous forme de contribution financière ou, en accord avec le demandeur de l'autorisation, sous forme d'exécution de travaux ou d'apports de terrains (...) ".
3. Aux termes de l'article 3.1 de la convention conclue le 14 janvier 2010 : " Le niveau fini de la dalle sera défini pour être compatible avec les profils définitifs en long et en travers de ces futures voies ". Aux termes de l'article 3.5 de cette convention : " Lorsque les ouvrages auront été matériellement achevés, ils feront l'objet d'une réception valant remise des aménagements à la Ville, à la quelle sera conviée cette dernière, 15 jours au moins avant la date de la réception. / La réception se fera en présence de la Ville, assistée d'hommes de l'art missionnés à cet effet, et vaudra remise à cette dernière des ouvrages exécutés. / A cet effet, un procès-verbal de remise de l'ouvrage sera dressé. / La Ville pourra, à cette occasion, formuler toutes observations et demander à la société Monachetto de remédier aux défauts constatés dans un délai de 3 mois suivant la date de réception. Tout retard donnera lieu au paiement d'une indemnité de 155,33 euros par jour de retard. / En cas de contestation sur la qualité des travaux ou l'existence de défaut rendant impropre l'ouvrage à son affectation ou à sa destination, les parties conviennent de saisir le tribunal administratif pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire avec pour mission : / - de déterminer l'existence de ces défauts, / - de déterminer les possibilités de reprise desdits défauts, / - de dire que si la reprise des défauts est impossible compte tenu de leur ampleur, la ville de Beausoleil aura le droit de refuser la remise de l'ouvrage et réclamer le versement en numéraire du montant de la participation due au titre du PAE indexé sur l'indice du coût à la construction à compter de la date d'établissement de la participation. / Après réception, la Ville en sa qualité de nouveau maître d'ouvrage sera notamment subrogée dans tous les droits de la société Monachetto envers ses contractants, qu'il s'agisse des prestataires de service ou d'entreprises ; la société Monachetto s'obligeant explicitement à insérer une clause de subrogation dans les marchés à passer ". Aux termes de son article 4 : " Le transfert de propriété des ouvrages aura lieu de plein droit au profit de la commune dès la réception (...) ".
4. Il résulte de ces stipulations que l'existence d'une contestation portant sur la qualité des travaux ne fait pas obstacle à la remise de l'ouvrage, qui ne peut être refusée que dans le cas où, après expertise, la reprise des défauts est jugée impossible compte tenu de leur ampleur. Le rapport d'expertise rendu le 23 mars 2019 a conclu à la possibilité d'effectuer des travaux de reprise pour rehausser le niveau de la plateforme. L'ouvrage était donc en état d'être remis à la commune de Beausoleil dès le 24 février 2012, date de l'achèvement des travaux.
5. La commune de Beausoleil n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a prononcé la réception, valant remise de l'ouvrage.
En ce qui concerne les demandes reconventionnelles de la commune de Beausoleil :
6. Si, ainsi qu'il a été dit, l'existence de malfaçons nécessitant une reprise ne fait pas obstacle à la remise de l'ouvrage, cette dernière n'exonère pas pour autant les sociétés Monachetto et Grima de leur obligation de supporter la charge des travaux de reprise éventuels.
7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les travaux de construction de la plateforme en vue de l'aménagement d'un giratoire ont été confiés le 30 septembre 2010 par la société Monachetto à la Société de construction monégasque (SCM), également en charge du gros-œuvre de l'immeuble " Le Monachetto ". Cette société a achevé les travaux au début de l'année 2012. Le 4 octobre 2012, la commune a toutefois refusé la remise de l'ouvrage, au motif d'une différence de cote altimétrique entre la dalle réalisée et la route départementale. Les sociétés ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice d'une demande d'expertise.
8. Or, le rapport d'expertise relève que la cote altimétrique de la dalle routière au niveau de l'accès piéton s'établissait à 168,14 mètres, alors que le permis de construire en vigueur au moment de la réalisation des travaux, tel que modifié par le permis de construire modificatif n° 2, prévoyait une cote NGF de 168,65 mètres, supérieure de plus de 50 centimètres à la cote de la dalle effectivement réalisée. L'expert confirme également l'opinion du département des Bouches-du-Rhône, selon lequel cette différence ne permet pas une réalisation correcte de la plateforme routière. Il préconise, en conséquence, le remblaiement de la dalle sur une épaisseur de 50 centimètres environ.
9. Il résulte de ce qui précède que la dalle routière construite sous maîtrise d'ouvrage de la société Monachetto avait une cote trop basse d'une cinquantaine de centimètres environ, ce qui la rendait incompatible avec les exigences liées à la construction de la voirie. Son niveau ne pouvait, dès lors, être regardé comme " compatible avec les profils définitifs en long et en travers de ces futures voies ", comme l'imposait l'article 3.1 de la convention. Par conséquent, la plateforme ainsi réalisée souffrait de défauts nécessitant la réalisation de travaux de reprise.
10. A cet égard, la circonstance que, sur les plans joints à la demande de permis de construire modificatif n° 7, tacitement délivré par la commune, la cote altimétrique de la dalle ait été abaissée de 168,65 mètres à 168,14 mètres, est sans influence sur le respect de la convention du 14 janvier 2010 qui impose à la société un profil d'ouvrage compatible avec les profils définitifs des futures voies.
11. Le coût des travaux de reprise des malfaçons doit être évalué à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer. Il n'y a donc pas lieu d'actualiser le montant évalué par l'expert pour tenir compte de l'évaluation des coûts de la construction.
12. En revanche, comme le soutiennent les sociétés Monachetto et Grima, le coût des travaux de mise en œuvre de l'étanchéité, évalué à 38 500 euros toutes taxes comprises par l'expert, ne peut être mis à leur charge, dès lors que la convention liant ces sociétés à la commune les dispensait expressément de la réalisation des travaux d'étanchéité. Le montant des travaux de reprise doit donc être limité à 43 500 euros toutes taxes comprises.
13. La commune de Beausoleil est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a, dans cette mesure, rejeté sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation des sociétés Monachetto et Grima.
Sur l'appel incident :
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que l'ouvrage était en état d'être remis dès le 24 février 2012, date de l'achèvement des travaux. La date d'effet de la remise de l'ouvrage doit donc être avancée au 24 février 2012.
Sur les frais liés au litige :
15. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit laissée à la charge de la commune de Beausoleil, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Monachetto et Grima une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Beausoleil en remboursement des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La date de la remise des travaux à la commune de Beausoleil mentionnée par l'article 1er du jugement n° 1905251 du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Nice est avancée du 5 août 2015 au 24 février 2012.
Article 2 : L'article 1er du jugement du 11 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Les articles 2 à 4 du jugement du 11 avril 2023 sont annulés.
Article 4 : Les sociétés Monachetto et Grima sont condamnées, in solidum, à payer à la commune de Beausoleil la somme de 43 500 euros toutes taxes comprises.
Article 5 : Ces sociétés verseront à la commune de Beausoleil, chacune, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beausoleil, à la société Monachetto 07-07 et la société Grima 7-05.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.
N° 23MA01400 2