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11/12/2023 | FRANCE | N°22MA02726

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 11 décembre 2023, 22MA02726


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... et Mme A... C..., en qualité de représentants légaux de leur fille, B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d'annuler partiellement la décision du jury JG19 du baccalauréat général session 2022 du 8 juillet 2022 refusant à cette dernière la délivrance du diplôme du baccalauréat et, à titre subsidiaire, d'annuler totalement la décision contestée.



Par une ordonnance n° 2204267 du 26 septembre 2022, le p

résident de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.





Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme A... C..., en qualité de représentants légaux de leur fille, B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d'annuler partiellement la décision du jury JG19 du baccalauréat général session 2022 du 8 juillet 2022 refusant à cette dernière la délivrance du diplôme du baccalauréat et, à titre subsidiaire, d'annuler totalement la décision contestée.

Par une ordonnance n° 2204267 du 26 septembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Kojevnikov, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du jury du 8 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nice de la convoquer à nouveau pour une nouvelle session de l'épreuve orale terminale devant une composition différente du jury ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à ses parents sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance en litige est insuffisamment motivée ;

- l'ordonnance est dépourvue de base légale dès lors que le premier juge s'est borné à viser l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- le premier juge s'est mépris sur l'interprétation des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- la délibération est illégale en raison de la disparité de notation entre les candidats et des irrégularités ayant entaché le déroulement de l'épreuve, les membres du jury ayant méconnu l'obligation de s'abstenir de toute demande et commentaire concernant son établissement d'origine ou sa formation et ayant adopté une attitude inappropriée à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le recteur de l'académie de Nice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, la demande de Mme C... est irrecevable dès lors qu'elle n'est pas recevable à demander l'annulation d'une note ou d'une épreuve du baccalauréat, en tant que celles-ci ne sont pas détachables de la délibération du jury ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées, par courrier du 16 novembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice à avoir rejeté la demande de Mme C... par voie d'ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative alors que sa demande ne pouvait être regardée comme manifestement irrecevable.

Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites pour Mme C... le 21 novembre 2023 et communiquées le jour même.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la circulaire n° 2012-059 du 3 avril 2012 du ministre de l'éducation nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 23 septembre 2004, a été ajournée aux épreuves du baccalauréat pour la session 2022 par délibération du jury JG19 du 8 juillet 2022. Elle a obtenu à l'épreuve dite du grand oral la note de 4 sur 20. Par décision du 21 juillet 2022, le recteur de l'académie de Nice a rejeté le recours gracieux présenté par ses parents. Ces derniers, en tant que représentants légaux de leur fille, ont alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation partielle de cette délibération et, à titre subsidiaire, à l'annulation totale de cette même délibération. Par l'ordonnance du 26 septembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... fait appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " [...] les présidents de formation de jugement des tribunaux [...] peuvent, par ordonnance : [...] / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens [...] ".

3. Pour considérer la demande de Mme C... irrecevable, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice a opposé, s'agissant des conclusions principales à fin d'annulation partielle de la délibération du jury du 8 juillet 2022, le caractère irrecevable par nature de telles conclusions, ainsi qu'il lui appartenait de le faire. S'agissant des conclusions tendant à l'annulation totale de cette délibération, le même président s'est fondé sur la circonstance qu'il n'appartenait pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury sur les épreuves d'un candidat au baccalauréat dès lors que les notes attribuées et l'appréciation de la performance ne relevaient pas de considérations autres que la valeur du candidat ou qu'elle n'était pas entachée d'une erreur matérielle. Or, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation totale de la délibération du jury, Mme C... avait remis en cause les conditions matérielles du déroulement de l'épreuve du grand oral. Ainsi, elle soulevait un moyen qui n'était pas inopérant et sur lequel le premier juge devait se prononcer. Dans ces conditions, la seule circonstance qu'il n'appartenait pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury d'un concours sur la prestation d'un candidat, ainsi opposée par le premier juge, n'était pas de nature à lui permettre de regarder la requête de l'intéressée comme irrecevable et de la rejeter pour ce motif sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative précité.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice a statué par voie d'ordonnance sur la demande de Mme C.... Par suite, son ordonnance est entachée d'incompétence et doit être annulée. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire.

Sur le bien-fondé de la demande de Mme C... :

5. S'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury d'un concours sur la prestation d'un candidat, il lui appartient, en revanche, de vérifier qu'il n'existe, dans le choix du sujet d'une épreuve, aucune violation du règlement du concours de nature à créer une rupture d'égalité entre les candidats. A ce titre, il lui incombe notamment de contrôler que ce choix n'est pas entaché d'erreur matérielle, que le sujet peut être traité par les candidats à partir des connaissances que requiert le programme du concours et que, pour les interrogations orales, les questions posées par le jury sont de nature à lui permettre d'apprécier les connaissances du candidat dans la discipline en cause.

6. En premier lieu, en arguant de la disparité des notes et de l'absence d'harmonisation de ces notes, l'appelante remet ainsi en cause l'appréciation portée par le jury sur laquelle il n'appartient pas au juge de porter un quelconque contrôle.

7. En second lieu, Mme C... se plaint de ce que les membres du jury auraient méconnu l'obligation de s'abstenir de toute demande et commentaire concernant son établissement d'origine ou sa formation et aurait adopté une attitude inappropriée à son encontre. Toutefois, elle ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations si ce n'est l'attestation établie le 12 septembre 2022 et émanant d'une des membres du jury qui l'a interrogée, laquelle, au demeurant, dément les affirmations de l'intéressée. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à remettre en cause les conditions du déroulement de l'épreuve de grand oral.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense que la demande de Mme C... ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 26 septembre 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La demande de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au recteur de l'académie de Nice.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.

2

No 22MA02726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02726
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-02-01-01 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Enseignement du second degré. - Scolarité. - Notation et orientation.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : AK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22ma02726 ?
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