Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser une somme de 10 000 euros majorée des intérêts moratoires, en réparation du préjudice résultant pour lui de l'impossibilité de suivre la formation pour l'obtention du diplôme d'Etat de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (DEJEPS) " activité de plongée subaquatique ".
Par une ordonnance n° 2110822 du 7 juin 2022, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2022 et le 7 avril 2023, M. A..., représenté par Me Beaulac, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 7 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision portant rejet de sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de condamner le CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi, somme majorée des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'erreur de droit dès lors que contrairement à ce qu'a retenu la première juge, son recours n'annonçait pas de mémoire complémentaire ;
- c'est à tort que la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a fondé son ordonnance sur l'absence de transmission du contrat en cause alors qu'il lui appartenait d'en demander la production ;
- c'est également à tort qu'il lui a été opposée l'absence de bien fondé des moyens qu'il soulevait ;
- le CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur a commis une première faute en lui infligeant une sanction déguisée ;
- cet organisme de formation a commis une deuxième faute en n'exécutant pas le contrat de formation pourtant conclu avec lui ;
- en mettant fin à sa formation pour un motif non valide, le CREPS lui a fait perdre une chance de trouver un emploi et doit l'indemniser du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a en conséquence subis et de la perte de chance de bénéfice d'un emploi, à hauteur de 10 000 euros, somme majorée des intérêts moratoires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 novembre 2022 et 4 mai 2023, le centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, représenté par Me Veber, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un courrier du 2 août 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2011-630 du 3 juin 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Lapouble, pour le CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., demandeur d'emploi, a été admis au sein du CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur pour suivre une formation en vue d'obtenir le diplôme d'Etat de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (DEJEPS) " activité de plongée subaquatique " dont le financement était pris en charge par Pôle Emploi pour un montant de 2 464 euros. Considérant qu'il restait redevable de la somme de 25 euros, malgré plusieurs relances, le directeur du CREPS a décidé de suspendre la formation à distance suivie par l'appelant. Ce dernier a introduit une demande indemnitaire préalable des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de cette suspension à hauteur de 10 000 euros, demande rejetée par le CREPS par décision du 13 octobre 2021. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation du CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par l'ordonnance du 7 juin 2022, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait appel de cette ordonnance.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
En ce qui concerne le cadre légal et réglementaire :
2. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 6313-1 du code du travail : " Les actions concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle sont : / 1° Les actions de formation ; ".
3. La formation financée par Pôle Emploi d'un stagiaire demandeur d'emploi et dispensée par le CREPS, établissement public à caractère administratif, a le caractère d'un service public administratif. Les usagers de ce service public ne sauraient être regardés comme placés dans une situation contractuelle vis-à-vis de l'établissement concerné, alors même qu'ils concluent avec celui-ci un " contrat de formation professionnelle " dans les conditions fixées par les articles L. 6353-3 à L.6353-7 du code du travail. Le litige opposant un tel service public administratif à un de ses usagers ne peut être réglé sur un fondement contractuel, lequel n'est invocable que par un contractant de l'administration, qualité dont est dépourvu M. A....
En ce qui concerne les fautes alléguées :
4. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, M. A... ne se trouve pas dans une situation contractuelle vis-à-vis du CREPS mais a la qualité d'usager. Il n'est dès lors pas fondé à rechercher la condamnation de ce dernier sur le terrain de l'inexécution contractuelle.
5. En second lieu, en revanche, l'appelant est fondé à se prévaloir d'une faute dans l'exécution du service public de la formation. Il résulte de l'instruction qu'un premier devis a été établi le 18 novembre 2020 pour un montant de 1 915 euros pour une formation en vue d'obtenir le diplôme d'Etat de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (DEJEPS) " activité de plongée subaquatique " du 6 janvier au 25 juin 2021 concernant M. A... et portant sur un volume horaire de cent quatre-vingt-neuf heures pour un montant de 1 892 euros auxquels s'ajoutaient 25 euros au titre des frais administratifs de dépôt de dossier, et qu'un second devis a été établi par la suite, le 26 janvier 2021, et accepté par Pôle Emploi concernant le requérant pour la même formation du 11 janvier au 12 novembre 2021 pour un montant de 2 464 euros pour un volume horaire total de 1 295 euros sans mention de frais administratifs. Le " contrat de formation professionnelle " signé entre l'intéressé et le CREPS mentionne que le prix de la formation complète est de 3 024 euros (189 h x 16 euros l'heure en centre) maximum, et les conditions générales de vente indiquent dans l'article 4.1.2. " Tarifs des TEP organisés par le CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur " que " les frais d'inscriptions aux TEP sont définis en fonction de la mention. Ils sont disponibles au moment de l'inscription dans la documentation fournie sur le site internet de l'établissement pour chaque TEP ainsi qu'au moment du paiement. ". Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'au moment de l'inscription de M. A... et du paiement de sa formation telle qu'elle résulte du second devis, des frais d'inscription ou administratifs aient été portés à la connaissance de l'intéressé. Il s'ensuit que le CREPS ne pouvait ni réclamer le paiement de 25 euros à ce titre ni suspendre la formation suivie par M. A... en raison du non-paiement de ces frais.
6. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la suspension de M. A... par le CREPS pour non-paiement des frais administratifs ait été motivée par l'intention de le sanctionner en raison de son comportement et notamment de son refus que des vidéos réalisées par son professeur de communication soient diffusées sur des plateformes vidéos présentes sur Internet.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'en suspendant la formation suivie par M. A... pour non-paiement des frais d'inscription alors que ces frais n'avaient pas été portés à la connaissance de l'intéressé ni n'étaient présents sur le dernier devis de la formation qu'il envisageait de suivre, le CREPS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne le préjudice :
8. En premier lieu, M. A... réclame l'indemnisation de la perte de chance de trouver un emploi en raison de la suspension de sa formation. S'il verse une promesse d'embauche établie le 28 décembre 2020 pour un emploi de moniteur pour la période du 1er juin au 27 septembre 2021 sous réserve de l'obtention du DEJEPS, il ne saurait se prévaloir d'une quelconque perte de chance dès lors que la formation qu'il devait suivre en vue de l'obtention de ce diplôme et dont il a été privé commençait le 6 janvier 2021 et s'achevait au 12 novembre 2021.
9. En second lieu, si l'appelant fait valoir qu'il a dû changer d'orientation, ni la réalité de cette allégation ni un quelconque lien avec la suspension de sa formation pour défaut de paiement de 25 euros, ne résultent de l'instruction. M. A... ne peut dès lors prétendre à une indemnisation pour des troubles dans les conditions d'existence.
10. Enfin, il résulte de l'instruction que M. A... s'est vu suspendre sa formation pour non-paiement de la somme de seulement 25 euros pour une formation dont le coût total s'est élevé à 2 464 euros et dont il n'est pas établi qu'elle était effectivement due. Par suite, il y a lieu d'indemniser le préjudice moral de l'intéressé résultant de la situation dans laquelle il a été illégalement placé, à hauteur de 200 euros.
Sur les intérêts :
11. M. A... a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 200 euros à compter du 6 août 2021, date de réception de sa demande par le CREPS.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur dirigées contre M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 2 000 euros à verser à M. A... en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2022 est annulée.
Article 2 : Le CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur est condamné à verser à M. A... une somme de 200 euros au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021.
Article 3 : Le CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du CREPS de Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Copie en sera adressée à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.
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No 22MA02271