Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet territorialement de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2203180 du 4 janvier 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet du Var a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai, pendant la durée du réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Toulon n'était pas territorialement compétent pour statuer sur sa requête en application des dispositions de l'article R. 312-8 du code de justice administrative ;
- sa requête de première instance n'était pas tardive dès lors qu'il avait saisi le tribunal par courrier électronique dans le délai de recours contentieux ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- le droit à être entendu a été méconnu ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il présente des garanties de représentation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de base légale et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'est pas établi que le signataire de la décision fixant le pays de destination aurait bénéficié d'une délégation de signature régulière.
La procédure a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité algérienne, serait entré en France le 6 septembre 2019. Interpelé dans le cadre d'un contrôle d'identité, il a, par un arrêté du préfet du Var en date du 4 novembre 2022, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an et fixation du pays de destination. Par une ordonnance du 4 janvier 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté comme étant irrecevable la requête de M. B... dirigée contre cet arrêté. M. B... interjette appel de ladite ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne la compétence territoriale du tribunal administratif de Toulon :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 312-8 du code de justice administrative : " Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises à l'encontre de personnes par les autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs de police relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence des personnes faisant l'objet des décisions attaquées à la date desdites décisions (...) ". Il résulte desdites dispositions que les décisions attaquées, qui constituent des mesures prises dans l'exercice du pouvoir de police ne relevant d'aucune des dérogations listées audit article, relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence de M. B.... Or, il ressort des pièces du dossier que ce dernier résidait, à la date des décisions attaquées, en Seine-Saint-Denis. Par suite, le tribunal administratif de Montreuil était, en application des dispositions de l'article R. 221-3 du même code, compétent pour statuer sur la requête de M. B....
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation. ". Dès lors que l'exception d'incompétence du tribunal administratif de Toulon avait été soulevée par M. B... dans son mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal administratif de Toulon le 7 décembre 2022 et que le président de la 2ème chambre du tribunal l'a implicitement écartée en se prononçant sur la recevabilité de la requête, ce moyen peut être utilement soulevé par M. B... devant la Cour.
4. Toutefois, aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. " Il y a lieu, par suite, pour la Cour, avant de statuer sur la compétence territoriale, de se prononcer sur la recevabilité de la requête de première instance de M. B....
En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure.
Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 414-2 du code de justice administrative : " Les personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, autres que celles chargées de la gestion permanente d'un service public, peuvent adresser leur requête à la juridiction par voie électronique au moyen d'un téléservice accessible par le réseau internet. / Ces personnes ne peuvent régulièrement saisir la juridiction par voie électronique que par l'usage de ce téléservice. ". S'il en résulte qu'une requête que son auteur choisit d'introduire par voie électronique ne peut être regardée comme recevable si elle n'est pas introduite par le téléservice visé par cet article, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, dans le délai de recours contentieux, la juridiction soit saisie d'une requête par un autre moyen de communication électronique, notamment un courrier électronique, à condition que son auteur l'authentifie ensuite par l'utilisation du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 ou par l'envoi postal ou le dépôt au greffe d'un exemplaire de sa requête signé sur support papier.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été notifié à M. B... le 4 novembre 2022 à 15 h 45. Par un courrier électronique en date du 5 novembre 2022 à 21 h 35, soit dans le délai de recours contentieux de 48 heures prévu par les dispositions précitées de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a saisi le greffe du tribunal administratif de Toulon d'une requête dirigée contre cet arrêté. Le greffe du tribunal a accusé réception de cette requête le lundi 7 novembre 2022. Par ailleurs, M. B... a authentifié son recours par une lettre manuscrite enregistrée au greffe du tribunal le 17 novembre 2022 ainsi que par le biais d'un mémoire adressé par son avocat par l'application Télérecours le 7 décembre 2022. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que sa requête de première instance n'était pas tardive et que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon l'a rejetée pour tardiveté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée et que le dossier doit, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative dont il résulte que : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente (...) ", être renvoyé au tribunal administratif de Montreuil.
Sur les frais d'instance :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme réclamée par M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2203180 du 4 janvier 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : M. B... est renvoyé devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à la présidente du tribunal administratif de Montreuil.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2023.
N° 23MA00291 2
fa