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08/12/2023 | FRANCE | N°22PA02579

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 08 décembre 2023, 22PA02579


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Centre des monuments nationaux (CMN) à lui verser une somme totale de 898 922 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises par cet établissement public.



Par un jugement n° 1909017 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire am

pliatif, enregistrés les 6 juin 2022 et 24 avril 2023, M. A..., représenté par Me Batôt, demande à la Cour :



1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Centre des monuments nationaux (CMN) à lui verser une somme totale de 898 922 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises par cet établissement public.

Par un jugement n° 1909017 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 6 juin 2022 et 24 avril 2023, M. A..., représenté par Me Batôt, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909017 du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner le CMN à lui verser la somme de 898 922 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par cet établissement ;

3°) de mettre à la charge du CMN une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- il est irrégulier pour n'avoir pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'illégalité de son recrutement comme agent public pour l'exercice d'une activité exclusivement privée, dédiée à l'organisation d'événements par des organisations à but lucratif ;

- à tout le moins, le moyen a été écarté sans que soit satisfaite l'obligation de motivation portée par l'article L. 9 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- son contrat de travail était illégal en tant qu'il ne prévoyait pas l'exercice de missions de service public mais de missions exclusivement dévolues à l'organisation de concerts par des sociétés privées ;

- ses conditions de rémunération étaient illégales dès lors qu'il aurait dû bénéficier du taux de rémunération des heures dites de mécénat prévu par le décret n° 2010-147 du 15 février 2010 ;

- en tout état de cause, le système de recrutement mis en place par le CMN crée une différence de traitement illégale entre agents publics recrutés exclusivement pour les missions d'accompagnement de sociétés tierces et les autres agents du CMN, seuls éligibles au bénéfice des heures de mécénat ;

- son contrat de travail était au surplus illégal pour prévoir une rémunération non conforme aux missions de responsable d'équipe, voire de régisseur de spectacles, effectivement réalisées par lui ;

- les illégalités fautives commises par le CMN lui ont causé des préjudices dont la réparation intégrale lui ouvre droit au versement de la somme de 898 922 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2023, le CMN, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qu'y soulève M. A... ne sont pas fondés et à ce qu'il soit mis à sa charge une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 95-239 du 2 mars 1995 ;

- le décret n° 2010-147 du 15 février 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- les observations de Me Batôt pour M. A...,

- et les observations de Me Brecq-Coutant pour le CMN.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été employé par le Centre des monuments nationaux (CMN) par plusieurs contrats à durée déterminée entre juillet 2006 et août 2014 pour assurer l'accueil et la surveillance lors des concerts donnés en soirée à la Sainte-Chapelle. Par un contrat du 6 octobre 2014, il a été rétroactivement recruté en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2014 pour assurer des missions d'accueil et de surveillance à la Sainte-Chapelle mais également aux Tours de Notre-Dame et à la Conciergerie. Par un courrier du 30 décembre 2018, M. A... a demandé au CMN de l'indemniser des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises par cet établissement public. Par une décision du 27 février 2019, le CMN a rejeté cette demande. Par la présente requête, M. A... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1909017 du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CMN à lui verser la somme de 895 333 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises selon lui par cet établissement public.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. M. A... soutient qu'il a contesté la légalité de son recrutement comme agent public pour une activité dédiée exclusivement à l'activité privée d'organisation de concerts dans la Saint-Chapelle par des organisations à but lucratif et que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Toutefois, après avoir énoncé ce moyen, les premiers juges ont estimé, au point 10 du jugement, qu'" à supposer même que le Centre des monuments nationaux ait commis une illégalité en recrutant des agents contractuels spécifiquement pour assurer cette mission, plutôt qu'en faisant appel au volontariat de ses agents et en les rémunérant en heures dites " de mécénat ", cette faute n'a causé aucun préjudice direct à M. A... ". En refusant ainsi d'accueillir le moyen, auquel il a répondu contrairement à ce soutient M. A..., au motif que l'illégalité alléguée est sans lien direct et certain avec les préjudices invoqués, le tribunal, qui n'était pas saisi d'un recours en excès de pouvoir contre le contrat de travail de droit public de M. A... mais d'un recours de plein contentieux indemnitaire, a suffisamment motivé le jugement attaqué au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative. Par ailleurs et en tout état de cause, le bien-fondé de cette motivation est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 février 2010 fixant les modalités de rétribution des personnels relevant du ministère de la culture et de la communication et de ses établissements publics participant à l'organisation de manifestations au profit de tiers : " Une rétribution est versée, dans les conditions prévues au présent décret, aux personnels visés à l'article 2 qui, en dehors de leurs obligations statutaires de service, collaborent à la tenue de manifestations en faveur de personnes physiques ou morales tierces aux établissements ou services, en contrepartie d'actes de mécénat ou de parrainage, de location de salles ou autres surfaces, à titre gratuit ou onéreux, ou participent à l'organisation de tournages de films ou de prises de vues ". L'article 2 du même décret dispose : " Peuvent être rétribués les personnels de toutes catégories qui exercent leurs fonctions dans les services centraux, les services déconcentrés, les services à compétence nationale ou les établissements publics nationaux relevant du ministère chargé de la culture. / Cette rétribution est exclusive des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, fixées par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaire ".

5. En premier lieu, M. A... soutient que l'activité induite, du fait des obligations de sécurité pesant sur les établissements recevant du public, par les autorisations d'occupation temporaire que consent le CMN sur son domaine public, ne peut légalement être exercée que par deux types de personnels, à savoir soit des prestataires privés extérieurs, dont le coût est refacturé au bénéficiaire de l'autorisation, soit des agents du CMN dans le cadre du décret n° 2010-147 du 15 février 2010, c'est-à-dire sur la base du volontariat et moyennant la rémunération avantageuse en heures dites de mécénat. Il en déduit que le CMN a procédé à un détournement des règles de gestion et des règles statutaires en le recrutant dans l'unique but d'assurer, sans avoir à faire application du décret n° 2010-147, des missions d'accueil, de surveillance et d'accompagnement de sociétés privées bénéficiant d'une autorisation pour organiser des concerts au sein de la Sainte-Chapelle. Toutefois, et alors que le requérant admet par cette argumentation qu'il n'avait pas droit, en vertu de son contrat, à des heures de mécénat dans la mesure où ces heures n'étaient pas effectuées en supplément de son service habituel, le détournement des règles de gestion statutaire qu'il invoque est, à le supposer fondé, insusceptible de lui avoir directement créé un quelconque préjudice.

6. En second lieu, M. A... soutient que le CMN est fautif d'avoir méconnu le principe d'égalité entre les agents publics recrutés pour effectuer les missions d'accompagnement des sociétés organisatrices de concerts et les autres agents, qui peuvent, en complément de leur rémunération, bénéficier d'heures de mécénat en supplément de leurs obligations statutaires ou contractuelles. La différence de traitement concernant l'accès au régime de primes institué par le décret n° 2010-147 qu'invoque le requérant, qui ne trouve pas son origine dans une différence statutaire, est toutefois en lien direct avec son objet, à savoir la rémunération de fonctions exercées en-dehors des obligations statutaires de service. La différence de traitement qui en résulte entre l'une et l'autre catégorie d'agent repose ainsi sur des éléments objectifs liés aux missions de ces agents et aux conditions matérielles de leur exercice.

7. En troisième lieu, M. A... soutient que son contrat à durée indéterminée aurait dû être modifié dès lors qu'il exerçait en réalité des fonctions de responsable des concerts, voire de régisseur de spectacles, ce qui correspond à un métier du groupe 2 dans la taxinomie des métiers de l'établissement public. Toutefois, il produit pour l'essentiel, au soutien de cette allégation, des courriels qui décrivent le fonctionnement de l'équipe en charge des concerts à la Sainte-Chapelle, sans que son rôle y apparaisse comme relevant d'une qualification particulière ou impliquant des missions spécifiques. Ainsi, le courrier du 15 juillet 2014 par lequel cette équipe, alors contractuelle, demande la pérennisation des contrats de travail des agents qui la composent, mentionne l'intéressé comme " agent " quand d'autres membres s'y présentent comme " régisseur / responsable ". Quant à la fiche d'entretien professionnel pour l'année 2016 dont se prévaut le requérant, elle ne fait pas état, quand bien même il a pu ponctuellement être responsable, au cours d'une soirée, de la désignation des vacataires sur les différents postes de travail, de ce que l'intéressé aurait exercé des fonctions distinctes des fonctions d'exécution qui sont celles de sa fiche de poste, M. A... y portant du reste comme commentaire, à la fin de cette évaluation, " J'espère à terme évoluer vers le statut de fonctionnaire de catégorie B ". Il en résulte que les pièces produites par le requérant ne suffisent pas à établir qu'il aurait occupé un emploi ne correspondant pas à la fiche de poste associée à son contrat de travail. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le CMN aurait commis une faute en ne procédant pas à la modification de son contrat.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CMN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A... la somme qu'il lui réclame au titre des frais exposés dans l'instance.

10. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... une somme de 700 euros au titre des frais exposés dans l'instance par le CMN.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au Centre des monuments nationaux une somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au Centre des monuments nationaux.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Perroy, premier conseiller,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de la culture ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0257902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02579
Date de la décision : 08/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET OFFICIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-08;22pa02579 ?
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