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08/12/2023 | FRANCE | N°22NT01241

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 08 décembre 2023, 22NT01241


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du

12 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 1912715 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 avril et 16 août 2022, M. A..., représenté

par la SELARL Juris, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2022 du tribunal administratif de Nant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du

12 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1912715 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 avril et 16 août 2022, M. A..., représenté par la SELARL Juris, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 12 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui octroyer la nationalité française, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de produire tout justificatif relatif à la demande de levée d'acte accomplie auprès des autorités mauritaniennes ;

- il remplit toutes les conditions de recevabilité pour être naturalisé ;

- il est assimilé et bien inséré professionnellement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 25 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 12 novembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de naturalisation. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour écarter le moyen tiré de ce que le ministre chargé des naturalisations aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il existait des incertitudes sur l'état civil exact de M. A..., les premier juges ont retenu que si ce dernier a produit deux jugements visant à substituer, dans ses actes d'état civil, de nouveaux patronymes aux patronymes initiaux de son père et de sa mère, le ministre de l'intérieur a fait valoir sans être sérieusement contredit qu'une levée d'acte opérée auprès des autorités mauritaniennes avait conclu au caractère frauduleux de ces jugements correctifs et que, si l'intéressé avait bien sollicité la modification de son identité au cours de l'année 2018 pour se faire enregistrer sous le nom de M. B... A..., il avait déclaré à cette occasion, non seulement des patronymes différents pour ce qui concerne son père et sa mère, mais également un lieu de naissance différent pour ce qui le concerne ainsi que des dates et lieux de naissance différents pour ce qui concerne ses parents. Par ces énonciations précises et circonstanciées, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, le bien-fondé de la réponse qu'ils ont apportée en retenant que les autorités mauritaniennes avaient été saisies d'une demande de levée d'acte étant, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française aux étrangers qui la demandent. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les incertitudes pouvant exister sur l'état civil exact du postulant.

5. Pour rejeter la demande de naturalisation de M. A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur ce que l'extrait d'acte de naissance et les jugements correctifs des noms du père et de la mère produits par le requérant étaient affectés d'incohérences quant à l'identité de ses parents, leur retirant tout caractère probant.

6. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, titulaire d'un titre de séjour qui lui a été délivré le 12 février 2013, au nom B... M'Zeirigue né à Nouakchott, sur présentation d'un acte de naissance n°2306962, indiquant qu'il est le fils F... C..., né en 1948, et de Khdeïdja Ejed, née en 1966, tous deux de nationalité mauritanienne, a déclaré, à l'appui de sa demande de naturalisation s'appeler M. B... A..., né à Ksar, fils de D... A..., né le 1er janvier 1973, de nationalité française, et de Zeina M'Boirick, née le 31 mai 1973, de nationalité mauritanienne.

7. Pour justifier de sa nouvelle identité, le requérant produit un passeport délivré le 18 mars 2017, trois jugements " correctifs ", n°51, n°56 et n°57/2016 du 18 janvier 2016, rendus par le tribunal de la Moughata d'Arafat, ordonnant de substituer aux patronymes initiaux de son père et sa mère, à savoir, respectivement B... M'Zeirigue C... et Khadijetou El Jid, ceux de B... D... Lemine Sid A... et Zeina Ahmed M'Boirick, dans les actes de l'intéressé et ceux de ses parents, ainsi qu'un extrait d'acte de naissance émis le 7 août 2018, à la suite des jugements correctifs du 18 janvier 2016. Cet acte de naissance indique que le père et la mère du requérant sont nés, respectivement, en 1973 et 1975, alors que l'acte de naissance initial n°2306962 indiquait des naissances en 1948 et en 1966 et que les jugements correctifs rendus pour le rectifier ne mentionnent pas les dates de naissance des parents ni n'ordonnent de les modifier. Alors que l'ambassade de France à Nouakchott, consultée sur ce point par les services du sous-préfet de Saint-Denis, a expressément relevé cette importante anomalie, dans un courriel du 19 février 2019 communiqué au requérant dans le cadre du débat contradictoire, ce dernier n'a apporté aucun élément de nature à l'expliquer. Ces incohérences entre les différents actes produits par M. A... sont de nature à mettre en doute leur authenticité et à leur ôter toute valeur probante. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé produit un passeport mauritanien récent au nom de M. B... A... ainsi qu'un certificat de concordance établi le 6 avril 2016 par le service consulaire de l'ambassade de la République Islamique de Mauritanie à Paris, certifiant qu'Issa A... et B... M'Zeirigue sont une seule et même personne, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les incertitudes sur son état civil ne permettaient pas d'établir l'identité de M. A....

8. En second lieu, le ministre de l'intérieur, par la décision contestée, n'a pas constaté l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de M. A..., mais a estimé, sur le fondement de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993, qu'il n'y avait pas lieu d'y faire droit pour les motifs qui viennent d'être énoncés. Compte tenu des motifs qui fondent la décision contestée, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il remplirait les conditions de recevabilité énoncées aux articles 21-15 et suivants du code civil.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... au titre des frais de procès.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLe greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01241
Date de la décision : 08/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET JURIS (SELARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-08;22nt01241 ?
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