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07/12/2023 | FRANCE | N°23LY01284

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 07 décembre 2023, 23LY01284


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse déposée le 31 août 2021 et l'arrêté notifié le 7 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande.



Par un jugement nos 2206394, 2207415 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.



Proc

dure devant la cour



Par une requête enregistrée le 13 avril 2023, M. C... A..., représenté par Me Cout...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse déposée le 31 août 2021 et l'arrêté notifié le 7 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande.

Par un jugement nos 2206394, 2207415 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 avril 2023, M. C... A..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 11 octobre 2022 et la décision notifiée le 7 novembre 2022 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'admettre Mme A... née E... D... au bénéfice du regroupement familial, dans les 8 jours de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de l'Isère a méconnu les articles L. 434-6 et L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 22 octobre 1976, entré sur le territoire français en 2002 selon ses déclarations, père de trois enfants issus d'une première union avec une ressortissante française, est titulaire d'une carte de résident valable dix ans. M. A... s'est remarié en juillet 2021 avec Mme D... E... de nationalité marocaine. Il a déposé, le 31 août 2021, une demande de regroupement familial au profit de celle-ci, laquelle a donné lieu à une décision de rejet implicite. Par une décision du 11 octobre 2022, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande. Par une ordonnance du 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu l'exécution de la décision du 11 octobre 2022 et a enjoint au préfet de l'Isère de prendre une nouvelle décision sur la demande de regroupement familial présentée par M. A... dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. En exécution de cette injonction, le préfet de l'Isère a pris une nouvelle décision de rejet, non datée, qui a été notifiée à l'intéressé le 7 novembre 2022. Par une ordonnance du 7 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu l'exécution de la décision notifiée le 7 novembre 2022 et a enjoint au préfet de l'Isère d'admettre provisoirement Mme A... au bénéfice du regroupement familial dans le délai de quinze jours à compter de sa notification. M. A... relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint ses demandes tendant, l'une, à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet sur sa demande de regroupement familial et, l'autre à l'annulation de la décision par laquelle le préfet a rejeté sa demande, qui lui a été notifiée le 7 novembre 2022, et estimé que ses conclusions dirigées contre le refus implicite devaient être regardées comme dirigées contre la décision de refus du 11 octobre 2022, les a rejetées.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 434-6 de ce code : " Peut être exclu du regroupement familial : 1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public (...) ". Aux termes de l'article L. 434-7 du même code : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : (...) 3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ".

3. Pour rejeter la demande de regroupement familial par décision du 11 octobre 2022, le préfet a estimé que M. A... ne respecte pas les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France dès lors que, le 21 octobre 2021, il a été condamné à payer 8 euros par jour pendant soixante jours pour dégradation d'un bien appartenant à son ex-épouse avec la volonté de nuire, que des condamnations ont déjà été prononcées pour violence sans incapacité à l'égard de son ex-conjointe et que M. A... ne paie pas de pensions alimentaires concernant deux de ses enfants. Quant à la décision de refus de regroupement familial notifiée le 7 novembre 2022, elle est aussi fondée sur le motif que M. A... ne respecte pas les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France, le préfet ayant retenu, outre la condamnation précitée du 21 octobre 2021, qu'il est défavorablement connu des services de police selon un document établi par le maire de Voiron, qu'en 2016, il a été entendu pour des violences ayant entrainé une incapacité totale de travail inférieure à huit jours sur son ex-conjointe et pour des menaces de crime contre des personnes, qu'en 2009, il a été entendu pour outrage à l'égard d'une personne chargée d'une mission de service public et destruction de bien public, qu'il ne se conforme pas à la décision du juge aux affaires familiales du 14 octobre 2020 lui ordonnant d'assumer seul tous les frais relatifs à l'entretien et l'éducation de son fils B..., et enfin que M. A... a indiqué, par courriel du 14 septembre 2022, avoir besoin de son épouse car il " n'arrive pas à faire des tâches ménagères dans ma vie ".

4. D'une part, par un arrêt du 21 octobre 2021, la cour d'appel de Grenoble a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Grenoble qui avait condamné M. A... à soixante jours - amende d'un montant unitaire de 8 euros pour destruction d'un bien appartenant à son ex-conjointe, en l'occurrence son véhicule, commise en novembre 2019. De plus, cet arrêt indique que M. A... a également fait l'objet d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement avec sursis par un jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 30 novembre 2016 pour violences suivies d'une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours sur son ex-conjointe, ces violences étant prises en considération par la cour quand bien même cette condamnation n'apparaissait désormais plus sur le casier judiciaire du requérant. Si les faits de violence ayant donné lieu à cette dernière condamnation sont anciens, ils ont conduit à une incapacité totale de travail de son ex-épouse, et M. A... s'en est pris à nouveau à son ex-conjointe en novembre 2019. Eu égard à leur nature, à leur gravité et à leur répétition, les faits de violence commis à l'encontre de son ex-conjointe suffisent à caractériser la méconnaissance par M. A... des principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France. Il en résulte que, quand bien même les autres faits sur lesquels s'est fondé le préfet, sont soit insuffisamment établis, soit ne relèvent pas de ces principes essentiels, que le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en se fondant sur ce motif pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation, ainsi que celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 434-6 qui est inopérant, doivent être écartés.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet d'obliger M. A... à quitter le territoire français. Son mariage en juillet 2021 était encore récent à la date des décisions en litige. En outre, le requérant, ressortissant marocain, peut se rendre sans obstacle au Maroc pour y voir son épouse, et les documents produits en appel par M. A... ne permettent, en tout état de cause, pas d'établir que son épouse aurait fait l'objet de refus de visa pour lui rendre visite en France dès lors qu'ils ne font référence qu'à des démarches en vue de déposer une demande de visa. Dans ces conditions, en rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. A..., le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY01284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01284
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;23ly01284 ?
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