Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois et, d'autre part, la décision du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2300402-2300403 du 28 février 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023 sous le n° 23LY01093, M. C..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois est illégale en raison de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle mentionne de manière erronée un séjour irrégulier en France depuis sept ans ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2023, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023 sous le n° 23LY01097, M. C..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête n° 23LY01097 a été dispensée d'instruction.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances par des décisions du 19 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant mauricien né le 24 mars 1979, est entré régulièrement en France le 7 juin 2008. Il a obtenu, le 20 août 2013, un titre de séjour en qualité de salarié, renouvelé en dernier lieu jusqu'au 19 avril 2019. Le 24 février 2022, la préfète de l'Allier a refusé de lui renouveler son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 22 février 2023, la préfète de l'Allier l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. M. C... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Les affaires enregistrées sous les n° 23LY01093 et 23LY01097 concernent un même ressortissant étranger, sont dirigées contre le même jugement et les mêmes décisions, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. C... se prévaut de sa résidence en France depuis 2008 et de la présence, sur le territoire national, de sa mère et de son père adoptif, de nationalité française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C..., âgé de quarante-trois ans à la date de la décision contestée, est célibataire et sans charge de famille. S'il justifie avoir travaillé pendant qu'il disposait d'un titre de séjour, entre 2013 et 2019, la préfète rappelle, dans la décision contestée, qu'il a été placé en garde à vue en février 2023 pour conduite d'un véhicule après avoir fait usage de produits stupéfiants, alors qu'il était déjà connu des services de police pour des faits de détention et usage de stupéfiants, conduite d'un véhicule en dépit d'une suspension du permis de conduite, abus de confiance, port sans motif légitime d'une arme blanche de catégorie D et récidive de conduite sous l'emprise de stupéfiants. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, en dépit du décès de ses grands-parents. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, l'obligation de quitter le territoire français contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doivent être écartés.
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire.
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. En premier lieu il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les décisions obligeant M. C... à quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire ne sont pas illégales. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision désignant le pays de renvoi, M. C... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
12. La préfète de l'Allier, après avoir visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indiqué que M. C... ne justifiait pas de liens personnels et familiaux en France suffisamment anciens, stables et intenses, s'est fondée, pour édicter à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, sur la circonstance qu'il se maintenait en situation irrégulière sur le territoire national, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière. Ce faisant, et alors que la préfète n'a pas entendu lui opposer l'existence d'une menace à l'ordre public, elle a pris en compte l'ensemble des critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté.
13. Si la préfète a indiqué que M. C... se maintenait en situation irrégulière en France depuis sept ans, cette mention constitue une simple erreur de plume, dès lors qu'elle a précédemment indiqué, dans l'arrêté en litige, que le refus de renouvellement de son titre de séjour lui avait été notifié le 1er mars 2022 et qu'il se maintenait irrégulièrement sur le territoire national depuis un an.
14. M. C..., qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai de départ volontaire, entre dans le cas prévu au premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où le préfet doit assortir son obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf s'il existe des circonstances humanitaires y faisant obstacle. A cet égard, les éléments avancés par M. C..., tirés de sa durée de présence en France et de sa situation familiale, ne suffisent pas, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, à caractériser l'existence de circonstances humanitaires au sens de ces dispositions. Par suite, en édictant, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, la préfète de l'Allier n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
15. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 14 ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
17. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté sont devenues sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23LY01097 de M. C....
Article 2 : La requête n° 23LY01093 de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01093-23LY01097