Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 13 juillet 2022 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé
de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai
de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2205045 du 11 janvier 2023, le tribunal administratif
de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 16 juin 2023, M. A..., représenté par Me Bâ, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " étudiant " ou " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et de lui délivrer dans l'attente un récépissé avec autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil la somme
de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé au regard de sa volonté de mener ses études à leur terme, de ses attaches et de son intégration en France et de l'absence d'accès effectif à son traitement médical aux Comores ;
- il est entaché d'une omission à statuer, les premiers juges n'ayant pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, qu'ils ont pourtant visé et qui n'était pas inopérant ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et repose sur des éléments erronés tels que l'absence d'ancienneté de séjour, l'absence d'insertion durable ou l'absence de ressources personnelles ;
- elle méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile, dès lors que sa progression modérée dans ses études est justifiée
par ses problèmes de santé ; le certificat médical justifiant son absence aux épreuves
du 14 juin 2022 puis son hospitalisation sous la contrainte, postérieurement à la session d'examen de juin 2022, démontrent l'existence de troubles psychiques préexistants ; il bénéficie d'ailleurs d'une prise en charge médicale depuis plusieurs années et démontre sa volonté de réussir ses études ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le médicament qui lui est prescrit et le suivi psychiatrique dont il a besoin ne sont pas disponibles aux Comores ; le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est opérant puisque le préfet a examiné d'office s'il entrait dans un autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit, alors même qu'il n'aurait pas transmis l'ensemble des documents médicaux à l'appui de sa demande ;
- en raison de ses problèmes de santé expliquant sa progression insuffisante dans ses études, le préfet a commis une erreur manifeste en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison
de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est opérant alors même que le préfet n'aurait pas eu connaissance de l'ensemble des documents médicaux et qu'aucune demande de titre de séjour en raison de l'état de santé n'aurait été présentée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle puisqu'à la date à laquelle l'arrêté a été édicté, il était placé en hospitalisation sous contrainte ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des deux décisions de refus de séjour et d'éloignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance, qu'il produit.
Il fait valoir en outre que M. A... a déposé une demande d'admission au séjour en raison de son état de santé le 19 juillet 2023, ce qui démontre que sa précédente demande, datée du 18 février 2022, ne reposait que sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision
du 11 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux
articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 23 mars 1990, est entré en France
le 26 novembre 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant ". Il a obtenu successivement plusieurs cartes de séjour temporaires en cette qualité, dont la dernière était valable jusqu'au 18 février 2022. A cette date, il a sollicité le renouvellement de son droit au séjour. Par un arrêté du 13 juillet 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 11 janvier 2023
par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués par M. A..., ont suffisamment répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 422-1 et L. 423-23 et des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en relevant, d'une part, que M. A... n'alléguait ni ne justifiait avoir transmis à la préfète des éléments relatifs à son état de santé expliquant ses mauvais résultats aux examens trois années de suite et qu'il n'apportait aucun élément pour justifier son absence aux épreuves de la session de juin 2022 autres que celles qui ont eu lieu le 14 juin 2022, d'autre part qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la décision de refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale compte tenu de l'absence d'attaches fortes sur le territoire et, enfin, que les éléments produits pour la première fois au contentieux ne permettaient pas d'établir que le traitement médical dont il a besoin ne serait pas disponible dans son pays d'origine.
4. En second lieu, contrairement à ce qu'il est soutenu, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au point 9 de leur jugement.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2022 :
5. L'arrêté en litige mentionne l'objet de la demande, à savoir le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et énonce que trois ajournements attestent une absence de caractère réel et sérieux des études entreprises. Il ajoute que M. A... ne démontre pas l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France, et qu'il n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. L'arrêté énonçant ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquels il est fondé, il est suffisamment motivé.
6. Il ressort de la motivation de l'arrêté que la préfète de la Gironde a procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... La circonstance qu'elle ait estimé qu'il n'avait pas une ancienneté significative sur le territoire ou ne démontrerait pas son insertion durable dans la société française ne suffit pas à révéler un défaut d'examen, pas plus que l'erreur commise sur l'absence de ressources personnelles.
7. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) ". Il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement et sérieusement des études. A cet égard, le caractère réel et sérieux de ces études est subordonné à une progression régulière de l'étudiant et à la cohérence de son parcours.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est inscrit, depuis la rentrée universitaire 2018/2019, en 3e année de licence de droit, mention droit public. Il a été ajourné à trois reprises avec des moyennes de 1 sur 20 en 2018/2019, de 5,7 sur 20 en 2019/2020 et de 2,7 sur 20 en 2020/2021. Pour l'année 2021/2022, il produit un certificat justifiant de son absence pour raisons médicales aux deux épreuves qui avaient lieu le 14 juin 2022. Il soutient que son absence de réussite dans ses études s'explique par un syndrome dépressif pour
lequel il bénéficie d'une prise en charge depuis juin 2020 et qui a justifié l'octroi en mai 2022 d'un tiers temps pour les examens et son hospitalisation complète en soins psychiatriques, à compter du 7 juillet 2022 à l'hôpital Charles Perrens de Bordeaux. Toutefois, les pièces médicales, qui au demeurant sont produites pour la première fois au contentieux, ne permettent pas d'établir un lien entre les problèmes de santé et l'absence de réussite dans ses études. Si M. A... produit le calendrier de la seconde session d'examens qui a débuté
le 14 juin 2022, il n'apporte aucune précision sur les résultats qu'il a obtenus lors de la première session de l'année 2021/2022. Par ailleurs, M. A... démontre travailler à temps complet depuis le 21 août 2021, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui limite à 60 % la durée de travail annuelle des étudiants afin que l'exercice d'une activité professionnelle reste accessoire par rapport à leurs études. Dans ces conditions, en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Alors même que la préfète de la Gironde a estimé que M. A... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un autre titre de séjour de plein droit, le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la délivrance d'une carte de séjour en raison de son état de santé, dès lors que cette délivrance repose sur la transmission par le demandeur d'un certificat médical adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, conformément à l'article R. 425-12 du même code, et qu'il est constant, en l'espèce, que M. A... n'a ni suivi cette procédure, ni transmis à la préfète de pièces relatives à son état de santé.
10. M. A... était présent en France depuis moins de quatre ans à la date de l'arrêté en litige pour y suivre des études. Il ne fait état d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire, si ce n'est sa mère qui vit en Bourgogne et dont il a été séparé depuis l'âge
de 10 ans et son placement dans une famille d'accueil. Dans ces conditions, eu égard aux éléments factuels rappelés au point 8 et alors que son hospitalisation d'office est postérieure à l'arrêté en litige, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. A....
11. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Conformément à l'article 9 de l'arrêté
du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux dispositions auparavant codifiées aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile, l'étranger qui sollicite le bénéfice de la protection prévue par les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 est tenu de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier.
13. Il est constant que M. A... n'a pas transmis de certificat médical relatif à son état de santé. Dans ces conditions, il ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance par la préfète de la Gironde des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour, en raison de son état de santé, le 19 juillet 2023, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise le 13 juillet 2022.
14. Eu égard à ce qui a été dit précédemment et alors que l'hospitalisation sous contrainte n'a été décidée que le 29 juillet 2022, soit postérieurement à l'arrêté en litige, la préfète de la Gironde n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
15. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté
sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2022. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
Le président,
Luc Derepas
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01646