Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A..., la société civile immobilière GI FI CRI, la société civile immobilière Le Parc de J.A.C. et la société civile immobilière La Croix de Fer ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le maire de Sauvian a délivré un permis de construire à la société par actions simplifiée Ilot Rive Droite ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 2101762 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°22MA01304 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°22TL21304 le 7 juin 2022, M. A..., la société civile immobilière GI FI CRI, la société civile immobilière Le Parc de J.A.C. et la société civile immobilière La Croix de Fer, représentés par MB Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le maire de Sauvian a délivré un permis de construire à la société par actions simplifiée Ilot Rive Droite ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sauvian une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir dès lors qu'ils sont propriétaires de parcelles qui constituent, pour l'essentiel, le terrain d'assiette de l'opération projetée ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et a statué infra petita au regard du moyen soulevé en première instance et tiré de l'incompatibilité de la décision attaquée avec l'orientation 3.1.1. du schéma de cohérence territoriale du Biterrois fixant un taux de croissance démographique de 1,1% ;
- le permis de construire valant permis de démolir méconnaît les articles R. 423-1 et R. 451-1 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté attaqué est illégal du fait de l'illégalité de la modification du plan local d'urbanisme approuvée le 12 octobre 2020, cette dernière étant intervenue en dehors du champ d'application des articles L. 153-31 et L. 153-34 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté attaqué est illégal du fait de l'illégalité de la modification du plan local d'urbanisme approuvée le 12 octobre 2020, cette dernière méconnaissant l'axe 3 du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme concernant l'objectif de valorisation du patrimoine communal ;
- en raison des illégalités de la modification du plan local d'urbanisme, le permis de construire ne pouvait être délivré sans méconnaître le règlement de la zone UA remis en vigueur en raison d'une hauteur excessive du bâtiment projeté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2022, la commune de Sauvian, représentée par la Selarl Cabinet d'Avocat Valette-Berthelsen, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des requérants une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- les autres moyens soulevés par M. A... et les autres requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, la société par actions simplifiée Ilot Rive Droite, représentée par Me Pourret, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des requérants une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- les autres moyens soulevés par M. A... et les autres requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A... et des autres requérants.
La clôture immédiate de l'instruction a été fixée au 2 février 2023.
Par courrier du 16 novembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2023, la société par actions simplifiée Ilot Rive Droite, représentée par Me Pourret, a répondu à ce moyen d'ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2023, les requérants, représentés par Hortus Avocats, ont répondu à ce moyen d'ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2023, la commune de Sauvian, représentée par la Selarl Cabinet d'Avocat Valette-Berthelsen, a répondu à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bonnet, représentant M. A... et les autres requérants, Me Valette, représentant la commune de Sauvian et de Me Pourret, représentant la société Ilot Rive Droite.
Une note en délibéré, présentée par la société Ilot Rive Droite, représentée par Me Pourret, a été enregistrée le 24 novembre 2023.
Une note en délibéré, présentée par la commune de Sauvien, représentée par le Selarl Cabinet d'avocat Valette-Berthelsen, a été enregistrée le 27 novembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ilot Rive Droite a déposé le 9 juillet 2020 auprès des services de la commune de Sauvian une demande de permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier de quatre bâtiments de logements collectifs et de sept cellules de services. Par un arrêté du 15 octobre 2020, le maire de Sauvian a délivré le permis de construire sollicité. Par la présente requête, M. A... ainsi que trois sociétés civiles immobilières dont il est le gérant relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision tacite rejetant leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des requérants, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'incompatibilité de la décision attaquée avec l'orientation 3.1.1. du schéma de cohérence territoriale du Biterrois fixant un taux de croissance démographique de 1,1% aux points 9 à 10 du jugement. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour ce motif.
Sur les conclusions en annulation :
3. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / (...) c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ". Le dernier alinéa de l'article R. 451-1 du même code applicable à la demande de permis de démolir dispose que : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ".
4. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l'autorité saisie de la demande vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de cette attestation ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser pour ce motif le permis sollicité.
5. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire a présenté sa demande. Mais, lorsque le pétitionnaire est, pour le terrain faisant l'objet de la demande de permis, titulaire d'une promesse de vente consentie par son propriétaire qui n'a pas été remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce, l'attestation par laquelle il déclare remplir les conditions pour déposer la demande de permis ne peut, en l'absence de manœuvre frauduleuse, être écartée par l'autorité administrative pour refuser de délivrer le permis sollicité.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 24 juin 2019, le conseil municipal de Sauvian a décidé de l'engagement d'une procédure visant à faire déclarer d'utilité publique l'opération de renouvellement urbain que la commune envisage sur les parcelles des requérants faisant l'objet d'une réserve foncière. Toutefois, l'utilité publique de l'opération en cause n'a été déclarée que le 27 juillet 2021 par le préfet de l'Hérault. Par suite, la société Ilot Rive Droite ne peut être regardée comme ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique au sens des dispositions du c) de l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme à la date de délivrance du permis de construire en litige.
7. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que la commune a conclu le 26 août 2020 avec les sociétés Buesa et Buesa AP, auxquelles s'est substituée la société Ilot Rive droite, une promesse synallagmatique de vente du terrain faisant l'objet de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique engagée par la commune par délibération du 24 juin 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commune n'était pas propriétaire du terrain à la date d'édiction de l'arrêté en litige, le transfert de propriété à son profit n'ayant pas été prononcé par le juge judiciaire, et ne pouvait donc autoriser la société Ilot Rive droite à exécuter des travaux sur ce terrain qui appartenait, à la même date, aux requérants. De même, le contrat de concession conclu le 26 août 2020 sur le fondement de l'article L. 1121-1 du code de la commande publique n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à la commune d'autoriser la société Ilot Rive Droite à effectuer des travaux sur un terrain dont elle n'est pas propriétaire. Dans ces conditions, dès lors que la promesse de vente précisait que la commune n'était pas propriétaire du terrain en litige et alors même que cette dernière n'a pas été remise en cause par le juge judiciaire, la commune disposait de cette information qui faisait apparaître, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de la recueillir et sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne disposait d'aucun droit à déposer une demande de permis de construire. Par suite, la société Ilot Rive Droite ne peut être regardée comme ayant qualité pour déposer une demande de permis de construire et de démolir au sens des dispositions du a) de l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme à la date de délivrance de l'autorisation en litige.
8. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que la demande de permis de construire et de permis de démolir a été présentée en violation des articles R. 423-1 et R. 451-1 du code de l'urbanisme.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
9. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
10. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les requérants, qui sont les propriétaires du terrain d'assiette du projet, n'entendent pas autoriser la société Ilot Rive Droite à exécuter des travaux sur celui-ci. D'autre part, l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré l'utilité publique de l'opération de renouvellement urbain envisagée sur les parcelles en cause et l'arrêté de cessibilité de ces parcelles du 13 septembre 2021 ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mai 2023 dont la commune a relevé appel. Si la commune de Sauvian a, par une nouvelle délibération du 25 mai 2023, décidé de relancer une procédure visant à faire déclarer d'utilité publique l'opération de renouvellement urbain qu'elle envisage sur ces parcelles, elle n' a pas qualité pour autoriser la société Ilot Rive Droite à exécuter des travaux sur les parcelles appartenant aux requérants. Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'illégalité retenue aux points 3 à 8 du présent arrêt tirée de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ne présente donc pas un caractère régularisable. Par suite, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par M. A... et les autres requérants, tant en première instance qu'en appel n'apparaissent pas de nature à justifier, en l'état du dossier, l'annulation des décisions du maire de Sauvian.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... et les autres requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2020 et de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... et des autres requérants, qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance, la somme que la commune de Sauvian et la société Ilot Rive Droite demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sauvian une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à M. A... et aux autres requérants.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 avril 2022, l'arrêté du maire de Sauvian du 15 octobre 2020 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté sont annulés.
Article 2 : La commune de Sauvian versera à M. A... et aux autres requérants une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Sauvian et de la société Ilot Rive Droite présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à la commune de Sauvian et à la société par actions simplifiée Ilot Rive Droite.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
J.-F. MoutteLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22TL21304