Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, et d'autre part, la décision implicite du préfet de police née le 5 mars 2022 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien.
Par un jugement nos 2209811-2213504 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. B..., a annulé l'arrêté du préfet de police du 19 mai 2022 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, le préfet de police, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2209811-2213504 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif qu'il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas non plus méconnu l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il renvoie à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Luciano, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2022, et à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
Le rapport de M. Diémert a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 2 mai 1985 et de nationalité algérienne, est arrivé en France le
15 juin 2015 sous couvert d'un visa " C " valable du 2 juin au 28 novembre 2015. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint d'un ressortissant français, valable du 31 août 2015 au 30 août 2016, sur le fondement de l'article 6, 2) de l'accord franco-algérien de 1968,
M. B... ayant fait valoir son mariage avec une ressortissante française. Après avoir sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien de dix ans sur le fondement de l'article 7bis, a) du même accord, M. B... a informé les services préfectoraux de sa séparation avec son épouse. Ainsi, par un arrêté du 5 octobre 2018, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L'intéressé s'est toutefois maintenu sur le territoire français et a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal de grande instance de Bobigny à une amende de 400 euros pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, par une décision du 16 mai 2018. Le 5 novembre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6, 5) et 7, b) de l'accord franco-algérien ainsi que de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 mai 2022, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 mai 2022 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de police interjette appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé de l'annulation prononcée par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Pour annuler la décision contestée, le tribunal a retenu d'une part, que le préfet de police, en estimant que M. B... ne justifiait pas de liens personnels et familiaux de nature à autoriser son séjour, a entaché cette décision d'une erreur de droit tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, dès lors que l'intéressé établit l'intensité de ses liens personnels, familiaux et professionnels sur le territoire français ainsi que sa résidence en France depuis le 15 juin 2015, date de son arrivée sur le territoire national. D'autre part, le tribunal a retenu que le préfet de police, en estimant que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public en raison d'une condamnation en date du 16 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Bobigny pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, a entaché cette décision d'une erreur d'appréciation, dès lors que ces faits présentent un caractère ancien et isolé. Il ressort toutefois de ses propres écritures que M. B... ne conteste pas les faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, en date du 1er avril 2018, ayant conduit à une condamnation le 16 mai suivant pour ce motif, la nature et les circonstances de ces faits étant bien constitutives d'une menace pour l'ordre public. En outre, il est constant que le requérant s'est maintenu sur le territoire français de manière irrégulière en se soustrayant à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre en 2018. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que ses parents et sa fratrie résident régulièrement en France et qu'il est hébergé chez sa sœur, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il ne justifie ni de l'intensité de ses liens familiaux et personnels en France, ni d'une insertion professionnelle particulière dans la société française au regard de l'absence de qualification de l'emploi occupé d'employé polyvalent et de son caractère récent. Enfin, M. B..., qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 30 ans, ne justifie pas de l'impossibilité de s'y réinsérer. Ainsi, la seule circonstance que l'intéressé a vécu en France pendant sept années à la date de l'arrêté en litige, ne saurait à elle seule caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
4. Par suite, en refusant à M. B... la délivrance du titre de séjour sollicité, un délai de départ volontaire et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celle de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté pour ce motif.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... en première instance :
En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de police y a mentionné les stipulations des articles 6-5 et 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que l'article L. 435-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il y a précisé que l'intéressé a fait valoir la production d'un formulaire cerfa de demande d'autorisation de travail, qu'il ne justifie d'aucun motif exceptionnel de nature à permettre une admission exceptionnelle au séjour et que les qualifications et spécificité de son emploi ne lui permettent pas une admission au séjour. Il y a également exposé des éléments suffisants sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé en relevant qu'il se déclare célibataire et sans charge de famille en France, que sa fratrie réside sur le territoire national et qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée ou entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il n'est pas non plus fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur de fait par la seule omission, par le préfet de police, de la mention de la résidence régulière de ses parents sur le territoire français, dès lors l'autorité préfectorale n'est pas tenue de faire état de l'ensemble des circonstances de fait relatives à la situation de M. B....
7. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 3 du présent arrêt, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, ni au regard de la menace à l'ordre public que représente M. B..., ni au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.
8. En dernier lieu, M. B... soutient que le préfet de police a examiné à tort sa demande d'admission au séjour sur le seul fondement de l'article 7, b) de l'accord franco-algérien, sans faire usage de son pouvoir exceptionnel de régularisation. Toutefois, s'il ressort de la fiche de salle versée par l'intéressé au dossier de première instance, mentionnant " circulaire Valls 5 ans + 37 fiches de paye ", que ce dernier doit être regardé comme ayant sollicité son admission exceptionnelle au séjour, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police a bien examiné sa demande à l'aune de son pouvoir exceptionnel de régularisation, en précisant que M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 dudit code, que " le seul fait de disposer de ce formulaire cerfa ne saurait constituer, à lui seul, un motif exceptionnel de nature à permettre une admission exceptionnelle au séjour au titre du pouvoir d'appréciation du préfet " et que la situation du requérant " appréciée également au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi auquel il postule ne permet pas davantage de l'admettre au séjour ". En outre, si M. B... fait valoir qu'il travaille depuis septembre 2018 en tant qu'employé polyvalent, bénéficiant ainsi de plusieurs fiches de paye, et que l'ensemble de sa famille réside régulièrement sur le territoire français, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir exceptionnel de régularisation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir exceptionnel de régularisation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".
10. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait mention de faits précis relatifs à la situation de M. B... qui justifient cette décision, notamment les circonstances qu'il représente une menace pour l'ordre public car il a été condamné pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. En outre, la décision litigieuse précise qu'il ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
11. En deuxième lieu, eu égard aux éléments mentionnés au point précédent et à défaut de justifier de circonstances humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions en prenant à son encontre une décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
12. En dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 mai 2022 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et a mis à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Paris et l'ensemble de ses conclusions d'appel, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'il est la partie perdante à l'instance, doivent rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 2209811-2213504 du tribunal administratif de Paris du 28 septembre 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Paris et l'ensemble de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
L'assesseure la plus ancienne,
I. JASMIN-SVERDLIN
Le président - rapporteur,
S. DIÉMERT
La greffière,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04599