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07/12/2023 | FRANCE | N°21TL03817

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 07 décembre 2023, 21TL03817


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le permis de construire délivré le 16 septembre 2019 par le maire de Montpellier au département de l'Hérault pour l'installation de bâtiments modulaires et la création d'un bâtiment de liaison.



Par un jugement n° 1905680 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce permis de construire en tant seulement qu'il autorise la rénovation et

le changement de destination du bâtiment D et rejeté le surplus de leur demande.



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le permis de construire délivré le 16 septembre 2019 par le maire de Montpellier au département de l'Hérault pour l'installation de bâtiments modulaires et la création d'un bâtiment de liaison.

Par un jugement n° 1905680 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce permis de construire en tant seulement qu'il autorise la rénovation et le changement de destination du bâtiment D et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA03817 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03817 le 6 septembre 2021, le département de l'Hérault, représenté par la société civile professionnelle Coulombié-Gras-Crétin-Becquevort-Rosier-Soland-Gilliocq, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'article 1er de ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. et Mme C... ;

2°) à titre subsidiaire, de faire usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme s'agissant de la prétendue incomplétude du dossier de demande quant à la destination du bâtiment D ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone 4U2 qui prohibe les changements de destination ;

- à supposer que l'arrêté soit entaché de ces vices, le tribunal administratif aurait dû faire usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour les régulariser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, M. A... C... et Mme B... C... concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département de l'Hérault une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par le département de l'Hérault ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du département de l'Hérault.

Par ordonnance du 16 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arroudj, représentant le département de l'Hérault et Me Pourret, représentant M et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 16 septembre 2019, le maire de Montpellier a délivré au département de l'Hérault un permis de construire sur un terrain situé en secteur 4U2 du plan local d'urbanisme. Ce permis autorise deux projets principaux au sein d'un site déjà construit : d'une part, la rénovation du bâtiment D et la construction d'un bâtiment modulaire à destination de bureaux à proximité de celui-ci et d'un bâtiment de liaison permettant de relier le bâtiment existant à celui créé et, d'autre part, la création d'un second bâtiment modulaire à usage de bureau à proximité du bâtiment C existant sur le site. Le département de l'Hérault fait appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif a annulé ce permis de construire en tant qu'il autorise la rénovation et le changement de destination du bâtiment D.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme, " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de service ; / 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ; / 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire. ". Aux termes de l'article R. 151-28 du même code, " les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (...)2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ;(...) 4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, (...), locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, (...) ". Aux termes de l'article R. 151-29 du code de l'urbanisme : " Les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal ". Aux termes de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Montpellier applicable au secteur 4U2 dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet, sont autorisées : " les réhabilitations des bâtiments existants à condition qu'elles n'entraînent pas de changement de destination ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige consiste à réhabiliter le parc de l'équipement du département de l'Hérault constitué de quatre bâtiments A, B, C et D pour y installer une agence du service territorial des solidarités. D'une part, les bâtiments A, B et C utilisés en bureaux et en ateliers doivent être regardés comme des constructions à destination d'équipements d'intérêt collectif et services publics au sens des dispositions précitées de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme. Quant au bâtiment D, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de mise à disposition de ce parc par l'Etat au département de l'Hérault du 4 août 2011, qu'il était affecté au logement des gardiens du parc de l'équipement et constitue ainsi une annexe aux autres bâtiments indissociable de leur fonctionnement. Dans ces conditions, alors même qu'une piscine aurait été installée dans le jardin attenant et en dépit de l'absence de liens physiques entre eux, ce bâtiment doit être regardé comme un local accessoire aux autres bâtiments du parc et réputé avoir la même destination que ces derniers. Dès lors, le permis de construire en litige ne peut être regardé comme ayant opéré un changement de destination de ce bâtiment en autorisant sa rénovation. Par suite, le département de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme : " Lorsque le terrain d'assiette comporte des constructions, la demande précise leur destination, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28, leur surface de plancher et indique si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination ou sous-destination est modifiée par le projet ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants (...) ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par le département de l'Hérault comprend d'une part, une notice de présentation du projet qui indique que le bâtiment D est à usage de bureaux et d'autre part, un document Cerfa qui précise notamment une surface existante à destination d'habitation à hauteur de 154 m² et la création d'une surface de bureaux de 154 m² par changement de destination. Toutefois, le dossier de permis de construire précise que le projet consiste à rénover le parc de l'équipement du département en y installant une agence du service territorial des solidarités. Ainsi, et alors d'ailleurs que comme il a été exposé au point 3 du présent arrêt, la demande de permis de construire ne prévoit pas de changement de destination du bâtiment D, les contradictions existantes entre le document Cerfa et les autres pièces contenus dans la demande de permis de construire en litige n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable, et notamment à l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme qui interdit les changements de destination dans le secteur 4U2. Par suite, le département de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a accueilli le moyen tiré de l'incomplétude du dossier s'agissant des travaux relatifs au bâtiment D.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts C... tant en première instance qu'en appel.

8. En premier lieu, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, l'administration n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joints à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.

9. Pour soutenir que le permis de construire délivré au département de l'Hérault a été obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses, M. et Mme C... se prévalent de l'incohérence des pièces fournies à l'appui de sa demande de permis de construire. Toutefois, cette seule incohérence ne permet pas de considérer que le département de l'Hérault a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper la commune sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire du 16 décembre 2019 a été obtenu par fraude doit être écarté.

10. En deuxième lieu, les requérants soutenaient, en première instance, que le permis de construire du 16 décembre 2019 était incomplet au regard des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme s'agissant de la description de l'état initial du terrain et de ses abords et du traitement des clôtures et méconnaissait les dispositions de l'article 3 du plan local d'urbanisme de Montpellier relatif aux accès, les dispositions de son article 4 relatif aux dispositifs de rétention des eaux pluviales, les dispositions de son article 11 relatif aux clôtures, les dispositions de son article 12 relatif aux places de stationnement et les dispositions de son article 13 relatif aux plantations. Il y a lieu d'écarter ces moyens, par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 7 à 18 du jugement en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le permis de construire du 16 décembre 2019 en tant qu'il autorise la rénovation du bâtiment D.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les consorts C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts C... la somme demandée par le département de l'Hérault en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M et Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département de l'Hérault et M et Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Hérault, à M. A... C..., à Mme B... C... et à la commune de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

J.-F. MoutteLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL03817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03817
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : POURRET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;21tl03817 ?
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