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07/12/2023 | FRANCE | N°21LY03144

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 07 décembre 2023, 21LY03144


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Le groupement de coopération sanitaire de moyens (GCS) Blanchisserie des hôpitaux de Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Cofitex à lui verser la somme de 1 371 315,60 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.



Par jugement n° 1900992 du 26 juillet 2021, le tribunal a rejeté la demande.





Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistr

s le 24 septembre 2021 et le 22 novembre 2022, le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie, représenté par Me Duraz, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement de coopération sanitaire de moyens (GCS) Blanchisserie des hôpitaux de Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Cofitex à lui verser la somme de 1 371 315,60 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.

Par jugement n° 1900992 du 26 juillet 2021, le tribunal a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 septembre 2021 et le 22 novembre 2022, le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie, représenté par Me Duraz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la société Cofitex à lui verser la somme de 1 551 767 euros TTC ;

3°) de mettre à la charge de la société Cofitex la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est recevable dès lors qu'il justifie de la régularité de sa constitution et de l'existence d'une personnalité morale ;

- la société Cofitex, avec laquelle il avait conclu un marché d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le projet d'agrandissement de la blanchisserie inter-hospitalière de Savoie, a manqué à son devoir de conseil, dès lors qu'elle a sélectionné pour exécuter les travaux la société La Transitique, qui ne disposait d'aucune expérience, d'aucune garantie financière et d'aucune assurance et qui n'a pas exécuté sa mission dans les règles de l'art ; l'analyse des offres était erronée ;

- la société Cofitex a commis une faute dans le cadre de la mission de " travaux et réception " en n'assurant aucun suivi durant l'installation du matériel et la mise en service et en ne s'assurant pas de la réalisation par la société La Transitique des prestations commandées et du respect des délais de livraison ;

- la société Cofitex a manqué à ses obligations de conseil pour la réception des ouvrages dès lors qu'elle lui a proposé d'admettre les prestations avec réfactions alors que l'ouvrage connaissait de graves dysfonctionnements, et qu'elle n'était pas présente lors de la réunion avec l'expert le 13 octobre 2017 ;

- ces fautes sont d'une gravité suffisante pour engager la responsabilité de la société à son égard ;

- ces fautes sont en lien avec son préjudice ; en effet, si elle n'avait pas contracté avec la société La Transitique, elle n'aurait pas versé en pure perte le montant du marché ;

- elle a subi un préjudice équivalent au montant du marché qu'elle a versé en pure perte, soit 1 396 920 euros TTC, dont il convient de déduire le solde du marché non versé, soit 239 538 euros TTC ;

- elle a également engagé des frais de personnels supplémentaires compte tenu des dysfonctionnements du stockeur, à hauteur de 210 000 euros et des frais de sous-traitance à hauteur de 184 385 euros.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2021, la société Cofitex, représentée par la SELARL Piras et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société La Transitique et le Cabinet Clément et associés à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge du GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que le GCS n'est pas doté de la personnalité morale lui permettant d'ester en justice en l'absence de signature préalable de la convention constitutive par ses membres fondateurs, qu'il ne justifie pas que son représentant légal est habilité à le représenter et qu'il ne précise pas le fondement juridique de la demande ni n'expose de moyens ;

- elle n'a commis aucun manquement au titre de son devoir de conseil, dès lors qu'elle s'est acquittée de sa mission d'analyse synthétique des offres dans le rapport de présentation adressé au comité de pilotage, et qu'elle n'était pas chargée du choix du titulaire ;

- elle n'est pas garante des prestations réalisées par la société La Transitique, la mission technique et administrative de l'assistant à maîtrise d'ouvrage ne se substituant pas à celles des différents autres participants à l'opération ;

- elle ne s'est jamais vu confier la mission intitulée " process, organisation du travail et mise en route de l'installation " correspondant au point " G " du CCP applicable, si bien qu'aucun manquement dans le suivi du chantier ne peut lui être reproché ;

- le GCS ne justifie pas de la réalité du retard subi, ni de ce que ce retard lui serait imputable alors qu'elle n'était pas en charge de la réalisation de travaux, et qu'elle n'a manqué à aucune obligation contractuellement prévue ;

- il n'est pas démontré qu'elle aurait proposé de procéder à la réception des travaux en ayant connaissance des dysfonctionnements ;

- la réalité du préjudice invoqué n'est pas démontrée, dès lors que le GCS n'établit pas avoir effectivement versé la somme de 1 551 767 euros à la société La Transitique ;

- les frais de personnels et de sous-traitance supplémentaires engagés par le GCS ne lui sont pas imputables ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à être relevée et garantie par la société La Transitique dès lors que l'intégralité des désordres lui sont techniquement imputables, ainsi que par le Cabinet Clément et associés qui est également intervenu en qualité d'assistant à maître d'ouvrage.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me Duraz pour le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie.

1. En 2014, le syndicat inter-hospitalier de Savoie, devenu le groupement de coopération sanitaire de moyens (GCS) Blanchisserie des hôpitaux de Savoie, a entrepris la réhabilitation et l'extension de la blanchisserie inter-hospitalière du département de la Savoie. Il a confié la mission de maîtrise d'ouvrage déléguée à la société Cofitex, le 15 janvier 2013, celle de maîtrise d'œuvre aux sociétés Studio Maréchaux et BETEM et, par une procédure de dialogue compétitif mise en œuvre à la suite de l'infructuosité du premier appel d'offres, les travaux du lot n° 6 consistant dans la fourniture et la maintenance d'un système de collecte, manutention, cerclage, stockage et préparation des expéditions pour la blanchisserie centrale à la société La Transitique, le 22 décembre 2014. A la suite de dysfonctionnements des installations et en l'absence de résolution de ces désordres après mise en œuvre de la procédure d'ajournement de l'admission des prestations, le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie a résilié le marché de travaux pour faute à compter du 7 février 2018. Le solde du décompte général de résiliation du lot n° 6 a été fixé à la somme de 1 371 315,60 euros en faveur du GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie par un jugement n° 1802770, 1802893, 1804071, 1806649 et 1807526 du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2020, devenu définitif. Le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie relève appel du jugement du 26 juillet 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Cofitex à lui verser la somme de 1 371 315,60 euros en réparation du préjudice que les manquements de cette société à ses obligations contractuelles lui ont fait subir.

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée : " Dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage : 1° Définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l'ouvrage sera étudié et exécuté ; 2° Préparation du choix du maître d'œuvre, signature du contrat de maîtrise d'œuvre, après approbation du choix du maître d'œuvre par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d'œuvre ; 3° Approbation des avant-projets et accord sur le projet ; 4° Préparation du choix de l'entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de travaux ; 5° Versement de la rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre et des travaux ; 6° Réception de l'ouvrage, et l'accomplissement de tous actes afférents aux attributions mentionnées ci-dessus. Le mandataire n'est tenu envers le maître de l'ouvrage que de la bonne exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par celui-ci. ( ...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et, notamment, de l'acte d'engagement de la société Cofitex conclu le 15 janvier 2013 et du cahier des clauses particulières (CCP) auquel il renvoie et qui lui était annexé, que la société Cofitex a été chargée des missions d'assistance au maître d'ouvrage en matière juridique, de la réalisation du programme de l'opération et de l'assistance au maître d'ouvrage pour les opérations de réalisation et de suivi des différentes phases d'études, pour le choix du maître d'œuvre et des entreprises, pour le suivi des travaux et la réception de l'opération et pour la définition du process de production, l'organisation du travail et le démarrage de la nouvelle installation.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment des termes du CCP, que, dans le cadre de sa mission afférente au choix des entreprises, la société Cofitex était uniquement chargée de remettre au maître de l'ouvrage une analyse synthétique des offres, en s'appuyant sur l'analyse des offres effectuée par le maître d'œuvre, et de rédiger un rapport d'analyse destiné à être présenté au comité de pilotage. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, après avoir analysé le contenu de chacune des trois offres reçues, et, notamment, les modalités techniques auxquelles les différentes sociétés soumissionnaires avaient recours pour le traitement et le pliage du linge, la société Cofitex, se fondant sur les critères d'attribution déterminés dans le règlement de consultation, liés à la valeur technique de l'offre pour 50 %, au prix global pour 40 % et au service après-vente et à l'assistance pour 10 %, a proposé, dans le rapport d'analyse des offres du 14 septembre 2014, de retenir l'offre de la société Maum Technologies, à laquelle la société La Transitique a succédé, qui était financièrement la moins-disante et bénéficiait selon elle de la meilleure offre technique et du meilleur service après-vente. Ce faisant, la société Cofitex a accompli les diligences qui lui incombaient en vertu du contrat conclu avec le maître de l'ouvrage. Contrairement à ce que soutient le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie, la société Cofitex n'était tenue de vérifier ni l'expérience ni les garanties offertes par les candidats. Par suite, le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie n'est pas fondé à soutenir qu'en lui proposant de retenir la société Maum Technologies, la société Cofitex a méconnu ses obligations contractuelles.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'au titre de sa mission " travaux et réception ", la société Cofitex avait uniquement pour mission d'animer une réunion de cadrage avec les acteurs du projet et des réunions mensuelles avec le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, de rédiger les rapports de présentation des avenants éventuels, de participer aux réunions de chantier, de viser les décomptes mensuels de travaux et les décomptes généraux et définitifs, d'analyser les propositions de réception du maître d'œuvre, de suivre la levée des réserves, de valider les certificats de parfait achèvement des travaux, d'analyser et de conseiller le maître de l'ouvrage sur l'organisation proposée par le maître d'œuvre pour la réception des ouvrages et de vérifier l'exécution des essais éventuellement effectués par le contrôleur technique pour s'assurer du bon fonctionnement des ouvrages.

6. Si le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie soutient que la société Cofitex aurait méconnu ses obligations contractuelles en s'abstenant de vérifier la réalisation par la société La Transitique des prestations commandées, le respect par elle des délais de livraison, le bon déroulement des travaux durant l'installation du matériel et sa mise en service, ou encore d'assister aux réunions d'expertise, toutefois, de telles prestations ne relevaient pas de celles, rappelées au point 5, confiées à la société Cofitex au titre de sa mission " travaux et réception ". Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la société Cofitex aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage en indiquant à celui-ci, sans d'ailleurs que cette proposition soit suivie, qu'il pouvait réceptionner les travaux en appliquant, au motif que différentes fonctionnalités de l'ouvrage n'étaient pas assurées, des pénalités de 459 360 euros et des réfactions à hauteur de 385 000 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Cofitex, le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

8. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie, partie perdante, contre la société Cofitex doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Cofitex.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie est rejetée.

Article 2 : Le GCS Blanchisserie des hôpitaux de Savoie versera à la société Cofitex une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire de moyens Blanchisserie des hôpitaux de Savoie et à la société Cofitex.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Psilakis, première conseillère,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

A. EvrardL'assesseure la plus ancienne,

Ch. Psilakis

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier.

2

N° 21LY03144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03144
Date de la décision : 07/12/2023

Analyses

39-06-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité contractuelle. - Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : LIOCHON DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;21ly03144 ?
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