Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait obligation de se présenter au commissariat une fois par jour pendant la durée du délai de départ volontaire.
Par un jugement n° 2300376 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023, M. A..., représenté par Me Akakpovie, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2023 du préfet de la Corrèze ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir et en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :
- les premiers juges ont fait une inexacte application des stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle, d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle et méconnaît la circulaire n° NOR INTK 1229185C du 28 novembre 2012 ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée à la préfecture de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance.
Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/007920 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 27 juillet 2023.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié par l'avenant du 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, déclare être entré en France en 2018. Le 12 septembre 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 30 janvier 2023, le préfet de la Corrèze lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait obligation de se présenter au commissariat une fois par jour pendant la durée du délai de départ volontaire. L'intéressé relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2023.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié par l'avenant du 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels. (...) ". Selon l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
3. Ainsi que l'a rappelé le tribunal, les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 de ce code. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. M. A... se prévaut de son ancienneté sur le territoire français depuis 2015, de son implication dans un club de football, de ses interventions dans des écoles primaires en qualité de bénévole et de ses opportunités d'emploi. L'intéressé produit à ce titre des attestations des 22 juin 2020 et 2 juin 2023 du club de football l'Entente Sportive Usseloise qui relatent son engagement dans cette structure en tant que joueur amateur et entraîneur ainsi que dans deux écoles primaires de la ville d'Ussel. Il produit également une promesse d'embauche d'une entreprise de maçonnerie du 6 octobre 2020, une deuxième promesse d'embauche du 2 août 2022 de la société LSC 19 sur un poste d'agent d'accueil et d'entretien et l'attestation de sa candidature présentée le 3 juin 2021 dans une société d'intérim. Toutefois, ces éléments ne sauraient être regardés à eux seuls comme attestant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant la régularisation de la situation de M. A... au titre du travail. S'il produit une attestation d'une formation suivie les 18 et 19 avril 2023 ainsi qu'une attestation des Restos du cœur du 8 février 2023 évoquant son bénévolat à venir à compter du 3 mars 2023, ces circonstances sont postérieures à l'arrêté en litige et sont de ce fait et par elles-mêmes sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, le très faible nombre de pièces produites ne permet pas de tenir pour établie sa présence permanente et continue en France au cours des années 2015 à 2020. Enfin, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation. Ainsi, en dépit des efforts d'insertion dont il a fait preuve, notamment au sein du club de football l'Entente Sportive Usseloise, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Corrèze aurait entaché sa décision lui refusant un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2015, qu'il est marié à une Française et qu'il dispose d'une promesse d'embauche. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'intéressé ne justifie pas d'une présence permanente et continue sur le territoire français au cours des années 2015 à 2020 et il ne ressort pas des pièces du dossier que son intégration professionnelle soit d'une particulière intensité. En outre, si M. A..., qui n'a pas d'enfant, se prévaut de son mariage avec une Française le 18 janvier 2022, il ne conteste pas les mentions de l'arrêté en litige selon lesquelles il est en instance de divorce et la communauté de vie avec son épouse a cessé. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion dont l'intéressé a fait preuve, le préfet de la Corrèze n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations précitées.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour doit être écarté.
8. En second lieu, compte tenu des circonstances exposées au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2023 du préfet de la Corrèze. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2023.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01644