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06/12/2023 | FRANCE | N°22BX00403

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 décembre 2023, 22BX00403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



La société Foncière A... investissement, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des périodes correspondantes, et des pénalités dont ils ont été assortis.



Par un jugement n° 1905551 du 7 décembre 2021, le tribunal

administratif de Bordeaux a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Foncière A... investissement, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des périodes correspondantes, et des pénalités dont ils ont été assortis.

Par un jugement n° 1905551 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à hauteur des dégrèvements obtenus, d'un montant de 5 687 euros au titre de l'impôt sur les sociétés, d'un montant de 2 867 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée des périodes correspondant aux années 2014, 2015 et 2016, et d'un montant de 14 434 euros au titre des pénalités, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2022, et un mémoire enregistré le 7 novembre 2023, la société Foncière A... investissement, représentée par Me Barrois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des périodes correspondantes pour les montants de 39 250 euros en droits et 150 672 euros en pénalités ;

3°) subsidiairement, de lui accorder la décharge des droits et pénalités en litige correspondant à la prise en compte du résultat et du montant de taxe indiqué dans les bilans et liasses qu'elle a transmis ;

4°) de désigner un expert aux fins de déterminer ses bases d'imposition ou de corriger la méthode de l'administration ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne s'est pas opposée au contrôle fiscal dont elle a fait l'objet ; son bail à Carbon-Blanc ayant été judiciairement résilié, elle ne pouvait accueillir le contrôle dans les locaux objet de ce bail ; son dirigeant a informé le service dès le début de la vérification de ce qu'il cherchait une solution pour que le contrôle puisse avoir lieu ; le siège social ayant été transféré en Guadeloupe, elle a pu proposer au service que le contrôle ait lieu au cabinet de son expert-comptable, dans ce département ; le service n'a pas manifesté son désaccord, se bornant à constater une opposition à contrôle ; il a proposé un rendez-vous dans ses locaux à Cenon mais la vérification ne peut avoir lieu dans les locaux de l'administration qu'à la demande du contribuable ;

- dès lors que la vérification de comptabilité de la société BTH ingénierie constitue une vérification de sa propre comptabilité, l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été méconnu car elle a reçu un avis de vérification postérieurement à la fin de la vérification de la comptabilité de la société BTH ingénierie ;

- la méthode de reconstitution du résultat imposable, qui repose, s'agissant des produits, seulement sur les loyers mentionnés dans les deux baux récupérés au cours du contrôle fiscal d'un tiers, est sommaire ; pour déterminer les charges, l'administration s'est bornée à déduire les loyers facturés pour les locaux de Carbon-Blanc, en exerçant son droit de communication auprès de la société propriétaire, sans produire les factures ; le service aurait pu opérer une comparaison avec les montants figurant sur les relevés bancaires qui sont inférieurs ; il aurait pu rechercher si l'immeuble de Montusan dont elle était propriétaire avait été financé par l'emprunt ; en tout état de cause, au stade précontentieux, elle a communiqué ses liasses à l'administration, établies par son expert-comptable ; l'administration ne peut donc plus soutenir la carence de la contribuable pour maintenir sa reconstitution approximative ;

- elle apporte la preuve de l'exagération du résultat imposé en produisant ses liasses et en établissant que les baux consentis à la société BTH ont été résilié en 2015 s'agissant de la maison de Montussan et modifié en 2015 s'agissant des locaux de Carbon-Blanc, une partie des locaux ayant cessé d'être louée et le loyer ayant, corrélativement, diminué ; il ne peut lui être reproché de n'avoir pas répondu à la demande de renseignements du 27 août 2019 car elle ne l'a pas reçue ; elle transmet ses relevés bancaires corroborant ses affirmations ;

- l'administration a considéré que les loyers facturés à la société BTH ingénierie étaient excessifs et a refusé d'admettre la déduction de l'intégralité de ces loyers des résultats de la société BTH ingénierie tout en imposant ces loyers au titre de son propre bénéfice ; il en résulte une double imposition ;

- la doctrine administrative BOI-CTX-DG-20-20-20 n° 20 et n° 180 et BOI-CTX-DG-20-20-40 n° 110 permet au contribuable taxé d'office de démontrer par tout moyen que l'imposition est exagérée ; elle peut donc apporter cette preuve en produisant une comptabilité reconstituée ;

- la méthode de détermination de la taxe sur la valeur ajoutée collectée est erronée et trop sommaire ; l'administration a retenu tous les encaissements alors que l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé n'est pas soumis à la taxe ; la location de la maison d'habitation de Montussan est en effet exonérée en application de l'article 261 D du code général des impôts ; dès lors qu'elle a produit une comptabilité, c'est à l'administration d'en critiquer les éléments, ce qu'elle ne fait pas ; elle réitère pour la taxe sur la valeur ajoutée son argumentation relative à l'avenant au bail pour 2015 ; elle justifie des données chiffrées tirées des bilans ;

- une expertise serait particulièrement opportune.

- l'amende pour opposition à contrôle fiscal prévue à l'article 1732 du code général des impôts n'est pas justifiée ;

- l'amende sur les distributions n'est pas non plus justifiée ; les faits permettaient aisément à l'administration de connaître les bénéficiaires de distributions, de sorte qu'elle ne peut reprocher à la société de ne pas les avoir désignés ;

- la doctrine administrative BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 n° 80 est en ce sens.

Par un mémoire enregistré le 1er août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

- à supposer que les rappels de taxe soient infondés en tant qu'ils porteraient sur des loyers exonérés, cette surtaxe serait compensée par des insuffisances de rappels résultant des chiffres avancés par la société requérante ;

- à supposer l'amende pour opposition à contrôle fiscal infondé, une substitution de base légale est sollicitée pour l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts aux rappels de TVA de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016 et aux suppléments d'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Barrois représentant la société Foncière A... investissements.

Une note en délibéré présentée par Me Barrois pour la société Foncière A... investissements a été enregistrée le 16 novembre 2023.

Une note en délibéré présentée par le cabinet WIRE avocats pour la société Foncière A... investissements a été enregistrée le 28 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Foncière A... investissement, qui exerce une activité d'acquisition et location d'immeubles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes vérifiées, à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, à une pénalité pour opposition à contrôle fiscal et à une amende pour absence de désignation des bénéficiaires des distributions. Saisi par la société d'une demande en décharge de ces impositions et pénalités, le tribunal administratif de Bordeaux, par jugement du 7 décembre 2021, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge à hauteur des dégrèvements prononcés par l'administration fiscale en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La société Foncière A... investissement, qui fait appel de ce jugement, doit être regardée comme demandant sa réformation, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". L'article L. 74 du même livre dispose que : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) ".

3. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments exposés dans le procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal établi le 7 décembre 2017, que par pli distribué le 18 septembre 2017, un avis de vérification de comptabilité a été adressé le 12 septembre 2017 au siège social de la société Foncière A... investissement, à Carbon-Blanc (Gironde), indiquant une première intervention programmée pour le 11 octobre suivant à 11 h, au siège de l'entreprise. Il résulte également de ces éléments qu'en réponse à un courriel du 9 octobre 2017 de l'administration adressé à la société, M. A..., associé, a indiqué à l'administration, par courriel du même jour, que le bail du local de Carbon-Blanc avait été résilié par voie judiciaire et que de nouveaux locaux étaient recherchés alors que le propriétaire avait indiqué à l'administration fiscale que les locaux n'avaient, à cette date, pas encore été libérés. Le vérificateur, s'étant rendu sur place le 11 octobre 2017, a constaté l'absence de représentant de la société. L'administration a alors adressé le 12 octobre suivant, au siège social de la société et à l'adresse personnelle de la gérante à Albi (Tarn), un courrier valant mise en garde en cas d'absence au rendez-vous, annonçant une nouvelle date d'intervention, le 6 novembre à 11 h au siège social, et proposant que, sur demande du contribuable, le contrôle se déroule dans les locaux de l'administration, dans les bureaux du comptable de l'entreprise ou encore dans un autre lieu tel que le domicile du dirigeant. Par courriel du 2 novembre 2017, M. A... a indiqué à l'administration que le contrôle pourrait se dérouler dans les locaux du comptable désormais chargé des comptes de la société, situé à Baie-Mahault en Guadeloupe auquel la copie des documents comptables était adressée. L'administration fiscale estimant que cette proposition était de nature à perturber le fonctionnement du service, la société a reçu une nouvelle mise en garde du 13 novembre, annonçant un rendez-vous le 4 décembre 2017 à 11 h dans les locaux de l'administration à Cenon (Gironde) afin de définir les modalités pratiques de la vérification. Par courriel du 30 novembre suivant, M. A... a confirmé son intention de voir se dérouler le contrôle en Guadeloupe où le siège social de la société avait été, à ses dires, transféré et aucun représentant de la société se s'est présenté au rendez-vous du 4 décembre 2017.

4. La société Foncière A... investissement, qui n'a informé l'administration que le 9 octobre 2017 de la résiliation du bail de ses locaux, intervenue le 31 juillet 2017, qui n'expose aucune raison qui aurait pu s'opposer à la présence de son représentant au rendez-vous du 11 octobre 2017 alors qu'elle occupait encore les locaux de son siège social de Carbon-Blanc, qui n'avance aucune explication qui aurait pu faire obstacle aux modalités de contrôle proposées par l'administration dans son courrier du 12 octobre 2017, qui n'a mis aucun document comptable à disposition du vérificateur et qui a fait état d'un transfert de son siège social de Gironde en Guadeloupe après réception de l'avis de vérification, sans avoir réalisé les démarches en ce sens auprès du centre de formalités des entreprises en Guadeloupe et en étant toujours inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux avec l'indication d'un siège social à Carbon-Blanc, doit être regardée comme ayant, par l'attitude de son représentant, empêché le déroulement des opérations de contrôle dans des conditions normales. L'administration fiscale a ainsi pu valablement constater une opposition au contrôle fiscal et évaluer d'office les bases d'imposition de la société.

5. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité (...) ".

6. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société Foncière A... investissement a reçu le 18 septembre 2017 un avis de vérification annonçant une vérification de sa comptabilité devant débuter le 11 octobre suivant. Si l'administration, faute de pouvoir disposer d'éléments propres au fonctionnement de la société Foncière A... investissement, a reconstitué le bénéfice de la société en utilisant des éléments, notamment des contrats de bail, obtenus à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société BTH ingénierie, locataire de la société requérante, les opérations de vérification de la comptabilité de la société BTH ingénierie ne peuvent pour autant être regardées comme constitutives d'une vérification de la comptabilité de la société Foncière A... investissement. Ainsi, l'envoi à la société Foncière A... investissement d'un avis de vérification le 18 septembre 2017, postérieurement au contrôle dont la société BTH ingénierie a fait l'objet du 5 janvier au 12 octobre 2016, ne traduit pas une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Conformément à ces dispositions et dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, la société Foncière A... investissement a été régulièrement imposée d'office, il incombe à celle-ci d'apporter la preuve de l'absence de bien-fondé des impositions en litige.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code, également applicable en matière d'impôt sur les sociétés, le " bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ".

9. Pour établir les impositions en litige, l'administration a retenu le montant des loyers figurant dans les baux consentis par la société Foncière A... investissement, obtenus au cours du contrôle de la société locataire BTH Ingénierie, soit 72 000 euros par an pour la sous-location d'une partie d'un bâtiment situé à Carbon-Blanc, sous-loué par bail du 18 mai 2012 et 28 800 euros par an pour une maison située à Montussan, acquise en 2010 et louée à la société BTH Ingénierie par bail du 1er janvier 2011, soit 100 800 euros au titre de chacun des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, et a déduit les sommes de 54 377 euros au titre de l'exercice clos en 2014, 48 911 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et 49 368 euros au titre de l'exercice clos en 2016, représentant les loyers facturés à la société requérante par la société propriétaire des locaux situés à Carbon-Blanc, auprès de laquelle l'administration a exercé son droit de communication.

10. Ainsi que l'a relevé le tribunal dans le jugement attaqué, si l'administration ne peut, en principe, pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments qu'elle a recueillis auprès de tiers, dans le cadre de son droit de communication, que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise, aux activités ou à la situation de ce contribuable, elle peut néanmoins se fonder sur ces seuls éléments lorsque le contribuable ne lui fournit aucun élément propre à son entreprise, à ses activités ou à sa situation.

11. Il résulte en l'espèce de l'instruction que la société Foncière A... investissement n'a déposé aucune des déclarations de résultats des exercices vérifiés et n'a fourni à l'administration aucune pièce comptable. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle a par ailleurs, par l'attitude de son représentant, fait obstacle au déroulement normal de la vérification de sa comptabilité. Il ne résulte pas de l'instruction que l'exploitation des comptes bancaires obtenus par l'administration dans le cadre de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire CRCAM Aquitaine aurait permis de déterminer les produits dans des conditions plus représentatives de la réalité de son activité, dès lors qu'aucun élément ne permet d'estimer que l'intégralité de ses créances acquises aurait pu être retracée par l'analyse des encaissements constatés sur ses comptes bancaires. En admettant qu'elle ait également produit auprès de l'administration des éléments de comptabilité reconstituée, ces éléments ne pouvaient davantage permettre de retracer les produits des exercices vérifiés avec une approximation suffisante. Dans ces conditions, et en l'absence notamment d'éléments comptables établis au cours des exercices vérifiés, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution utilisée par l'administration, fondée sur les seuls éléments obtenus lors du contrôle de la société BTH Ingénierie et auprès de la SCI 43 avenue La Fontaine, propriétaire des locaux situés à Carbon-Blanc, serait excessivement sommaire.

12. Dans le but d'établir l'exagération des bases d'imposition reconstituées par l'administration, la société Foncière A... investissement produit ses bilans et liasses afférents aux exercices en litige, établis par un comptable exerçant en Guadeloupe qui n'était pas le comptable de la société au cours de ces exercices. La société admet que ces documents, que le comptable certifie comme établis à partir des pièces, documents et informations fournis par l'entreprise mais pour lesquels il précise que ses travaux ne valent pas attestation de régularité et de sincérité, sont une comptabilité reconstituée. En produisant cette comptabilité reconstituée après les exercices vérifiés, la société requérante ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'exagération des impositions en litige.

13. La doctrine administrative invoquée par la société requérante, référencée BOI-CTX-DG-20-20-20, indique dans son n° 10 : " C'est ainsi qu'en cas de taxation ou d'évaluation d'office, le contribuable a la possibilité de contester son imposition en démontrant par tout moyen en sa possession que cette imposition est exagérée " et dans son n° 180 : " De son côté, le contribuable ne peut obtenir la décharge ou la réduction des droits qui lui ont été assignés qu'en apportant la preuve de l'exagération de son imposition. Il est précisé : - que la preuve peut être faite par tous moyens, conformément aux règles de droit commun (BOI-CTX-DG-20-20-40) et, s'agissant des droits d'enregistrement, par tous moyens compatibles avec la procédure écrite (LPF, art. R*195-1, al. 1) (...) ". La doctrine, également invoquée, référencée BOI-CTX-DG-20-20-40, précise dans son n° 110 : " La preuve peut être administrée au moyen de documents divers : actes authentiques ou sous seing privés, actes judiciaires, pièces d'état civil, livres de commerce, procès-verbaux, registres portatifs, titres de mouvement ou certificats de décharge, documents privés (correspondance notamment), attestations écrites, avis de réception postaux (...) ".

14. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine précitée de l'administration fiscale pour soutenir qu'un contribuable peut apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge en produisant des comptes annuels reconstitués dès lors que cette doctrine ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale conférant une valeur probante à une comptabilité reconstituée a posteriori.

15. S'agissant des produits, la société ne peut, comme il a été dit ci-dessus, se prévaloir des relevés de ses comptes bancaires dès lors que ces comptes retracent les sommes encaissées et non les créances acquises au cours des exercices vérifiés. La société se prévaut par ailleurs, pour ce qui est des loyers des locaux situés à Carbon-Blanc, d'un avenant qui aurait été conclu le 31 décembre 2014 au bail de sous-location du 18 mai 2012, réduisant le loyer à un montant annuel de 48 000 euros hors taxe en conséquence d'une réduction de la consistance des locaux loués, à compter du 1er janvier 2015. Toutefois, aucun élément objectif ne permet de corroborer la date de signature de cet avenant, dont la société a fait état pour la première fois dans sa réclamation contentieuse adressée à l'administration le 30 avril 2019. Pour ce qui est de la maison située à Montussan, la société a produit pour la première fois devant le tribunal administratif un courrier daté du 1er octobre 2014 par lequel la société locataire, la société BTH Ingénierie, donne son accord à une résiliation anticipée du bail à compter du 1er janvier 2015. Ce document, qui n'est corroboré par aucun autre élément, ne peut davantage être regardé comme établissant la résiliation du bail à compter du 1er janvier 2015. En l'absence de libellé des crédits bancaires retracés dans les extraits de comptes de la société permettant de rattacher ces crédits au paiement de créances identifiées, la diminution des crédits bancaires constatés sur le compte de la société entre 2014 et 2015, qui d'ailleurs peut traduire des retards ou défauts de paiement de loyers dus, ne suffit pas à corroborer la réalité de l'avenant et de la résiliation allégués. Ainsi, et alors que, comme l'a relevé le tribunal, la société requérante et la société locataire ont les mêmes dirigeants, il ne peut être regardé comme établi que les créances de loyers détenues par la société requérante auraient fortement diminué au cours des exercices vérifiés.

16. La circonstance que l'administration aurait estimé excessif le loyer facturé à la société BTH ingénierie par la société Foncière A... investissement et aurait refusé d'en admettre la déduction au titre des charges de la société BTH ingénierie tout en imposant le montant de ces loyers au titre des bénéfices de la société Foncière A... investissement ne traduit aucune double imposition.

17. S'agissant des charges à retenir pour la détermination du bénéfice imposable, en cours de première instance, l'administration fiscale a admis la déduction de charges relatives à des travaux immobiliers facturés en 2014 et à des frais d'assurance multirisque professionnelle exposés au titre des trois exercices en litige. Si la société demande que soit également pris en compte les intérêts d'un emprunt qu'elle aurait contracté pour l'acquisition de la maison de Montussan, elle se borne à produire un tableau d'amortissement ainsi qu'un document non signé intitulé " contrat de prêt " et mentionnant la date du 19 novembre 2010 ainsi qu'un projet d'achat d'une habitation à Montussan, sans produire un contrat de prêt signé auquel se rapporteraient les échéances mentionnées, alors que, comme le relève l'administration, la société a acquis la maison le 19 novembre 2010. L'administration affirme par ailleurs sans être contredite que l'acte d'acquisition de la maison ne fait état d'aucun emprunt pour le financement de l'achat et précise que le prix a été payé comptant le jour de l'acte. Ainsi, la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des charges d'emprunt qu'elle invoque. Elle demande, enfin, que soient prises en compte les dotations aux amortissements relatives à l'immeuble dont elle est propriétaire. Il résulte des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise. La société Foncière A... investissement, qui n'a pas souscrit de déclaration, n'établit pas, par la seule production d'écritures comptables dépourvues de date certaine et dont elle admet qu'elles ont été reconstituées a posteriori, que ces inscriptions ont été effectuées avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration annuelle de résultats de l'entreprise.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

18. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 266 de ce code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 2. La taxe est exigible : / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ; (...) ". Enfin, selon l'article 271 de ce code : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ".

19. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction qu'en raison de l'opposition à contrôle, le service a reconstitué les prestations de service effectuées par la société Foncière A... investissement au cours des années litigieuses en se basant sur les encaissements figurant sur les relevés de compte bancaire obtenus par l'exercice de son droit de communication et que la taxe sur la valeur ajoutée admise en déduction a été déterminée d'après les loyers versés par la société requérante à la SCI 43 avenue Lafontaine. Dans les circonstances de l'espèce et en l'absence d'éléments se rapportant plus précisément à l'activité de la société, l'administration, en procédant ainsi, n'a pas mis en œuvre une méthode radicalement viciée ni excessivement sommaire.

20. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société ne peut se prévaloir d'une comptabilité reconstituée a posteriori pour établir que les bases de la taxe rappelée seraient excessives. Elle ne peut davantage, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, se prévaloir d'un avenant au bail de sous-location du 18 mai 2012. En tout état de cause, ce document, à le supposer probant, serait sans incidence sur la détermination des bases de la taxe à partir des encaissements effectivement intervenus.

21. Si la société requérante soutient que les loyers afférents à la maison située à Montussan, qui est une maison d'habitation, sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 D du code général des impôts, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les crédits bancaires intégrés par l'administration fiscale dans l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée comprendraient des paiements de loyers afférents à cette maison d'habitation.

Sur les pénalités :

22. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) ".

23. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, c'est à bon droit que l'administration a mis en œuvre la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Ainsi, l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1732 du code général des impôts est justifiée.

24. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de ce dernier article : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de ces dispositions que la circonstance que l'administration connaisse ou soit susceptible de connaître les bénéficiaires de sommes regardées comme des revenus réputés distribués n'est pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans un délai de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts, et ne fait obstacle ni à ce qu'elle applique à cette société, à défaut de toute réponse, l'amende prévue par l'article 1759 du même code, ni à ce qu'une réponse tardive ou manifestement incomplète ou insuffisante soit assimilée à un défaut de réponse.

25. Il est constant que la société n'a pas répondu à la demande qui lui a été adressée en application de l'article 117 du code général des impôts. Ainsi, à supposer même que l'identité des bénéficiaires de sommes regardées comme distribuées aurait résulté des circonstances, l'administration a pu appliquer à bon droit l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts.

26. La doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 n° 80, invoquée par la société requérante, ne fait pas des textes applicables une interprétation différente de celle qui en est faite dans le présent arrêt. La société n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de cette doctrine sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

27. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de recourir à la mesure d'expertise sollicitée, que la société Foncière A... investissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux, par le jugement attaqué, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais d'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la société Foncière A... investissement au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Foncière A... investissement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Foncière A... investissement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée pour information à la direction régionale de contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2023.

Le premier assesseur,

Sébastien EllieLa présidente-rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00403
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAX TEAM & CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-06;22bx00403 ?
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