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06/12/2023 | FRANCE | N°21BX02918

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 décembre 2023, 21BX02918


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2021, 7 mars 2022, 25 mai 2022 et 28 juillet 2022, la société Energie du Mignon, représentée par Me Elfassi, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :



1°) de déclarer irrecevables les interventions de la société civile immobilière (SCI) Lavilomoine et de M. Q... G... et autres, et de rejeter l'ensemble de leurs demandes ;



2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 du préfet de la Charente-Maritime portant refus d'autoris

ation environnementale d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécaniq...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2021, 7 mars 2022, 25 mai 2022 et 28 juillet 2022, la société Energie du Mignon, représentée par Me Elfassi, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de déclarer irrecevables les interventions de la société civile immobilière (SCI) Lavilomoine et de M. Q... G... et autres, et de rejeter l'ensemble de leurs demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2021 du préfet de la Charente-Maritime portant refus d'autorisation environnementale d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent implantée à Dœuil-sur-le-Mignon ;

3°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée, assortie le cas échéant de prescriptions particulières, et ordonner à l'administration de procéder aux formalités de publicité de l'arrêt à intervenir, selon les dispositions de l'article R. 181-44 du code de l'environnement ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'administration de délivrer l'autorisation environnementale, ou à défaut de reprendre l'instruction de la demande correspondante et se prononcer sur celle-ci, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) d'organiser une visite des lieux afin de permettre à la cour de mieux apprécier la disposition des lieux concernés en application des dispositions de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les interventions sont tardives au regard de l'article R. 632-1 du code de justice administrative ;

- M. G... et autres et la SCI Lavilomoine ne justifient pas d'un intérêt suffisant à intervenir dans la présente instance ;

- la motivation de la décision attaquée est insuffisante eu égard aux exigences des articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur les résultats d'une étude de l'occupation visuelle théorique dépourvue de toute portée et en s'abstenant d'étudier l'insertion réelle du projet dans le paysage ;

- le paysage environnant du site d'implantation ne présente pas d'intérêt particulier ;

- le projet ne porte pas atteinte à la protection des paysages au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait concernant l'impact des covisibilités du projet avec les églises de l'Assomption à Dœuil-sur-le-Mignon, du bourg de Belleville et du bourg de Saint-Étienne-la-Cigogne concernant d'une part, la qualification de sites alors même qu'il s'agit de monuments historiques et d'autre part, la distance entre le projet et ces monuments historiques ;

- le projet ne porte pas atteinte à la conservation de ces trois monuments historiques ;

- les moyens soulevés par les intervenants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Energie du Mignon ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 20 juin 2022 et 15 septembre 2022, M. Q... G..., Mme V... G..., M. Q... J..., M. C... F..., M. U... F..., Mme AH... F..., Mme N... H..., M. K... O..., Mme Y... P..., M. Z... D..., Mme X... D..., Mme AC... AD..., M. AE... AD..., M. AE... S..., M. R... L..., Mme A... L..., Mme AB... E..., M. W... I..., M. B... AI..., Mme M... AI... et Mme AF... AG..., représentés par Me Flynn, demandent à la cour :

1°) d'admettre leur intervention volontaire ;

2°) de rejeter la requête de la société Energie du Mignon ;

3°) de mettre à la charge de la société du Mignon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur intervention est recevable en application de l'article R. 631-2 du code de justice administrative ;

- c'est à bon droit que le préfet a considéré que le projet de parc éolien de la société Energie du Mignon méconnaît les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement dès lors que ce projet présente des dangers ou inconvénients pour la protection de l'environnement et des paysages et pour la conservation des sites et des monuments.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 15 juillet 2022 et 15 septembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société civile immobilière Lavilomoine, représentée par Me Flynn, demande à la cour :

1°) d'admettre son intervention volontaire ;

2°) de rejeter la requête de la société Energie du Mignon ;

3°) de mettre à la charge de la société du Mignon une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- leur intervention est recevable en application de l'article R. 631-2 du code de justice administrative ;

- c'est à bon droit que le préfet a considéré que le projet de parc éolien de la société Energie du Mignon méconnaît les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement dès lors que ce projet présente des dangers ou inconvénients pour la protection de l'environnement et des paysages et pour la conservation des sites et des monuments.

Par ordonnance du 15 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2022 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteur,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Berges représentant la société Energie du Mignon et Me Flynn représentant M et Mme. Q... et V... G..., M. Q... J..., M. C... F..., M.et Mme U... et AH... F..., Mme N... H..., M. K... O..., , Mme Y... P..., M et Mme D... Z... et X...,M et Mme AD... AE... et AC..., M AE... S..., M et Mme L... R... et A..., Mme AB... E..., M. W... I..., M et Mme.AI..., B... et M..., Mme AF... AG... et la SCI Lavilomoine, les observations de Mme T... représentant la préfecture de la Charente-Maritime, les obeservations de de M.Trouvat, maire de Doeuil-sur-le-Mignon et de Mme AA..., cheffe de projet représentant la société Energie du Mignon.

Une note en délibéré présentée par Me Elfassi a été enregistrée le 22 novembre 2023 pour la société Energie du Mignon.

Considérant ce qui suit :

1. La société Energie du Mignon a déposé le 28 août 2019 une demande d'autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur de 165 mètres en bout de pales et deux postes de livraison, sur le territoire de la commune de Dœuil-sur-le-Mignon. Par un arrêté du 11 mai 2021, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté cette demande. La société Energie du Mignon demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les interventions :

2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

En ce qui concerne l'intérêt à intervenir :

3. D'une part, M. G... et les autres personnes physiques établissent qu'ils sont tous habitants de Dœuil-sur-le-Mignon, commune d'implantation du projet de parc éolien et que leurs résidences sont situées entre 600 et 800 mètres du projet de parc éolien. Dans ces conditions, et dès lors qu'ils sont susceptibles de subir des nuisances sonores et visuelles et une dépréciation de la valeur vénale de leurs biens, M. G... et autres, quand bien même ils ne démontrent pas la réalité de ces inconvénients, justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance, au soutien du maintien de l'arrêté attaqué.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du titre de propriété produit par la SCI Lavilomoine en date du 10 août 1999, que cette société dont M. et Mme G... sont les deux cogérants et associés, est propriétaire d'une maison d'habitation sur la commune de Dœuil-sur-le-Mignon, commune d'implantation du projet de parc éolien qui est située à 780 mètres du projet. Dans ces conditions, et même si la SCI Lavilomoine n'établit pas la réalité des nuisances sonores et visuelles et la dépréciation de la valeur vénale de son siège social susceptibles d'être engendrées par le projet, elle justifie, eu égard à la possibilité de tels inconvénients et nuisances, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance au soutien du maintien de l'arrêté attaqué.

En ce qui concerne les délais des interventions :

5. Aux termes de l'article R. 631-2 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / (...). / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. / Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention. ".

6. L'introduction d'une intervention n'est subordonnée à d'autre condition de délai que celle découlant de l'obligation pour l'intervenant d'agir avant la clôture de l'instruction. Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, cette dernière résulte de la date limite fixée par l'ordonnance de clôture ou, à défaut d'une telle ordonnance, dépend, soit de la présentation par les parties de leurs observations orales, soit de l'appel de l'affaire à l'audience.

7. La société Energie du Mignon oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des interventions au motif que, d'une part, l'intervention de M. G... et autres a été enregistrée le 20 juin 2022, soit près d'un an après l'introduction de la requête alors que l'affaire était en état d'être jugée, et d'autre part, que l'intervention de la SCI Lavilomoine a entraîné un report de la clôture de l'instruction au 15 septembre 2022 retardant ainsi cette clôture. Toutefois, et dans la mesure où ces deux interventions ont toutes deux été introduites avant la date de la clôture de l'instruction initialement fixée au 22 juillet 2022, la fin de non-recevoir opposée par la société Energie du Mignon doit être écartée.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que les interventions de M. G... et autres et de la SCI Lavilomoine doivent être admises.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2021 :

9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

10. Après avoir visé les textes applicables et notamment les articles pertinents du code de l'environnement et décrit le projet de parc éolien, le préfet a décompté les éoliennes en service ou autorisées et non encore construites dans un rayon de 10 km autour du projet de la société Energie du Mignon, à savoir 34 éoliennes en service situées entre 1,2 km et 8,5 km du projet de parc éolien litigieux et 49 éoliennes autorisées et non encore construites situées entre 0,5 km et 10 km de ce même projet. Cet arrêté relève que la réalisation du projet de la société Energie du Mignon accentuerait la densité éolienne du secteur et l'effet de saturation générés, par cumul, au niveau des hameaux et des bourgs voisins, notamment des bourgs de Migré et de Saint-Etienne-la- Cigogne et des hameaux " Les Cornillières " et " la Grande Ville aux moines ". Cet acte mentionne également qu'il existe un impact fort de co-visibilité du projet avec trois églises précisément désignées, dont les sites sont inscrits, situées entre 0,8 km et 1,1 km du projet. Enfin, l'arrêté attaqué précise que ni les mesures annoncées par l'exploitant, notamment la limitation de la hauteur des éoliennes à 165 m et la plantation de haies, ni les dispositions imposées par la réglementation nationale ne peuvent être renforcées, pour ramener l'impact du projet à un niveau acceptable, par des mesures qui seraient imposées par un arrêté d'autorisation et que dans ces conditions, le projet de parc éolien de la société Energie du Mignon méconnaît les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en terme de protection des paysages. Cette motivation est suffisante, contrairement à ce que soutient la société requérante, dès lors qu'elle permet de comprendre les éléments de droit et de fait sur lesquels la décision est fondée.

11. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique

12. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions citées au point 11 en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

13. En premier lieu, la circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de générer, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens du même article. L'arrêté attaqué se réfère, s'agissant de l'évaluation des effets en matière d'encerclement ou de saturation visuelle générés par les effets cumulés des parcs et projets éoliens, au " guide relatif à l'élaboration des études d'impact des projets de parc éoliens terrestres " révisé en octobre 2020 et analyse les indices d'occupation de l'horizon et d'espace de respiration induits par le projet litigieux. Il en ressort que le préfet de la Charente-Maritime a tenu compte d'une méthodologie issue d'études scientifiques, reprise par les services de l'État depuis plusieurs années, et d'ailleurs aussi par les cabinets d'études, qui bien que ne résultant d'aucun texte réglementaire, permet de définir et de quantifier la saturation visuelle du point de vue de l'habitant et d'une personne de passage à partir de l'analyse de trois indices d'alerte : l'indice d'occupation de l'horizon, l'indice de densité des horizons occupés et l'indice d'espace de respiration (ou angle de respiration) auxquels doit s'ajouter une appréciation affinée au cas par cas de la topographie des lieux. Contrairement à ce que soutient la société Energie du Mignon, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Charente-Maritime se serait borné à appliquer les seuils issus de cette méthodologie. La seule circonstance que l'arrêté attaqué ne vise pas explicitement les photomontages de l'étude d'impact ne suffit pas à considérer que le préfet n'a pas apprécié l'insertion réelle du projet, l'arrêté attaqué faisant expressément référence à l'étude d'impact. Ainsi, le préfet a nécessairement et effectivement pris en compte l'insertion réelle du projet dans le paysage puisqu'il a analysé la demande d'autorisation environnementale qui comprend les photomontages du volet paysager de l'étude d'impact, ainsi que le rapport de l'inspection des installations classées qui se réfère à ces photomontages et en reproduit certains. Par suite, l'erreur de droit soulevée doit être écartée.

14. En deuxième lieu, la société Energie du Mignon ne conteste pas la comptabilisation effectuée par le préfet concernant le nombre des éoliennes construites et autorisées autour du parc éolien projeté. Il résulte par ailleurs de l'instruction et notamment des données figurant dans le volet paysager de l'étude d'impact produite par le pétitionnaire, complétée au mois de juin 2021 par une note du cabinet Couasnon que, concernant le bourg de Saint-Etienne-la-Cigogne, l'indice d'occupation de l'horizon, qui ne doit théoriquement pas être supérieur à 120°, est dépassé dans l'état projeté, passant de 115° à 140,5°, et que l'indice de plus grand espace de respiration, dont il est couramment admis qu'il ne devrait pas être inférieur à 160°, même si la société retient un seuil de 90°, est aggravé, passant de 86,5°dans l'état initial à 83° dans l'état projeté. Concernant le bourg de La Grande-Ville-aux-Moines, il résulte de l'instruction et notamment de cette étude, que le seuil d'indice d'occupation de l'horizon est dépassé et que l'indice est aggravé dans l'état projeté, passant de 133,5° à 151,5°, et que le seuil d'alerte de l'indice d'espace de respiration est également dépassé et cet indice aggravé, passant de 96° à 88°. Concernant le bourg de Saint-Etienne-la-Cigogne, malgré la présence de masques végétaux représentés notamment sur les photomontages 1 et 2 de cette étude, les photomontages n°3 et 4 de cette même étude révèlent une densité forte d'éoliennes d'ailleurs corroborée par l'indice de prégnance visuelle du motif éolien. Il en va de même concernant le bourg de La Grande-Ville-aux-Moines, en dépit de la présence de masques végétaux sur les photomontages n°1 et 2 de cette étude, les photomontages n°3 et 4 de cette étude révélant une densité forte d'éoliennes d'ailleurs corroborée par les indices de l'étude paysagère de densité sur les horizons occupés de 0,55 et de prégnance visuelle du motif éolien. La méthodologie de la note complémentaire du mois de février 2022 produite par la société requérante précise que les différents angles de vue qu'elle analyse sont pris d'une position de l'observateur située systématiquement au centre des bourgs et hameaux. Cette note ne saurait donc suffire à exclure l'existence de l'effet de saturation constatée par l'étude d'impact et la note du mois de juin 2021 qui font état de points de vue en sortie de village. Enfin, les vidéo-montages auxquels renvoie cette note, compte tenu des points de référence retenus, ne suffisent pas davantage à exclure l'existence d'un effet de saturation, dans la mesure où la cartographie des lieux permet d'identifier une visibilité sur des éoliennes depuis plusieurs des ouvertures visuelles des villages vers l'extérieur. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que, comme l'a relevé l'arrêté attaqué, le projet présente un risque avéré de saturation visuelle au niveau des hameaux et des bourgs voisins du projet de parc éolien, notamment des bourgs de Saint-Etienne-la- Cigogne et La Grande-Ville-aux-Moines. Il porte ainsi atteinte à la commodité du voisinage, intérêt protégé par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ce alors même que le paysage du secteur ne présenterait pas un intérêt particulier. Le seul motif tiré de l'atteinte à la commodité du paysage suffit à justifier le rejet de l'autorisation environnementale sollicitée par la société requérante.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la visite des lieux demandée par la société Energie du Mignon sur le fondement de l'article R. 622-1 du code de justice administrative, la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 11 mai 2021.

Sur les conclusions tendant à la délivrance d'une autorisation ou au prononcé d'une injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'annulation présentées par la société Energie du Mignon, n'implique ni la délivrance de l'autorisation sollicitée, ni qu'il soit enjoint au préfet compétent de délivrer cette autorisation ou de réexaminer la demande.

Sur les frais liés au litige :

17. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la société Energie du Mignon au titre des frais d'instance.

18. D'autre part, M. G... et autres et la SCI Lavilomoine, intervenants en défense, n'étant pas parties à la présente instance, leurs demandes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de M. G... et autres et de la SCI Lavilomoine sont admises.

Article 2 : La requête de la société Energie du Mignon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. G... et autres et la SCI Lavilomoine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Energie du Mignon, à M. Q... G..., désigné en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2023.

La rapporteure,

Edwige MichaudLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02918
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-06;21bx02918 ?
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