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05/12/2023 | FRANCE | N°23PA03529

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 05 décembre 2023, 23PA03529


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande, transmise au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance n° 2303974 du 5 juin 2023, tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2305692 du 15 jui

n 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande, transmise au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance n° 2303974 du 5 juin 2023, tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2305692 du 15 juin 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, M. C... A..., représenté par Me Koraitem, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2023 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 9 mai 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la menace que son comportement ferait peser sur l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

-la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la menace que son comportement ferait peser sur l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... A... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant marocain, né le 14 septembre 1996 à Oujda (Maroc), est entré en France le 1er août 2015 muni d'un passeport revêtu d'un visa selon ses déclarations. Il a été condamné le 10 mai 2019 par le Tribunal correctionnel d'Amiens à une peine d'emprisonnement de trois mois pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et de menace de mort avec ordre de remplir une condition, commise par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et vol, et a été écroué le 15 mars 2023 à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. Il a également été condamné le 13 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire d'Amiens à une peine d'emprisonnement de deux mois avec maintien en détention pour des faits de rébellion et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique. Par arrêté du 9 mai 2023, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... A... a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande transmise au Tribunal administratif de Melun, tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). "

3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen personnalisé de la situation de M. A... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 3 à 5 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, il est constant que le requérant a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, comme cela été exposé au point 1. Dans les circonstances de l'espèce, ces condamnations pénales, de par leur nature et leur caractère répété, révèlent que le comportement de M. C... A... constitue une menace pour l'ordre public qui justifiait la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire français en vertu de l'article L. 611-1, 5°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant à la menace sur l'ordre public doit donc être écarté.

5. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. M. C... A... se prévaut de sa qualité de père d'un enfant français. S'il justifie dans la présente requête d'appel être le père d'une fille de nationalité française née le 24 mars 2019, il ne justifie pas contribuer effectivement à son éducation et son entretien. Le moyen qu'il tire de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité de la convention internationale des droits de l'enfant doit donc être écarté. Il ne saurait par ailleurs se prévaloir utilement des stipulations de l'article 9 de la même convention, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " L'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. " Enfin, selon l'article L. 613-2 de ce même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. "

8. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

9. En premier lieu, la décision prononçant à l'encontre de M. C... A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision doit donc être écarté.

10. En second lieu, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation quant à la menace que ferait peser le comportement de M. C... A... sur l'ordre public, et de violations des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 6.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Niollet, président- assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES Le président,

J-C. NIOLLET

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03529
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : KORAITEM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;23pa03529 ?
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