Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2208593 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Tihal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 13 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 2 août 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, le préfet a entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la durée de sa résidence habituelle en France, des liens privés et familiaux dont il dispose et de l'intégration professionnelle dont il peut se prévaloir ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le préfet du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 25 septembre 1988, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 2 août 2022, la préfète du
Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... relève régulièrement appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont entaché le jugement contesté d'une erreur de droit, à le supposer soulevé, qui n'est pas susceptible d'être utilement soulevé devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, doit être écarté comme étant inopérant.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants tunisiens conformément à l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et, aux termes de l'article
L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
5. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, d'une part, que M. B... a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et, d'autre part, que la préfète du Val-de-Marne a également examiné sa demande dans le cadre du pouvoir général de régularisation qu'elle détient même sans texte.
7. En premier lieu, si M. B... soutient séjourner en France depuis 2012, il ne démontre pas l'ancienneté de sa résidence habituelle sur le territoire en l'absence de production de toute pièce justificative. En tout état de cause, il ressort des termes non contestés de l'arrêté en litige que M. B... est entré en France le 5 septembre 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour et ne comptabilisait donc pas dix ans de présence sur le territoire à la date d'édiction de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, dès lors que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que des seuls cas des étrangers qui établissent effectivement une durée de séjour en France depuis plus de dix ans, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de rejeter sa demande de titre de séjour. Ce moyen doit par suite être écarté.
9. En troisième lieu, si M. B... fait valoir l'ancienneté de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, il ne l'établit pas ainsi qu'il a été dit au point 7, la seule durée de son séjour n'étant pas suffisante, en tout état de cause, pour établir l'existence d'un motif exceptionnel justifiant une admission au séjour. L'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et n'apporte au demeurant aucune précision sur les liens dont il entend se prévaloir en France. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'établit pas davantage l'intégration professionnelle qu'il revendique et ne démontre aucune qualification professionnelle particulière en l'absence de toute pièce justificative. Dans ces conditions, M. B... qui ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012, n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation en refusant de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Melun à rejeter sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur
et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03148