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05/12/2023 | FRANCE | N°23NT01872

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 05 décembre 2023, 23NT01872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n°2306451 du 6 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enre

gistrée le 22 juin 2023, M. A..., représenté par Me Ndeko, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°2306451 du 6 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, M. A..., représenté par Me Ndeko, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 juin 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 14 avril 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

2°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 7 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier :

- il est insuffisamment motivé ;

- le jugement attaqué est infondé :

- l'arrêté du 14 avril 2023 est entaché d'une erreur d'appréciation sur la situation du pays responsable de sa demande d'asile et méconnait les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 :

* des défaillances systémiques affectent actuellement le système de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie ;

- l'arrêté de transfert méconnait les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

* compte tenu de son état psychique fragile, suite aux multiples violences dont il a été victime en Italie, et son suivi médical ne sera pas assuré ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

* il est malade et souffre de violents maux de tête ;

- il existe un risque de renvoi par ricochet vers la Guinée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de Loire-Atlantique qui ont enregistré sa demande le 21 mars 2023. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que l'intéressé avait déposé une première demande de protection internationale en Italie le 11 janvier 2023, le préfet de Maine-et-Loire a sollicité, le 27 mars 2023, sa reprise en charge par les autorités italiennes, lesquelles ont fait connaitre leur accord explicite le 7 avril 2023. Par l'arrêté contesté du 14 avril 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. A... aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement du 6 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué, les premiers juges se sont expressément prononcés sur le moyen soulevé par le requérant tiré du défaut d'examen de sa vulnérabilité liée à son état de santé, en cas de transfert en Italie, au point 8 dudit jugement. Cette motivation est suffisante en l'espèce.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation de M. A....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ".

5. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

6. M. A... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, mais en l'espèce, il ne produit aucun élément de nature à établir que les conditions matérielles d'accueil en Italie seraient caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure à l'existence de défaillances systémiques ou de risques réels et concrets qu'indépendamment de leur situation personnelle, tous les demandeurs d'asiles seraient systématiquement placés dans une situation de dénuement matériel et d'impossibilité d'avoir accès à une prise en charge adaptée et conforme au droit d'asile. M. A... ne produit aucun élément permettent d'établir que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en cause méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui leur est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne leur incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Le requérant évoque sa vulnérabilité particulière en raison de ses problèmes de santé, résultant notamment de son état psychique fragile, à la suite des multiples violences dont il aurait été victime en Italie et que son suivi médical ne sera pas assuré. Il ajoute qu'il est malade et souffre de maux de tête. Toutefois, les pièces médicales versées au dossier ne permettent pas de considérer que le suivi de l'état de santé de l'intéressé ne pourrait pas être correctement assuré en Italie. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que son état de santé le placerait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen du risque de renvoi par ricochet et qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir, par les moyens qu'il invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01872
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : NDEKO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;23nt01872 ?
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