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05/12/2023 | FRANCE | N°22PA03579

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 05 décembre 2023, 22PA03579


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, avant dire droit d'enjoindre au ministre des armées de verser au dossier les motifs des décisions lui refusant l'habilitation spéciale de sécurité, si besoin en saisissant la commission consultative du secret de la défense nationale à fin de les déclassifier et de produire les comptes rendus de ses entretiens et tout élément d'information démontrant que l'enquête de sécurité a été menée légalemen

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, avant dire droit d'enjoindre au ministre des armées de verser au dossier les motifs des décisions lui refusant l'habilitation spéciale de sécurité, si besoin en saisissant la commission consultative du secret de la défense nationale à fin de les déclassifier et de produire les comptes rendus de ses entretiens et tout élément d'information démontrant que l'enquête de sécurité a été menée légalement, d'autre part, d'annuler la décision du 27 avril 2020 par laquelle la ministre des armées a refusé de l'habiliter au secret de la défense nationale, ensemble le rejet de son recours gracieux, enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 70 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de ce refus d'habilitation.

Par un jugement n° 2020687/6-1 du 27 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Bouchmal, demande à la Cour :

Avant dire droit,

1°) d'enjoindre au ministre des armées, d'une part, de verser au dossier, dans un délai de quatre mois à compter de l'arrêt à intervenir, les motifs des décisions du 27 avril et du 30 septembre 2020 lui refusant l'habilitation spéciale de sécurité, si besoin en saisissant la commission consultative du secret de la défense nationale à fin de les déclassifier, d'autre part, de produire, sans délai, les comptes rendus de ses entretiens et tout élément d'information démontrant que l'enquête de sécurité a été menée légalement ;

En tout état de cause,

2°) d'annuler le jugement du 27 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 27 avril 2020 par laquelle la ministre des armées a refusé de l'habiliter au secret de la défense nationale, ensemble la décision du 30 septembre 2020 rejetant son recours gracieux ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 70 000 euros en réparation des préjudices moral et professionnel résultant de ce refus ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé en ce qui concerne ses conclusions tendant à la saisine de la commission du secret de la défense nationale ;

- il est irrégulier au regard du droit au procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il se borne à reproduire les écritures du ministre des armées en réponse à ces mêmes conclusions ;

- la décision du 27 avril 2020 aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire préalable ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision du 30 septembre 2020 est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 13 juin 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le décret n° 2015-386 du 3 avril 2015,

- l'arrêté du premier ministre du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1 300 sur la protection du secret de la défense nationale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été admise sur la liste complémentaire au concours externe pour l'accès à l'emploi de secrétaire administratif spécialisé organisé par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), pour la session 2019. Elle a fait l'objet, dans le cadre de la procédure de sélection des fonctionnaires de la DGSE, d'une enquête préalable. Au vu des conclusions de cette enquête, la ministre des armées, par une décision du 27 avril 2020, a refusé de lui délivrer l'habilitation spéciale de sécurité nécessaire à son recrutement. Par un recours gracieux du 3 août 2020, l'intéressée a sollicité de la ministre des armées, d'une part, qu'elle retire cette décision, d'autre part, qu'elle lui en communique les motifs, enfin, le versement de la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices moral et professionnel résultant de ce refus d'habilitation. Cette demande a fait l'objet d'un refus, le 30 septembre 2020. Par un jugement du 27 mai 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Paris, saisi dans les mêmes termes que son recours préalable du 3 août 2020, a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre expressément aux conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit procédé à un supplément d'instruction en vue de saisir la commission du secret de la défense nationale. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point doit donc être écarté.

4. En second lieu, en se bornant à alléguer que les premiers juges auraient reproduit les écritures du ministre des armées en ce qui concerne l'inutilité du supplément d'instruction qu'elle avait demandé, Mme A... n'établit en tout état de cause pas que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aurait été méconnu. Le moyen doit donc être écarté.

Sur les conclusions en annulation :

5. Aux termes de l'article 6 du décret du 3 avril 2015 fixant le statut des fonctionnaires de la direction générale de la sécurité extérieure : " Nul ne peut être recruté à la direction générale de la sécurité extérieure ou maintenu dans ses fonctions s'il ne se voit conférer par le ministre de la défense une habilitation spéciale de sécurité. / Les décisions conférant ou retirant cette habilitation sont prises au vu des conclusions d'une enquête destinée à évaluer les vulnérabilités personnelles, et leur compatibilité avec l'exercice de fonctions au sein de la direction générale de la sécurité extérieure. Cette enquête est protégée par le secret de la défense nationale. / Les décisions refusant ou retirant l'habilitation mentionnée au premier alinéa ne sont pas motivées ". Aux termes de l'article 23 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, dans sa version approuvée par l'arrêté du Premier ministre du 30 novembre 2011, applicable au litige : " (...) La demande d'habilitation déclenche une procédure destinée à vérifier qu'une personne peut, sans risque pour la défense et la sécurité nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports classifiés dans l'exercice de ses fonctions. La procédure comprend une enquête de sécurité permettant à l'autorité d'habilitation de prendre sa décision en toute connaissance de cause (...) ". Aux termes de l'article 24 de la même instruction : " (...) L'enquête administrative est fondée sur des critères objectifs permettant de déterminer si l'intéressé, par son comportement ou par son environnement proche, présente une vulnérabilité, soit parce qu'il constitue lui-même une menace pour le secret, soit parce qu'il se trouve exposé à un risque de chantage ou de pressions pouvant mettre en péril les intérêts de l'Etat, chantage ou pressions exercés par un service étranger de renseignement, un groupe terroriste, une organisation ou une personne se livrant à des activités subversives (...) ".

6. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, sans faire valoir d'argument de droit ou de fait nouveau et pertinent, les moyens de légalité externe tirés de l'insuffisante motivation de la décision du 27 avril 2020, de ce qu'elle aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire, et de ce que la décision du 30 septembre 2020 serait entachée d'incompétence. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 3, 4 et 5 de son jugement.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, plus spécialement de la " note blanche " produite en défense, que, lors de l'enquête administrative, Mme A... s'est trouvée en difficulté pour exposer de manière précise et complète tant la nature des liens qu'elle pouvait entretenir avec des membres de sa famille vivant à l'étranger, que l'état de sa situation personnelle. Sur ce dernier point, la " note blanche " relève que l'intéressée n'a pas été en mesure de fournir avec exactitude le nom de famille de deux de ses proches, et qu'elle a affirmé ne connaître de leurs professions que ce qu'ils avaient bien voulu lui en dire. Mme A... aurait également indiqué au service enquêteur souffrir depuis de nombreuses années d'un trouble anxieux, soigné par la prise d'anxiolytiques. Si Mme A... conteste l'exactitude matérielle de ces faits, les pièces qu'elle produit ne permettent pas d'en remettre en cause la réalité. Dans ces conditions, en estimant qu'elle présentait une vulnérabilité personnelle incompatible avec l'exercice des missions confiées à la DGSE, la ministre des armées n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation des faits, dont l'inexactitude n'est du reste pas établie.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. Les décisions contestées n'étant, ainsi qu'il a été exposé au point 7, pas entachées d'illégalité fautive, les conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée pour avoir refusé de lui délivrer l'habilitation spéciale de sécurité, doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de procéder à un supplément d'instruction, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Niollet, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULe président,

J-C NIOLLET

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre des armées et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03579
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BOUCHMAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;22pa03579 ?
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