Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois requêtes enregistrées sous les nos 2004107, 2004112 et 2011477,
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris :
- de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des amendes prévues par le IV de l'article 1736 du code général des impôts pour les années 2010 et 2012 mis en recouvrement le 18 juillet 2016 ;
- de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 et mises en recouvrement les 19 septembre et 25 octobre 2017 pour un montant total de 63 340 euros ;
- de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et mis en recouvrement le 31 juillet 2016 pour un montant de 66 770 euros.
Par un jugement commun du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Paris a déchargé Mme B..., en droits, pénalités et intérêts, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour les années 2011 et 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales concernant l'exercice d'une activité occulte ainsi que de l'amende de 10 000 euros mise à sa charge sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour l'année 2012 et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 avril 2022, Mme B..., représentée par Me De Stefano, avocat, demande à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er mars 2022 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions demeurées en litige au titre des années 2010 à 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit, d'inexactitudes matérielles et d'une dénaturation des pièces ;
- les juges de première instance ont omis de statuer sur l'ensemble de ses conclusions et de répondre au moyen relatif à l'application de l'article R. 197-5 du livre des procédures fiscales ;
- les rehaussements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012 à raison de revenus d'origine indéterminée, ont été prononcés à l'issue d'une procédure irrégulière, l'administration ayant méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a retenu que sa requête enregistrée sous le n° 2011477 était tardive et par suite irrecevable ;
- l'administration a manqué à son obligation de communication des documents obtenus de tiers en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dans le cadre de la procédure d'imposition des rehaussements prononcés au titre de l'année 2010 ;
- cette irrégularité substantielle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification du 23 décembre 2015 méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la garantie d'accès au recours hiérarchique a été méconnue ;
- l'administration fiscale a manqué à son obligation de loyauté en la privant de la garantie d'accès au recours hiérarchique par des manœuvres dolosives ;
- les avis d'imposition établis au titre des années 2001 à 2007, 2009 et 2010 font échec à la présomption de revenus prévue par l'article 1649 A du code général des impôts telle qu'interprétée par la documentation administrative référencée BOI-CF-CPF-30-20, n° 240 du 12 septembre 2012, la somme de 100 000 euros taxée au titre de 2010, transférée vers un compte non déclaré, étant constituée de revenus précédemment déclarés et imposés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'irrecevabilité de la requête présentée en première instance par Mme B... tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2010 entraîne l'irrecevabilité de la requête d'appel au titre de cette année ;
- le litige est limité à la somme globale de 108 733 euros compte tenu des dégrèvements prononcés en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme B... à l'encontre des redressements prononcés au titre de l'année 2010 ne sont pas fondés.
Vu :
- les certificats de dégrèvement des 6 avril 2022, enregistrés le 5 octobre 2023 ;
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Par une première proposition de rectification du 13 décembre 2013, le service lui a notifié, au titre de l'année 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts, assorties des pénalités correspondantes. Par une seconde proposition de rectification du 28 décembre 2014, l'administration fiscale lui a notifié au titre des années 2011 et 2012 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités assorties à ces redressements. Mme B... relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 1er mars 2022 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités de l'ensemble des rehaussements mis à sa charge.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. En premier lieu, si Mme B... reproche au tribunal un défaut de réponse à des conclusions, notamment en tant que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'administration au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2010, il résulte du dossier de première instance, transmis à sa demande à la Cour, que les premiers juges ont statué sur l'ensemble des conclusions qui leur étaient soumises. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur des conclusions doit, par suite, être écarté comme non fondé.
3. En deuxième lieu, il ressort de la lecture des points 3 à 5 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par l'intéressée, ont énoncé de manière suffisamment précise les éléments de fait et les fondements juridiques pertinents au soutien de leur raisonnement, ainsi que les motifs par lesquels ils ont accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la tardiveté de la requête n° 2011477 présentée devant eux.
4. En troisième lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur de droit, d'inexactitudes matérielles des faits ou d'une dénaturation des pièces.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance enregistrée sous le n° 2011477 :
5. Le ministre soutient en appel, comme en première instance, que la demande de Mme B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010, enregistrée au tribunal administratif de Paris le 30 juillet 2020, est tardive et, par suite, irrecevable.
6. D'une part, aux termes de l'article R. 197-5 du livre des procédures fiscales : " Tout réclamant domicilié hors de France doit faire élection de domicile en France ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " (...) Ce même délai est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition (...) ". Aux termes de l'article R. 198-10 du même livre : " La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. (...). Les décisions de l'administration sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif ". Aux termes de l'article R. 751-3 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ". En indiquant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur une réclamation sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif, l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales a entendu renvoyer aux dispositions du code de justice administrative qui régissent la notification des décisions clôturant l'instance. Il suit de là que le délai de recours devant le tribunal administratif ne court qu'à compter du jour où la notification de la décision de l'administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable à son domicile réel, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l'intermédiaire d'un mandataire au nombre de ceux mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative. La circonstance que le contribuable aurait non seulement mandaté un conseil pour le représenter, mais aussi fait élection de domicile en son cabinet, est sans incidence sur l'application de cette règle.
8. Enfin, aux termes de l'article 164 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les personnes physiques exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal, ainsi que les personnes mentionnées au 2 de l'article 4 B, peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt ". Lorsque, de sa propre initiative ou à la suite d'une demande que lui adresse l'administration fiscale en application de ces dispositions, un contribuable imposable à l'impôt sur le revenu en France sans y avoir son domicile fiscal désigne une personne établie ou domiciliée en France pour la représenter auprès de cette administration, cette désignation emporte élection de domicile auprès de ce représentant pour l'ensemble des procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt sur le revenu. Par suite, lorsque l'administration fiscale, dûment informée de cette désignation, conduit à l'égard de ce contribuable une procédure de rectification, elle doit, en principe, adresser à ce représentant la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. La notification de la proposition de rectification au domicile du contribuable est toutefois réputée régulière s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés.
9. Il résulte de l'instruction que la réclamation préalable présentée le 26 décembre 2018 par Mme B... se rapportant aux impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2010, a été rejetée par une décision du 23 décembre 2019. Le pli contenant cette décision, qui comportait la mention des voies et délai de recours, a été distribué le 3 janvier 2020 à une adresse située dans le 12ème arrondissement à Paris, correspondant à la domiciliation fiscale que Mme B... avait déclarée au service. Mme B... soutient que cette notification était irrégulière, faute d'avoir été adressée à son conseil auquel elle avait donné mandat pour la représenter devant l'administration, ainsi qu'elle était tenue de le faire en application des dispositions de l'article R. 197-5 du livre des procédures fiscales en sa qualité de contribuable résidant à l'étranger. Toutefois, si l'intéressée a effectivement donné mandat le 24 février 2014 à son conseil pour la représenter et défendre ses intérêts dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle engagé au titre des années 2010 à 2012 et a élu domicile en son cabinet, aucune des pièces produites à l'instance se rapportant à sa résidence à l'étranger entre 2012 et 2015 ne permet d'établir que Mme B... avait la qualité de contribuable fiscalement non-domiciliée en France et demeurait effectivement en République dominicaine à la date à laquelle la décision en litige a été notifiée. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la notification de la décision de rejet en cause n'aurait pas été régulièrement faite à son domicile réel situé en France conformément à l'article R. 198-10 précité du livre des procédures fiscales. A ce titre, Mme B... ne justifie pas que le défaut de mention de son prénom sur l'accusé de réception du pli notifié le 3 janvier 2020 aurait pu conduire à distribuer ce courrier à une homonyme vivant à la même adresse. Elle ne démontre pas davantage que le signataire de cet accusé de réception ne disposait d'aucun mandat pour recevoir ces courriers et que la signature n'aurait pas été régulièrement apposée dans la rubrique " mandataire ". Par suite, faute de démontrer que la notification de la décision en litige aurait été irrégulièrement accomplie, la requête de Mme B..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 30 juillet 2020, a été présentée au-delà du délai de deux mois qui lui était imparti pour contester la décision de rejet de sa réclamation préalable. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la tardiveté de la requête.
En ce qui concerne les impositions demeurées à la charge de Mme B... au titre des années 2011 et 2012 :
10. Aux termes de l'article 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus après de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
11. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a, en vertu de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, procédé à la taxation d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, de crédits bancaires détenus par Mme B... dont l'origine et la nature demeuraient inexpliquées et qui ont été portés à sa connaissance par une demande de justification qui lui a été adressée le 21 février 2014. Contrairement à ce qu'elle soutient, la taxation de ces sommes dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée résulte non du droit de communication exercé ultérieurement par le service le 16 avril 2014 auprès des autorités judiciaires, mais seulement de l'insuffisance ou de l'absence de réponse à la demande de justifications du 21 février 2014 et à la mise en demeure du 5 mai 2014 dont elle a été destinataire. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en tant qu'il se rapportait aux rehaussements prononcés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge à raison de revenus d'origine indéterminée. Par suite, ses conclusions dans leur ensemble ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01968