Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B..., la société Avenir Investir Environnement et la société Artxbat ont demandé au Tribunal administratif de Paris :
1°) de condamner l'office public de l'habitat Paris Habitat (ci-après désigné Paris Habitat) à verser à M. B... la somme de 30 363,90 euros, à la société Avenir Investir Environnement la somme de 10 350 euros et à la société Artxbat la somme de 1 800 euros, au titre de prestations non rémunérées du marché de maîtrise d'œuvre pour la réalisation d'une opération de réhabilitation d'un bâtiment en résidence étudiante d'environ 125 logements au 61 boulevard Saint-Jacques à Paris dans le 14ème arrondissement ;
2°) de condamner Paris Habitat à leur verser une indemnité de 10 233,28 euros au titre de la résiliation de ce marché.
Par un jugement n°1902121/3-1 du 28 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022, et des mémoires enregistrés le 28 juillet 2022, le 13 janvier 2023 et le 30 janvier 2023, M. B..., la société Avenir Investir Environnement et la société Artxbat, représentés par Me Delair, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner Paris Habitat à verser à M. B... la somme de 30 363,90 euros TTC, à la société Avenir Investir Environnement la somme de 10 350 euros TTC et à la société Artxbat la somme de 1800 euros TTC au titre de prestations non rémunérées du marché de maître d'œuvre mentionné ci-dessus, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;
3°) de condamner Paris Habitat à leur verser la somme de 10 233,28 euros au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;
4°) subsidiairement, de condamner Paris Habitat au versement de la somme de 32 554,80 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;
5°) de mettre à la charge de Paris Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de première instance était recevable y compris en ce qu'elle tendait à obtenir une indemnité de résiliation, une lettre de réclamation ayant été adressée le 23 juillet 2018 et la réclamation préalable n'étant pas nécessaire pour l'indemnité de résiliation ;
- ils ont réalisé, à la demande de Paris Habitat, des prestations complémentaires pour la réalisation des permis de construire n°3 et n°3 bis, des dossiers de consultation des entreprises n° 2 et n° 3 et d'une étude pour la restauration d'un escalier ;
- ils ont droit à l'indemnité de résiliation prévue par l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles ;
- à titre subsidiaire, Paris Habitat a reconnu être redevable de la somme de 32 554,80 euros TTC.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juin 2022 et 11 janvier 2023, l'office public de l'habitat Paris Habitat, représenté par Me Richer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge in solidum de M. B..., de la société Avenir Investir Environnement et de la société Artxbat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable présentée dans le délai de deux mois à la suite de la naissance du différend ; par suite, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants sont infondés.
Par une ordonnance du 11 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 février 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, approuvé par arrêté du 16 septembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès ;
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Duvignau, pour Paris Habitat.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché de maîtrise d'œuvre notifié le 22 décembre 2011, l'office public de l'habitat Paris Habitat (ci-après désigné Paris Habitat) a confié à un groupement conjoint de maîtrise d'œuvre, constitué de la société Monchecourt et B..., mandataire solidaire, à laquelle s'est substitué M. B..., de la société Avenir Investir, aux droits de laquelle vient la société Avenir Investir Environnement et de la société Artxbat, un marché portant sur la réalisation d'une opération de réhabilitation d'un bâtiment en résidence étudiante d'environ 125 logements. L'opération a évolué en cours de marché afin de permettre la création d'un foyer pour jeunes travailleurs de 117 logements dont 7 en colocation, géré par l'association pour le logement des jeunes travailleurs (A...). Le 11 octobre 2018, Paris Habitat a procédé à la résiliation du marché aux torts du groupement titulaire, au motif que ce dernier n'avait pas remis le dossier de consultation des entreprises de l'opération dans le délai imparti. Le 30 novembre 2018, Paris Habitat a estimé que la résiliation ne laissait à sa charge aucune somme. M. B..., la société Avenir Investir Environnement et la société Artxbat ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner Paris Habitat à leur verser respectivement les sommes de 30 363,90 euros, 10 350 euros et 1 800 euros, au titre de prestations non rémunérées au marché ainsi qu'une indemnité globale de 10 233,28 euros à raison de la résiliation de ce marché. Par un jugement du 28 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. M. B..., la société Avenir Investir Environnement et la société Artxbat relèvent appel de ce jugement.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Paris Habitat :
Sur les conclusions principales de la requête :
S'agissant des demandes de rémunérations complémentaires :
2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre, alors en vigueur : " La mission de maîtrise d'œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux." Aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, alors en vigueur : " Le contrat de maîtrise d'œuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'œuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'œuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel. "
3. Il résulte de ces dispositions que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Le maître d'œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.
En ce qui concerne la demande de rémunération complémentaire pour les permis de construire n° 3 et 3 bis :
4. Il résulte de l'instruction qu'un premier permis de construire élaboré par le groupement titulaire, obtenu le 27 novembre 2012, rectifié le 22 avril 2013, est devenu caduc le 27 novembre 2015, l'opération n'ayant pu être menée en raison de l'occupation des locaux à réhabiliter. En prévision de la libération des lieux en février 2017, Paris Habitat a demandé en 2016 au groupement titulaire de préparer un nouveau permis de construire. Est intervenue d'abord la préparation du permis de construire n°3 consistant en un projet de résidence pour étudiants après analyse et traitement des évolutions réglementaires depuis 2013. Puis le permis n°3 bis a consisté en une réfection du permis n°3 en raison du changement de destination de l'immeuble, à savoir la création d'un foyer pour jeunes travailleurs. Parallèlement, par un avenant n°3, signé en novembre 2016, les parties ont convenu, d'une part, de la reprise partielle par le groupement titulaire du dossier de permis de construire et, d'autre part, de réserver son achèvement à une demande expresse de Paris Habitat. Cet avenant stipule une rémunération complémentaire de 13 350 euros hors taxes. Puis par un avenant n°4, notifié par courrier du 22 mars 2018, les parties ont constaté que les locaux ne seraient libérés qu'en février 2018 et ont modifié l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) afin de permettre la certification du projet NF Habitat HQE - rénovation 2.0, label Effinergie rénovation avec territorialisation, en lieu et place de la certification stipulée initialement. Cet avenant modifie la rémunération du groupement titulaire en l'augmentant de 3 320 euros hors taxes. Les avenants nos 3 et 4 comprennent une clause par laquelle les parties renoncent à l'exercice de tout recours relatif à ces avenants. Le permis de construire a été déposé le 21 décembre 2017.
5. En dépit de la clause de renonciation susvisée et des rémunérations complémentaires au titre de ces deux avenants, les requérants soutiennent que leur surcroît de travail justifie d'autres rémunérations complémentaires.
6. Or, d'une part, la circonstance, à la supposer établie, que la finalisation de la mission à l'automne 2017 aurait nécessité un surcroît de travail du groupement titulaire afin de tenir compte de l'évolution de la règlementation applicable, ne révèle ni une modification du programme ou des prestations décidée par Paris Habitat, ni la réalisation de prestations non prévues au marché, ni une sujétion imprévue présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause serait extérieure aux parties et aurait eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. D'autre part, l'intégration de la certification NF Habitat HQE - rénovation 2.0 a bien fait l'objet d'une rémunération complémentaire, après le dépôt du permis de construire, dans le cadre de l'avenant n°4. Enfin, si la vocation de l'immeuble a été tardivement repensée, en vue de son utilisation non plus comme une résidence étudiante mais comme un foyer de jeunes travailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'il en aurait découlé une modification du programme impliquant de retravailler substantiellement le dossier de permis de construire. Dans ces conditions et au regard du caractère forfaitaire de la rémunération du maître d'œuvre, tel qu'il est énoncé aux points 2 et 3, les requérants ne sont pas fondés à solliciter le versement d'une rémunération complémentaire à raison de la constitution du dossier de permis de construire finalement déposé le 21 décembre 2017.
En ce qui concerne la demande de rémunération complémentaire pour les dossiers de consultation des entreprises n° 2 et n° 3 :
7. En premier lieu, le groupement titulaire a adressé à Paris Habitat, par courrier du 7 juin 2013, un dossier de consultation des entreprises, constitué dans le cadre du permis de construire obtenu le 27 novembre 2012, devenu caduc le 27 novembre 2015. Cette prestation a été intégralement rémunérée par le versement le 17 septembre 2013, par Paris Habitat, d'un acompte de 34 924,88 euros. Il n'est pas contesté que le groupement titulaire a remis en février 2018, à la suite du dépôt du nouveau permis de construire, un dossier de consultation des entreprises, mais ce document n'était pas finalisé dès lors que de nombreux éléments nécessaires à son élaboration étaient encore manquants tels que, notamment, divers diagnostics et les demandes du preneur du bâtiment. En tout état de cause, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que ce dossier de consultation des entreprises comportait des différences notables par rapport à celui qui avait été transmis et payé en juin et septembre 2013. Dès lors, il n'est pas établi que la rémunération versée par Paris Habitat en septembre 2013 ne couvrirait pas la valeur contractuelle des prestations reçues à ce titre. Les requérants ne sont donc pas fondés à demander le versement de sommes complémentaires au titre de la réalisation du dossier de consultation des entreprises n°2.
8. En second lieu, aucun nouveau dossier de consultation des entreprises tenant compte de l'ensemble des contraintes du projet n'a été remis à Paris Habitat après février 2018. Les requérants ne sont donc pas fondés à demander la rémunération de prestations au titre du dossier de consultation des entreprises n°3, ces prestations n'ayant pas été reçues par Paris Habitat.
En ce qui concerne la somme de 400 euros hors taxes sollicitée au titre de l'étude de la restauration d'un escalier :
9. Il ne résulte pas de l'instruction que la prestation réalisée à ce titre ne devrait pas être intégrée dans la rémunération forfaitaire du groupement de maîtrise d'œuvre.
S'agissant de l'indemnité de résiliation :
10. Les requérants revendiquent le bénéfice de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles. Or, cette dernière indemnité est celle prévue dans le cas d'une résiliation pour motif d'intérêt général alors que la résiliation litigieuse a été prononcée pour faute du groupement de maîtrise d'œuvre en vertu de l'article 32 du même cahier, et que cette résiliation pour faute est justifiée, ledit groupement n'ayant pas transmis le dossier de consultation des entreprises dans le délai de 15 jours imparti par la mise en demeure du 25 juillet 2018. Les conclusions présentées au titre de l'indemnité de résiliation doivent donc également être rejetées.
Sur les conclusions subsidiaires de la requête :
11. La seule circonstance que par courriel du 29 juin 2018 Paris Habitat ait soumis une proposition d'avenant n°5 au groupement de maîtrise d'œuvre pour une rémunération complémentaire hors taxes de 27 129 euros, soit 32 554,80 euros TTC, ne signifie pas que Paris Habitat ait reconnu être redevable de cette somme dès lors que cette proposition d'avenant n'a pas été acceptée par le groupement. Les conclusions subsidiaires tendant à ce que Paris Habitat soit condamné à hauteur de ce montant, doivent donc être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., la société Avenir Investir Environnement et la société Artxbat ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leur requête, y compris les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
13. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. B..., de la société Avenir Investir Environnement et de la société Artxbat une somme de 1 500 euros au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B..., de la société Avenir Investir Environnement et de la société Artxbat est rejetée.
Article 2 : M. B... et les sociétés Avenir Investir Environnement et Artxbat verseront à Paris Habitat une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et à l'office public de l'habitat Paris Habitat.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES Le président,
J-C. NIOLLET
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01924 2
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